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(Note de lecture) Mathieu Nuss, Ainsi ces crochets X, par Bruno Fern

Par Florence Trocmé

Nuss Mathieu bonneAuteur de plusieurs ouvrages et critique (il participe activement au Cahier Critique de Poésie1), Mathieu Nuss dirige par ailleurs larevue*2. Dans ce livret à la facture sobrement soignée, il présente une succession de brèves proses étroitement mêlées aux dessins de l’artiste Petr Herel3, constitués de lignes reliant des traces de brûlures du papier. Ces deux œuvres ont en commun d’assurer une continuité tout en révélant ses points de rupture et le caractère à la fois affirmé et instable de ces formes – rejoignant en cela l’une des définitions que Jude Stéfan donnait des poèmes comme « ruines de mots résistant à la Ruine »4 – est régulièrement évoqué au long du texte : « Langue épluchée dans sa course au dénivelé, qui est aussi sa faillite. » ou « Par quoi tenus à distance ? les insectes muets et xylophages sont bien visibles dans les poutres de l’écrit. » En effet, ainsi que l’indique le titre, l’auteur tente de faire tenir ensemble des fragments de ce qui échappe pourtant fondamentalement à la fixité, en particulier à celle d’un sens qui se prétendrait univoque : « Des crochets X habitent mes murs, qui n’accrochent rien d’autre que leur maigreur, nul souvenir, nulle représentation, nul nul, filament d’ampoule grillé net. »
Si l’on en croit la citation d’Henri Michaux mise en exergue (« Le toucan, dans sa cage, depuis des mois, le problème de sa cage il l’a débattu dans sa tête. Mais nous, qu’est-ce qu’on sait ? »), ce qu’essaie de fixer Mathieu Nuss comporte indéniablement une dimension existentielle qui est d’ailleurs sensible dans le fait que certaines notations pourraient être issues du journal intime d’un individu attentif à tout ce qui l’entoure dans les moindres détails : « Mouche dont la symétrie du corps se trouve lavée de lumière – plus agréable pour l’œil-légiste. » ou « Présent plat, calme plat – à l’exception de la petite galaxie spirale soulevée par la baignoire qui se vide. » En outre, ces observations et sensations diverses sont parfois entremêlées avec des considérations d’ordre réflexif. Cela dit, les échos et les nombreuses reprises témoignent du travail de composition de ces différentes notes – terme qui s’impose d’autant plus que les références musicales, comme c’est souvent le cas chez cet auteur, ne manquent pas : « Attendant de trouver oasis ou chaussures à leurs pieds, les notes de Webern errent exemplaires. » ;  « Le violoncelle de la 1ère suite de Britten (l’opus 72), tout en courbes, en soleils agiles, tout en clairvoyance malgré la cosse qui enserre la déclamation, déplace avec lui les déplacements de l’anonymat. » ; « Dégoûtée et même renonçant à ses intentions, une langue peut être musique. Grande Ourse du plein août. Quand filent les particules du TGV, les têtes des passagers en glissandi. » ; « L’aigu des tablas. Les ardeurs douchées, comme un spasme de lucidité entre deux cymbales. » Il s’agit donc bien ici d’une véritable suite aux multiples tonalités.
Bruno Fern

P.S. : On peut commander ce livre en adressant un chèque à l’ordre de l’éditeur : julien nègre éditeur 57-59 rue Ramey 75018 Paris
1.http://cahiercritiquedepoesie.fr/
2 http://larevueasterisque.tumblr.com/
3 https://en.wikipedia.org/wiki/Petr_Herel
4 Stances : ou 52 contre-haï-ku, Le Temps qu’il fait, 1991.
Mathieu Nuss, Ainsi ces crochets X, dessins de Petr Herel, julien nègre éditeur, juin 2017, 24 pages, 15 €


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