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(Anthologie permanente) Ceija Stojka,"Nous vivons cachés"

Par Florence Trocmé

Stojka_couv-nous-vivonsLe livre de Ceija Stojka que publient les éditions Isabelle Sauvage, Nous vivons cachés, est surtout composé de proses.
Le livre contient cependant deux poèmes :
Auschwitz est mon manteau

Tu as peur de l'obscurité ?
Je te dis: là où le chemin est sans hommes,
Tu n'as rien à craindre.
Je n'ai pas peur.
Ma peur est restée à Auschwitz
Et dans les camps.
Auschwitz est mon manteau,
Bergen-Belsen ma robe
Et Ravensbrück mon maillot de corps.
De quoi devrais-je avoir peur ?
/
J'ai la liberté
Et bien des années après,
une fois libérés,
c'était très difficile
de revenir dans le monde,
dans le beau monde,
où le vert pousse,
où personne ne nous menace
et désire nous assassiner.
La peur est toujours en nous.
Je ne réussirai jamais
à oublier cela.
Jamais.
Tant que je vivrai
je penserai à
ce qu'ils ont fait de nous,
ce Hitler et ses gens.
Ce que je désire du monde
est que les gens fassent attention
et qu'ils gardent les yeux ouverts
sur le monde qu'ils traversent et qu'ils veillent
à ce que cela
ne se reproduise jamais.
Chacun doit penser en soi :
j'ai la liberté
de tuer quelqu'un d'autre
et de lui prendre sa vie.
Slobodoj Mange

Taj gadaj but bersch pala godo
so mukle ame, kana avri avilarn,
igen pharo sas o trajo
pale palpale te rakhas andi luma,
andi schukar luma,
ka o selenimo barol,
ka tsch' avel manusch pre amee
kon pale ame mundarel.
De mindig i dar andi ame si.
Me schoha tschi birij
te me kado te bistrav.
Schoha nitschi.
Taj mek trajij
no mindig pe kado si te gindij,
so kerde amenca,
o Hitler taj leske manuscha !
Me a lumatar mangav,
hot e manuscha aminti te len
puterde jakhenca
te schana perdal paj luma taj te dikhen,
hot kecavo
aba schoha te na avel pi luma.
Sako manusch si te gindij ande,
slobodoj mange,
me avres te mundarav
taj te lav lengo trajo
.
Ceija Stokja, Nous vivons cachés, récits d’une Romni à travers le siècle, traduit de l’allemand (Autriche) par Sabine Macher, suivi de deux entretiens et d’un essai par Karin Berger, 2018, 296 p. 27€, pp. 17 et 78/79.
Titre original : Wir leben im Verborgenen. Aufzeichnungen einer Romni zwischen den Welten, publié originellement par Picus Verlag, Vienne, 2013
Édition enrichie d’un cahier de 19 photographies
Avec Je rêve que je vis ?, Nous vivons cachés (de nouveau traduit par Sabine Macher) permet au public francophone de découvrir l’ensemble des écrits de témoignage de Ceija Stojka publiés de son vivant. Paru en Autriche en 2013, pour les quatre-vingts ans de son auteure, ce volume rassemble les récits écrits par Ceija Stojka et originellement publiés en 1988 et 1992, revus et enrichis par Karin Berger (réalisatrice et documentariste autrichienne qui a accompagné Ceija Stojka tout au long de son travail de mémoire) de deux poèmes de Ceija, deux entretiens menés avec elle en 1987 et 1992 et d’un témoignage sur l’importance de cette rencontre.
Dans les deux premiers chapitres, « C’est ça le monde ? » et « Voyage vers une nouvelle vie », les souvenirs se concentrent sur l’effarement de l’enfant déportée, sa vision du monde basculé dans l’horreur des camps de concentration, mais aussi sur la vie d’avant (les planques dans la Vienne occupée) et de l’après-déportation (le long voyage de retour à Vienne, les retrouvailles avec les autres membres de la famille et le monde des Gagjé, plus ou moins bienveillants, l’adversité de ce retour dans l’indifférence, sinon l’hostilité, de l’administration autrichienne après guerre). Puis nous découvrons l’adolescente ayant retrouvé la liberté — et les difficultés — de la vie itinérante de sa famille à travers l’Autriche, et la jeune et moins jeune femme, au fil des décennies, se battant pour vivre décemment avec trois enfants à charge.
Bio-bibliographie de Ceija Stojka - (note de lecture) Ceija Stojka, Je rêve que je vis ?, par Vianney Lacombe


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