Magazine Culture

Discographie sélective : 1969, année charnière

Publié le 25 mars 2019 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

1969, comme toute fin de décennie, exhale comme un parfum de fin d’époque. Il faut dire que les années 1960 en Occident ont connu de multiples changements sociaux, mûs par les envies de liberté des premiers babyboomers dont certains entraient déjà dans le monde du travail. Ces babyboomers n’ont eux-mêmes pas connu les traumatismes de la Seconde guerre mondiale et ont connu durant leur enfance et leur adolescence une croissance économique exponentielle. La bande-son de cette époque reflétait justement cette adolescence décomplexée et habituée à un consumérisme débridé.

Malgré tout, si les mœurs sociales ont évolué et si le rock a marqué les années 1960 de son emprunte révolutionnaire, 1969 reste quand même une période de basculement entre deux époques. Les premiers babyboomers ont déjà 25 ans et n’ont plus forcément envie de faire la révolution, tandis que leurs petits frères réinventent de nouvelles formes de contestation. Pour la musique, on remarque la même chose : les mastodontes Beatles et Rolling Stones s’effacent peu à peu pour laisser la place à David Bowie et Led Zeppelin. Bref, une fin d’époque très intéressante dont j’ai essayé de vous tirer la quintessence en dix albums.

***

1 – Serge Gainsbourg et Jane Birkin – Jane Birkin – Serge Gainsbourg (non daté)

Premier album « officiel » de Jane Birkin en tant que chanteuse, et même s’il comporte quelques inédits (69, année érotique, Le canari sur le balcon), cet album contient également des chansons issues d’autres albums (Elisa, Manon) ou chantées par des chanteuses et réinterprété par Gainsbourg lui-même (Sous le soleil exactement, L’anamour, Les sucettes).  Cet album contient surtout Je t’aime… moi non plus, qui en deviendra le titre alternatif. Cet album parle évidemment d’amour, parfois de manière très explicite, mais parle aussi de pulsions de mort diverses (Jane B parle d’un assassinat, Le canari sur le balcon du suicide d’une jeune fille).  Il devient le premier disque de Serge Gainsbourg à se rapprocher des 100.000 exemplaires vendus.

*

2 – Led Zeppelin – Led Zeppelin (janvier)

Je vous avoue que j’ai hésité avec Led Zeppelin II, sorti en octobre 1969, et que j’ai même longtemps débattu avec le Mari duquel il fallait retenir entre les deux. Il est vrai que Led Zeppelin II a beaucoup plus de gueule en termes de production, mais force est de constater que le Mari le trouve emmerdant. J’ai médité de mon côté, et je me suis dit qu’il était plus percutant de commencer une carrière discographique avec un Good Times Bad Times qui pose les couilles sur le front direct plutôt qu’avec un Whole Lotta Love qui certes envoie du pâté, mais sonne un peu plus convenu. Il faut dire que ce premier album des survivants des Yardbirds que sont Jimmy Page et John Paul Jones pose les bases du heavy blues mieux qu’Eric Clapton ne l’aurait fait. Enregistré en 36h au Studio Olympic de Londres, toutes les pistes de l’album sont des premières prises, auxquelles Jimmy Page a juste ajouté des prises de guitare à l’arrache. Il faut dire que le groupe nouvellement formé s’était rôdé toute l’année 1968 avec des performances live un peu partout en Europe, ce qui explique la vitesse d’exécution de l’album.

*

3 – Dusty Springfield – Dusty In Memphis (mars)

Figure incontournable de la blue-eyed soul  anglaise depuis le début de sa carrière solo en 1963, Mary O’Brien, dite Dusty Springfield, a permis l’importation en Angleterre d’artistes phares de la Motown telles que Martha and the Vandellas, Stevie Wonder ou The Supremes. Ayant également beaucoup de succès outre-Atlantique, elle décide d’enregistrer un album à Memphis, d’où est tiré son mythique Son Of A Preacher Man. Malgré tout, le public n’a pas suivi, et ce fut le début de la descente aux enfers pour la chanteuse, entre problèmes de drogues et outing. L’album connut une deuxième jeunesse en 1994, quand Quentin Tarantino décida d’intégrer Son Of A Preacher Man dans la bande originale de Pulp Fiction.

*

4 – Bob Dylan – Nashville Skyline (avril)

Suite à son accident de moto en 1966 et au repos forcé qui le maintient éloigné des tournées, Bob Dylan s’apaise et livre des albums à rebours du style rock qu’il avait adopté depuis 1964. Il souhaitait également rompre avec la célébrité de ses débuts. Si John Wesley Harding (1968) se tourne davantage vers des sonorités folks acoustiques, il revient avec Nashville Skyline à des racines country, s’offrant même un duo avec Johnny Cash. Pour Lay Lady Lay, il change même son timbre de voix nasillard si caractéristique pour adopter un timbre plus grave. Le public reçoit positivement ce changement, au point que l’album se classe n°3 au Billboard et n°1 au Royaume Uni.

