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(Anthologie permanente) Petr Král, "Ce qui s'est passé"

Par Florence Trocmé

Kral peterLes éditions Le Réalgar publient Ce qui s’est passé de Petr Král, avec des peintures de Vlasta Voskovec.

Et voilà soudain il ne reste pas grand-chose Nadia fut trouvée noyée
sous une écluse Prokop a fini de respirer malgré la bouteille d'oxygène
Karel Š. a disparu à jamais dans la forêt
Moi-même d'un seul coup d'œil retourné depuis les boîtes à lettres
vers l'escalier j'ai vu se dissiper d'emblée quarante ans de vie en France
Avec l'arrivée de Miloš vint une animation nouvelle une fois il s'est levé pour marcher d'un pas incertain parmi les verres sur la table
sans savoir lui-même jusqu'où
Prokop pendant les séances de vendredi s'appuyait au mur
et pratiquait le théâtre tel qu'il l'a toujours voulu faire
dans ses seules paroles et grimaces
L'essentiel était de rendre rayonnante k rouille du monde
ou du moins d'être là quand en fin d'été
avec le soleil elle rentrait de biais dans les salles d'un bois
*
Il fallait disperser par le monde
même la mémoire sursaturée faire passer la mémorable goutte d'un sang partagé fraternellement
sur son doigt devant le poussiéreux JE sans maître dans un tunnel du métro parisien
De Paris aussi on partait par la suite il n'était pas nécessaire de savoir à la quête de quoi
pour que ce soit nécessaire
traîner la nuit vers Barcelone par des autoroutes désertes
dans un miroitement à perte de vue de flocons de neige
et d'étoiles çà et là longer en route des pêcheurs inconnus un boucher préludant dans un verger à un affrontement décisif
avec sa propre planète de viande suspendue
au voyage de retour voir les miroirs
dressés au seuil des maisons près des frontières
Parfois cependant on passait l'été dans la ville faisant sur le boulevard avec d'autres orphelins
la queue pour le tabac pour la fin du dimanche
et pour rien
Les ambulances passaient sans s'arrêter peut-être en route vers une autre métropole
au ciel apparaissaient le soir de distants messages
sans destinataire
On avait alors laissé également derrière soi
des villes entières d'accessoires usés d'accordéons dégonflés de genouillères
et de balles de tennis éraflées
du fond le plus secret nous en parvenait jusqu'à l'éclat
d'une enclume mère immaculée
avant que quelqu'un ne commence à compter fermement
pour lancer le morceau suivant
Petr Král, Ce qui s’est passé, peintures de Vlasta Voskovec, collection l’Orpiment, le Réalgar, 2017, 56 p., 14€.


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