Magazine Culture

(anthologie permanente) Bohdan Chlíbec, "la vieille femme élève un né-trop-tard"

Par Florence Trocmé

DEMEURES ABANDONNÉES
Peut-être l’amour est-il extérieur aux êtres humains —
est-il toujours proche, de la nostalgie à la faute abjecte
qui retourne l’estomac — c’est pourquoi seulement vous vivez :
vous ne pouvez plus vivre.
Supporter cela fait partie de la bonne éducation,
de même que la peur,
je veux dire celle de ne pas retenir son urine.
OPUŠTĚNÁ SÍDLA
Snad že je láska mimo lidské bytosti –
vždy nablízku, od stesku až k odporné chybě,
co obrací žaludek – žijete jen proto,
že už nemůžete žít.
Snášet to, náleží ke slušnému vychování,
stejně jako strach,
myslím ten před neudržením moči.
/
UN TRAIN COMME LES AUTRES
L’angine blanche parcourt
tous les compartiments du train.
Elle souffle par les fenêtres entrouvertes
dans le paysage gangréné.
Le téléphone sonne dans l’appartement
à côté de la tempe du mort.
La beauté et le froid se coulent dans sa face.
La veille femme élève un né-trop-tard
elle en fait un vieillard.
La paralytique, incapable de se laver
depuis déjà plusieurs jours.
BĚŽNÝ VLAK
Hnisavá angína prochází
všechna kupé vlaku.
Vane pootevřenými okny
do zanícené krajiny.
Telefon vyzvání v bytě
u spánku zemřelého.
Do tváře mu vtéká krása a chlad.
Stará žena vychovává starce
z pozdně narozeného.
Ochrnutá se nedokázala umýt,
je tomu již několik dní.
(Une chambre obscure - Temná komora)

LA GENÈSE DE DÉCEMBRE
Avec la lampe, il a fait un petit tas de lumière
puis s’est rendormi (déjà la nuit tombait tôt).
Le dos couvert de neige, les pieds de boue,
le reste du corps de lambeaux de peau de lièvre.
Au nord-ouest s’affaissent les membranes de l’hiver,
il a neigé sur les nefs (les pigeons ne bougent pas).
Une femme se tient là, dans la salle obscure, le froid près d’elle,
une averse bat la vitre salie de lisier.
Mais la porcherie est éclairée, les lits sont faits, on chauffe.
PROSINCOVÁ GENESIS
Lampou přihrnul trochu světla
a znovu spal (tma už přicházela brzy).
Páteř obložil sníh, nohy marast,
korpus hadry se zbytky zaječiny.
Na severozápadě padají mázdry zimy,
do lodí nasněžilo (holubi se nepohnou).
Stojí tam žena, chlad při ní je v temné síni,
liják padá na zahnojené sklo.
Ve vepříně však svítí, už ustlali, už zatopili.
(Une cour en hiver - Zimní dvů)r
Bohdan Chlíbec,  Une cour en hiver précédé de Une chambre obscure, Fissile, traduction du du tchèque par Petr Zavadil & Cédric Demangeot, 2016, pp. 17, 39 et 59.
(Merci à Paul Laborde pour la saisie des textes et la recherche des versions originales).
Bohdan Chlíbec est un poète tchèque, né en Bohème du Nord en 1963 et qui vit à Prague depuis 1971. C’est un poète important qui publie peu : trois livres seulement dont un inédit en français. Les deux derniers sont donc regroupés dans le volume présenté ici. 
Lire cette note de lecture du livre


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Florence Trocmé 18683 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines