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(Notes sur la création) Julien Gracq

Par Florence Trocmé

Farouche à quatre feuillesDans le recueil « Farouche à quatre feuilles », paru chez Grasset en 1954, André Breton, Lise Deharme, Julien Gracq et Jean Tardieu abordent la rêverie.
Julien Gracq intitule sa contribution « Les yeux bien ouverts ». Pour lui, la façon dont circulent et s’accélèrent les images est plus importante que les images elles-mêmes. Il parle d’un « reverdissement brusque de toutes choses », d’une « mise en rumeur ».
Cette considération l’amène à évoquer le travail du poète.
« Et, puisque vous parlez de visionnaires… je sens que je vais dire des choses sacrilèges, mais enfin je ne suis pas très sûr que les poètes aient vu – ce qui s’appelle réellement voir, – des choses si extraordinaires. Je ne le crois même pas du tout. Ce qui compte chez eux, je pense que c’est autre chose ; c’est la faculté de sauter plus légèrement, plus librement d’une image à l’autre, de les éveiller l’une par l’autre selon un code secret, des lois de correspondance assez cachées. Si vous voulez, c’est un certain art de la fugue, plutôt qu’une aptitude à percevoir des images inconnues. Et c’est aussi, c’est peut-être surtout l’accent obsessionnel qui se pose pour eux et qui revient sur certaines images ou certains mouvements, très simples presque toujours (ce qui leur permet de réapparaître sous mille déguisements en éveillant toujours le même timbre). Ces images alors lèvent une espèce d’émotion singulière, une lueur d’apparition, elles sont douées d’un très grand pouvoir d’ébranlement… On les devine de loin, avant même qu’elles aient pris forme, à l’émotion confuse qui se réveille rien qu’à leur pressentiment. Ce sont elles, quand il les pressent et les nomme, qui ravivent chez l’écrivain son timbre, son ton personnel, – le ton – si important, bien plus important encore pour un écrivain que la beauté des images – le ton qu’il a pour nommer certaines choses qui vraiment lui sont données, à lui exclusivement. »  (pp. 89 à 91)
Julien Gracq reformulera sa réflexion, page 112, à propos du titre d’un poème de Rimbaud, « Le pauvre songe ».
Grasset, les Cahiers Rouges. Les termes en italiques figurent dans le texte.
Contribution de Philippe Fumery


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