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(Note de lecture), Philippe Blanchon, Il est mi-dit sur la terre, par René Noël

Par Florence Trocmé

Chairs des devenirs

Blanchon  il est mi-dit
Le poète élucide ici au plus près et depuis leurs envers respectifs les élans de la poésie et de la psychanalyse à partir de ses poèmes mobiles et situés entre parole et écrit. Là où l'intériorité de lalangue psychanalytique et de la poésie affirment que matrie et patrie font le monde contradictoirement et solidairement. L'image ligne des sons, Philippe Blanchon un pied dans la cité et le citer, la citation et l'incitation, se tient à distance de la poésie et de la psyché analysée par Lacan et Freud, les matières sonores et leurs échos nés des interactions de l'oreille et de l'œil. Dans une conférence prononcée en octobre dix-huit dans le cadre des rencontres Art et psychanalyse à Ajaccio, le poète énonce les géométries et spectres sonores issus de l'écoute de l'analyste et de l'entente du créateur.
Mi-dit sonne et rime, ne rime pas, ne sonne pas, relève, ne relève pas d'une polysémie native. Sonne puisque midi indique l'heure du soleil au zénith où il n'y a pas d'ombre, pas de hiatus, la parole incomplète et le milieu, l'espace, l'agora où deux formes de pensées échangent leurs visions du monde claires, leurs non-dits pouvant être reconstitués par leurs silences et paroles respectifs à l'image d'un anneau dont chacun offre à son vis-à-vis la moitié. Ne sonne pas, car la poésie et la psychanalyse prennent position et dessinent singulièrement chacune des points de vue qui engagent à chaque fois la personne entière. L'expérience exclusive vécue du début à la fin, et non pas seulement entrevue, esquissée ou vaguement évoquée, permet seule les changements d'optiques et les échanges féconds entre poètes et analystes - à l'image de la philosophie de Hegel qui insiste toujours sur la nécessité de vivre l'expérience de part en part, et non de se limiter à la nommer d'un mot, l'absolu, ce qui revient alors à la nier : ainsi qu'il en va de la Phénoménologie de l'esprit écrite en neuf mois par le jeune Hegel, le temps d'une gestation humaine, de quoi donner à penser à Lacan qui s'est inspiré de ce philosophe pour tenter de décrire et de décomposer le moi et le ça.
Les dialogues entre poètes et psychanalystes commencent dès que les uns et les autres conviennent que les écarts, paroles implicites et réalités sous-jacentes entre la langue et les réalités, éclairent les altérités inhérentes à chaque personne, celles qui la composent pour partie et qui lorsqu'elles sont niées ou rejetées la mutilent. Freud écrit ainsi dans l'homme Moïse et la religion monothéiste que Moïse est égyptien à l'image des grecs se sachant d'ascendances étrangères, devinant combien cette solidarité effective et incontestable est cruciale autant du point de vue de la plénitude de chaque homme que des équilibres entre membres d'une famille, de clans, de tribus, de peuples différents, de l'humanité.
L'œil et l'oreille du poète sécrètent les ondes et les sondes. L'écrit engendre plus grand que soi. Joyce pour Lacan joue, jouit, mesure le monde à l'aune de l'amour, James Joyce, étudié par Lacan et commenté, traduit depuis plusieurs années par Philippe Blanchon, étant ce marin naviguant pour partie sur la barque Tristan & Yseult, de Finnegans Wake, là où en haute mer l'amour rend justice impartiale aux yeux mêmes des protagonistes de ce mythe qui a gagné toute l'Europe, aucune faute n'ayant à leurs yeux été commise, les amants et le mari d'Yseult, le roi Marc, conviennent qu'ils n'ont fait qu'obéir à la loi de l'amour où femme et homme signent l'égalité, la passe, le signe, matière de nouvelles transitivités explorant l'inconnu - les poètes ayant écrit ce mythe, dont Gottfried de Strasbourg, inspirés par les romanciers romains et grecs préfigurant les créations formelles des lumières françaises et allemandes où essais, voix de l'auteur et récitants se succèdent librement dans les différents récits écrits au long des siècles.
Philippe Blanchon vit l'iciailleurs, le souffle incarnant les passages de l'oreille à l'œil et de celui-ci à celle-là, le cercle et son dehors, propose une nouvelle portée musicale de l'intériorité et de l'extériorité, le manifeste, le littéral, le concret, la matière et l'abstrait figurent inouïs à partir du trou lacanien, du rien joués aux dés à chaque poème qui nomme l'inconscient du psychanalyste, la Nuit relevant des voix muettes de la nature naturante, des autres espèces, le poème jouant sa partition entre les sensations et les perceptions de homme affirmé ou nié par le cosmos, l'inconnu et les langages des variétés et des variations infinies des liaisons entre l'hors humain et l'humain  accouchant du poème. Le psychanalyste n'y lit-il pas la liberté grande, chaque homme interprète de son passé à la fois seul et relié alors aux fonds des temps où fiction et littéralité se confondent, condition pour faire société en défiant toute satiété, satisfaction, jusqu'à se faire timbre, tonalité, chair des devenirs ?
René Noël

Philippe Blanchon, Il est mi-dit sur la terre, La Termitière, 2018, 32 pages, 10€.


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