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(Poètes) W.S. Rendra, par Jean-René Lassalle

Par Florence Trocmé

WS RendraW.S. Rendra (1935-2009, Java) était le poète le plus connu d’Indonésie. Fils d’un professeur catholique sévère, il se convertit plus tard à l’islam libéral et tolérant de son immense archipel. Après des études en sociologie aux États-Unis, il retourne dans son pays pour fonder une troupe de théâtre d’avant-garde. Les acteurs et actrices emploient petits cris, soupirs et onomatopées dans des pantomimes expressionnistes avec des éléments de danse traditionnelle indonésienne, mais ils jouent aussi les classiques (Sophocle, Shakespeare, Brecht) que Rendra traduit lui-même. Il devient aussi un poète aux déclamations publiques appréciées, mêlant sensualité, mysticisme et critique sociale, un mélange qui en fait une des principales consciences humanistes – aux choix parfois controversés - pendant la longue dictature de Suharto (1967-1998). Une de ses prestations est d’ailleurs arrêtée par la police en 1979 et il est emprisonné neuf mois dans des conditions difficiles. A sa libération, il a interdiction de se produire en public, jusqu’en 1986 où il monte une pièce-bilan de huit heures avec quarante acteurs. Sa troupe continue un travail d’activisme (discussions publiques, séminaires, brochures, tournées) jusqu’à la chute de la dictature en 1998. Avec la démocratisation il devient un poète reconnu, voyageant à l’étranger, traduit en anglais. Si sa poésie évolue vers la démystification d’un Allen Ginsberg avec l’oralité propre à sa langue indonésienne (polysyllabes sonores agglutinants à sons souvent redoublés et mots composés très imagés), certains petits poèmes le montrent proche de l’onirisme spirituel d’un Amir Hamzah ou d’un Chairil Anwar, pionniers littéraires de sa langue. Ajoutons que dans quelques vidéos rares des années 1970 on découvrira un étonnant performeur de sa propre poésie, charismatique et juvénile, qui a certainement servi de modèle public de courage face à la dictature. Les multiples activités de Rendra dans le langage, la critique, le théâtre et la performance se résument alors peut-être au mieux pour lui dans sa dénomination de poète.
Bibliographie sélective ;
Ballada Orang-orang Tercinta, 1957
Empat Kumpulan Sajak, 1961
Blues untuk Bonnie, 1971
Di sebabkan Oleh Angin, 1972
Ballads and blues : Poems, Kuala Lumpur 1974 (bilingue indonesien-anglais)

Traduction en francais :
La Terre et l’eau, édité et traduit par Georges Voisset, Editions You Feng, Paris 1999 : cette magnifique anthologie bilingue de la poésie malaise (qui donna les pantoums) et indonésienne (puisque cette langue en dérive) contient trente pages consacrées à Rendra
Sitographie :
Vidéo de Rendra dans une manifestation étudiante en 1977 pendant la dictature ; il y dit son poème Sebatang Lisong (Chanson du cigare) où il évoque « 8 millions d’enfants sans école »
Un article sur Rendra dans un blog d’Australie, qu’il visita plusieurs fois
Une autre poète indonésienne présente dans Poezibao, influencée par l’énergie de Rendra mais qui poursuit une quête féministe : Dorothea Rosa Herliany
Jean-René Lassalle


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