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(Brèves de lecture) "Les Carnets d'Eucharis", Michel Thion et Jean-Pierre Chambon

Par Florence Trocmé

Trois « brèves de lecture » :
Le nouveau numéro des Carnets d’Eucharis, par Isabelle Baladine Howald
Michel Thion, Chroniques de la mort, par Jean-Pascal Dubost
Jean-Pierre Chambon, L’écorce terrestre, par Ludovic Degroote
Les carnets d'eucharis  7Revue Les Carnets d’Eucharis
n°6 - 2018
portraits de poètes #2
Gustave Roud
Nancy Cunard
Charlotte Salomon
Le travail accompli par Nathalie Riera pour sa revue Les Carnets d’Eucharis est impressionnant. Cette livraison est consacrée à Gustave Roud, dossier très fourni, établi par Laurence Verrey et Alain Fabre-Catalan : textes sur la poésie de Roud comme sur ses traductions, mettant en lumière ce rilkéen et ce ramuzien, de belles lettres à Gérard de Palézieux et le cahier des photos faites par Roud lui-même, solaires.
Ce numéro propose aussi les poèmes de Nancy Cunard, figure des années 30 et égérie des écrivains, un entretien avec la grande Esther Tellermann, ainsi qu’avec Alain Bourges, et divers articles sur Jean-Marc Lovay, trop méconnu, Tsvetaeva ou Brina Svit, ainsi que des poèmes d’auteurs contemporains. Charlotte Salomon, peintre redécouverte il y a peu est également évoquée. Les superbes photos de Nathalie Riera closent ce volume avant de laisser le mot de la fin à trois poètes italiennes, voix fortes. Une livraison passionnante.
Isabelle Baladine Howald

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Chroniques_de_la_mort_michel_thion_coverMichel Thion
Chroniques de la Mort
La Rumeur Libre
80 p., 15€
Avec une pointe acérée d’humour noir, la mort tient chronique d’elle-même et se met en scène, en scène ses pensées (des citations de Georges Wolinski et de Pierre Dac en exergue donnent le ton). « Je » est la mort, prosopopée afin de parler au nom de l’auteur, Michel Thion ; et si la mort, marche, parle, pense, c’est parce que le poète accepte son hyper-présence, en double qu’il contient ; l’humour y va de main vive (« La Mort/Est un état provisoire/Une période décès ») ; l’humour est l’ars moriendi du poète (« Telle la température extérieure/La Mort annoncée/N’est pas la Mort ressentie »). Si la première personne du singulier porte le discours de la mort, la « Mort », avec sa majuscule d’allégorie et de majesté, parle aussi d’elle-même à la troisième personne ; cela affine la lame de l’ironie. Comme dans une danse macabre, la mort sourit, du bon tour qu’elle joue aux humains, et au poète, dont elle tient la main au clavier, et dont l’art est ici de savoir s’effacer devant la mort.
Jean-Pascal Dubost

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Jean-Pierre Chambon  l'écorce terrestreJean-Pierre Chambon
L’écorce terrestre
Le Castor astral, 144p., 14 €
On connaît la polysémie du verbe voir, qui peut exprimer une perception sensorielle ou une compréhension intellectuelle, deux manières complémentaires d’aborder et d’envisager la réalité. L’écorce terrestre rassemble des textes – vers ou proses – qui interrogent des morceaux de cette réalité – champ de tournesols, barque à la dérive sur la mer, montagne dénaturée après un incendie, etc. – du point de vue de la lumière, donc de l’œil, donc de ce que cette transaction entre réalité et celui qui perçoit ouvre en celui-ci : d’abord des images, lesquelles à nouveau déploient du visuel. Ainsi le champ de tournesols tour à tour se transforme en pénitents, méduses et yeux, faisant une boucle extérieur / intérieur. « On voit /à travers la peau /écorchée du regard » (p. 61). Dans le poème Œil de méduse, à la double approche de l’animal – descriptive / rêverie – se même curieusement l’évocation discrète d’une table d’opération et d’un hôpital qui déclenche une autre lecture, plus autobiographique, esquissée pudiquement et faisant considérer autrement la place de l’œil. Le dernier texte, Bonhomme de neige s’effondrant, glisse peu à peu de la dislocation de cette sculpture à un « je » qui reprend sa place, de façon à la fois épique et fragile - « grand déménagement blanc / éboulement de silences/ démangeaison d’espaces » (p.120) -, qui semble montrer que la lumière, insaisissable dans sa totalité, brisée comme des vers ou fragmentée comme de courtes proses, vous révèle à l’unisson. « Lumière mentale » (p. 67) aux accents baroques dans sa volonté d’approcher par la langue poétique ce que le langage paraît ne pas pouvoir approcher.
Ludovic Degroote


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