*

5 – Blind Faith – Blind Faith (août)

Puisque les groupes Cream et Traffic se séparaient, Eric Clapton et Steve Winwood décidèrent de faire comme Led Zeppelin et de former un nouveau groupe avec des collègues, Ginger Baker (Cream) et Ric Grech (Family). Si ce groupe ne dura que le temps d’un album et d’une tournée en 1969, le peu de chansons enregistrées – six en tout – sont pour la plupart de Steve Winwood. Les éditions ultérieures de l’album ont également intégré les jams des musiciens enregistrées dans la maison d’Eric Clapton et qui sont à l’origine du projet. La pochette de l’album fit polémique : en effet, elle met en scène une fille de 14 ans seins nus. Si l’album s’est bien vendu – un million d’exemplaires –, la réception du répertoire en tournée déçut, car le public s’attendait à des chansons similaires au répertoire de Cream et de Traffic. C’est ce qui mit fin à la collaboration. Malgré tout, Eric Clapton et Steve Winwood se retrouvent sporadiquement sur scène ensemble pour réinterpréter des chansons de l’album.

*

6 – The Beatles – Abbey Road (septembre)

Ultime album enregistré par le groupe, mais qui est sorti avant Let It Be (1970), il fait suite à l’échec des sessions du projet Get Back initié par Paul McCartney en janvier 1969. Pour ne pas rester sur un échec, Paul McCartney contacta George Martin pour enregistrer un album comme avant. Etant donné que les relations sont déjà délétères entre Macca et Lennon et que Harrison a du mal à se voir continuellement relégué au 2e plan, le fait qu’il soit une telle réussite tient en soi du miracle. Enregistré entre juillet et août 1969, il n’y a que très peu de sessions où les quatre membres du groupe sont ensemble dans le studio, tant ils se détestent. Malgré tout, ils avaient comme objectif d’accomplir un chant du cygne majestueux, et c’est ainsi qu’il devint mon album préféré des Beatles. C’est après cet enregistrement que John Lennon annonça son départ du groupe, même si la séparation effective attendra avril 1970.

*

7 – David Bowie – Space Oddity (novembre)

2e album de l’artiste, si le single Space Oddity connut un succès non négligeable à sa sortie en Angleterre, il fallut attendre The Rise and Fall of Ziggy Stardust (1972) pour que l’album réédité connaisse enfin un succès commercial. Si la pochette originale s’inspire de CTA 25 Neg du peintre Victor Vasarely avec un Bowie en arrière-plan, la réédition de 1972 est une photo de Bowie période Ziggy Stardust, pour surfer sur le succès de ce personnage.

*

8 – Georges Brassens – Misogynie à part (novembre)

S’il est bien un artiste qui a décidé de ne pas changer de style à cet époque, malgré ses presque 50 ans et ses 20 ans de carrière, c’est bien notre tonton anar préféré. Enregistrant son douzième album studio, il décida de ne pas lui donner de nom, si bien qu’au final, l’album prit le nom de la première chanson, car ça se faisait beaucoup en France dans les années 1960. C’est aussi la première fois que Georges Brassens enregistre un album au format stéréo. Il existe enfin deux versions de l’album : une version peu commercialisée où il n’y a que Georges Brassens et le contrebassiste Pierre Nicolas, et une version aujourd’hui propagée avec les ornements de guitare de Barthélémy Rosso. L’album fut certifié disque d’or en 1976.

*

9 – The Rolling Stones – Let It Bleed (décembre)

Enregistré entre novembre 1968 et novembre 1969, cet album a une ambiance crépusculaire. En effet, c’est le dernier album sur lequel on peut entendre Brian Jones, décédé en plein milieu des enregistrements, qui était une pierre angulaire du groupe en termes de production musicale. Cet album marque également l’arrivée de Mick Taylor, qui remplacera Brian Jones durant un temps. Il contient des succès tels que Gimme Shelter (je vous recommande notamment le visionnage de 20 Feet From Stardom, où la choriste Merry Clayton raconte l’enregistrement très intense de cette chanson), You Can’t Always Get What You Want et la reprise de Robert Johnson Love In Vain.

*

10 – The Jackson 5 – Diana Ross Presents the Jackson 5 (décembre)

Lorsque cet album sortit en décembre 1969, la dénomination laissait deviner une manœuvre promotionnelle assez habile. En effet, Diana Ross, qui venait de se séparer des Supremes, voulut se donner du poids en faisant croire qu’elle avait « découvert » les Jackson 5 (alors qu’ils avaient au moins trois ans de carrière derrière et qu’ils ont été dénichés par des compositeurs de la Motown qui écumaient les concours de chant). Malgré tout, ce premier album fit directement mouche, en incluant un titre tel qu’I Want You Back. C’est d’ailleurs le seul titre de l’album composé spécifiquement pour eux, les autres titres étant des reprises du catalogue des compositeurs de la Motown. Cet album fait suite à la première apparition télévisée du groupe sur ABC présenté par Diana Ross le 18 octobre 1969. Ce disque se classa 5e au Billboard, porté par le single I Want You Back.

***

A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Storiagiovanna 886 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines