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A l'imagination

Par Vertuchou

Lorsque, lassée du long souci du jour

Et ballottée de peine en peine

Je suis perdue, prête à désespérer,

Ta bonne voix de nouveau me rappelle.

Ô ma fidèle amie, comment serais-je seule

Tant que tu peux parler sur pareil ton ?

Le monde du dehors est si vide d’espoir

Que m’est deux fois précieux le monde du dedans,

Ce tien monde où jamais ne règnent ruse et haine

Non plus que doute et froid soupçon ;

Où toi et moi et la Liberté,

Exerçons souveraineté indiscutée.

Qu’importe que, de toutes parts,

Le Péril, le Péché, la Ténèbre nous pressent

Si nous gardons ancré au fond de notre cœur

Un brillant ciel immaculé,

Chaud des mille rayons mêlés

De soleils qui jamais ne connaissent l’hiver ?

La Raison peut souvent se plaindre en vérité

Du triste train de la Nature,

Et révéler au cœur souffrant combien ses rêves

Sont voués à demeurer vains ;

Et la Réalité peut piétiner, brutale,

Les fleurs de l’Imagination à peine écloses.

Mais tu es toujours là pour ramener

Les visions latentes, pour parer

Le printemps dépouillé de nouvelles splendeurs

Et tirer de la mort une vie plus exquise,

Évoquant d’un souffle divin

De vrais mondes aussi lumineux que le tien.

Je ne crois guère en ta félicité fantôme,

Mais à l’heure apaisée du soir,

C’est toujours, oui, toujours avec reconnaissance

Que je te vois venir, ô bienfaisant pouvoir,

Infaillible consolatrice

Et quand l’espoir se meurt, plus radieux espoir.

le 3 septembre 1844

Emily Brontë

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