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(Anthologie permanente) Marie-Claire Bancquart, Terre énergumène et autres poèmes

Par Florence Trocmé

Marie claire bancquart  terre énergumène et autres poèmesLa collection Poésie / Gallimard accueille une importante anthologie de poèmes de Marie-Claire Bancquart. L’anthologie a été composée et est préfacée par Aude Préta-de Beaufort. Ce volume donne à lire Dans le feuilletage de la terre, Belfond, 1994 ; Verticale du secret, Obsidiane, 2007 et Terre énergumène, Le Castor Astral, 2009. Le livre est en librairie ce jeudi 31 janvier 2019.
Les trois textes ci-dessous ont été choisis respectivement dans les trois ouvrages cités ci-dessus.
Voyageur
Territoires furtifs du voyage
avec leurs reflets sur les vitres du compartiment
les mots du voisin d'une fois, le lac entrevu l
le petit garçon à ses devoirs dans une fenêtre éclatante.
Vignette au fond des yeux qui disparaît
revient
intermittente
pour se projeter sur l'écran de nos derniers murs.
Nous mourons — tout s'efface
le monde
l'instant
le vide même.
L'ampoule
sans abat-jour
dans un trou de notre mémoire
projette un ancien petit garçon étonné.
Vient la nuit massive.
C'était donc pour cela, les roues, la pluie oblique sur le train ?
///
Quel est-il, ce visage
apparu dans le fond des lavoirs, en province
sans que nulle femme soit agenouillée sur le bord ?
Quel est ce visage, sinon
le souvenir de tant de laveuses, qui tremble ?
Lâchés par un bec d’oiseau, par le vent,
nous apercevons aussi des pétales sur l’eau
mais le visage, son sourire mouillé,
il vient d’un autre fond du temps
ainsi les craquelures de certaines pierres,
ou l’odeur très atténuée d’une bête
dans la pâture à l’abandon
*
Ce n'est pas toute la montagne
mais une seule de ses pierres
qui jaillit rejaillit
d'une vibration
pareille
aux battements d'un cœur
élan
vers moi l'inconnue, qui passe au large
du large paysage.
Voici venue la nuit,
le silence est atteint au tournant de la route,
ce que j'ai appris à aimer brille enfin dans mon ciel
à cheval sur la mort
nous jouons l'univers
à qui perd gagne
pour qu'a la fin   le temps de tout   vienne et pénètre
*
On voudrait
mettre à l'épreuve
l'horizon, son charroi de secrets
trouver un encorbellement
le piéger.
On sauterait
la balustrade.

On parviendrait
à l'outre-espace, avec ses lunes naissantes,
sa terre
autre et semblable, et toute chose serait complète.
*
Qui dort dans le temps ?
L'île
emmitouflée de vagues.
Qui se dresse ?
Le fétiche
autour duquel
s'activent des oiseaux
qui ne craignent plus d'être brûlés en offrande.
Qui demeure ?
un présage
que le ciel n'est pas illisible mais nu
comme un corps d'immense nageur
il plonge
dans l’écume aux odeurs de sel
quelques frisures de mystère
proche de notre main, si nous savions
(...)
///
J'ai peur.
Oui, souvent
j'ai peur
alors je tends la main vers le ténu.
Ce soir,
j'attrape au vol mon arrière-grand-mère
femme de presque rien, illettrée, ferme basse,
sept enfants, peu de mots (en patois) pour les utilités.
Parlant d'elle, grand-père était bref à son tour.
Dans la minute
elle vient de s'imposer à moi.
Puisque je connais
son sexe, de légers mouvements de sa vie
me voici
comme enceinte d'elle
le souvenir du souvenir
a cessé de se rencogner
reclus
dans une photographie cérémonieuse
pour adopter la vitesse de mon sang.
Marie-Claire Bancquart, Terre énergumène et autres poèmes, préface d’Aude Préta- de Beaufort, Poésie / Gallimard n°541, 2019, 400 p., 9€, pp. 50, 174/176, 306
Marie-Claire Bancquart dans Poezibao :
extrait 1extrait 2extrait 3extrait 4extrait 5extrait 6, extrait 7, extrait 8, extrait 9Aux 20 ans du nouveau recueilLecture chez Tschann (05)fiche de lecture : Avec la mort, quartier d’orange entre les dents, Carte Blanche à (sur Bonnefoy au programme de terminale L), extrait 10, voir aussi les Cartes blanches, extrait 11, extrait 12, extrait 13, réponse à l’enquête sur les femmes-poètes, extrait 14, extrait 15, extrait 16, La Verticale du secret (parution), dossier 2008, 1, dossier 2008, 2, dossier 2008, 3 (un article de B.Bonhomme), extrait 17, extrait 18, Terre energumène (par F. Trocmé), Le Printemps des poètes au Luxembourg, « Marie-Claire et Alain Bancquart, une gémellité du sens du temps » (par F. Trocmé), note création, ext. 17, Violente vie (par A. Emaz), ext. 18, ext. 19, ext. 20, ext. 21,  "Mots de Passe", par Jacques Morin, "Mots de passe", par Florence Trocmé, "Mots de passe", par Antoine Emaz, (anthologie permanente) Marie-Claire Bancquart, (note de lecture) Marie-Claire Bancquart, "Qui vient de loin", par Antoine Emaz, (note de lecture) Marie-Claire Bancquart, "Qui vient de loin", par Jacques Morin, (Note de lecture) Marie-Claire Bancquart, "Tracé du vivant", par France Burghelle Rey, (Anthologie permanente) Marie-Claire Bancquart, "un très, très peu d'amour / mendie et rôde"


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