(Note de lecture), Violaine Houdart-Merot, La Création littéraire à l’université, par Christophe Esnault

Vous recherchez un parcours Creative Writing, ne vous suicidez-pas tout de suite 

Nul n’a jamais rien appris dans une université… En des temps où les rêves vendus par le monde du réel sont souvent quelque peu frelatés et où le mot utopie ne semble pas être plus usité dans le monde universitaire qu’ailleurs, on peut lire cette année dans La création littéraire à l’université de Violaine Houdart-Merot quelque chose qui déverrouille une porte dite condamnée : «Nous avions vu qu’aux États-Unis, dès 1922, à l’Université d’Iowa, un manuscrit littéraire avait été considéré comme diplômant, indépendamment de tout discours théorique ». La science d’un comité de lecture dans le monde éditorial ou au sein de l’université poserait les mêmes soucis. À cela près que les critères économiques ne seraient plus là pour écarter les tapuscrits en comité universitaire. Voyez ce rêve trop grand que des dizaines ou centaines de milliers de prétendants à la validation de leur texte verront exploser en plein vol : il n’y a pas à ce jour en France de Licence ou de Master que vous pourrez valider avec votre seule écriture. Veuillez repasser dans une décennie. Pour vous consoler, vous pouvez tenter les sélections du côté de Paris 8 (Saluez de ma part Lionel Ruffel l’auteur de Trompe-la-mort chez Verdier, il a écrit une page sur le « Bullshit job » que je n’ai plus besoin d’écrire), Cergy-Pontoise, Le Havre, Aix-Marseille… Chez V. Houdart-Merot, on lira une grosse poignée de citations choisies dont celle de Marie-Simone Rollin extraite d’un acte de colloque : « il me semble que l’activité d’écriture est réfractaire au commerce universitaire ». On m’a enseigné que l’on ne peut pas dire tout et son contraire sinon on va à l’hôpital psychiatrique, mais à y regarder de près cela sera un peu cela toutefois puisqu’il y a bien de rares lieux (des universités) où sont pris véritablement en considération l’acte d’écrire et proposé ateliers d’écriture et cours dédiés aux métiers d’écrivains tandis qu’en d’autres lieux : rien de cela. Que cela existe dans un monde plus vaste où cela n’existe pas et que cela vive (on découvre que certains des étudiants sélectionnés pour leurs talents littéraires ont ouvert depuis la porte en grand en publiant au Seuil, chez Payot et Rivages ou encore Actes Sud)… Être écrivain n’est plus ce geste solitaire, monacal, on peut désormais être accompagné lors de Licences et masters dédiés à la création littéraire. L’écriture apprend à être travaillée (François Bon a travaillé à une version antérieure de cette phrase). Profession écrivain ? ; Une littérature en prise avec le monde, on avance dans ce livre par une variété de chapitres. J’ai annoté comme j’annote un texte de fiction. La création est en elle-même une recherche. / Les écrivains sont amenés à s’exposer à se rendre visibles… / Un travail d’écriture littéraire s’appuie toujours sur une pensée de la littérature… / les Écoles d’art bruissent d’intérêt pour la littérature. Violaine Houdart-Merot. a visiblement bouclé son livre trop tôt pour évoquer l’euphorisant Le Cours de Pise d’Emmanuel Hocquard qui aborde lui aussi et par le cours lui-même cette miraculeuse affaire de Créative writing. L’université est un lieu mort ou un lieu de vie, ça sera selon. Et pour captiver un auditoire on a bien compris qu’il ne faut pas seulement des amoureux de littérature (le minimum attendu) et des experts de l’écriture, mais aussi des grands vivants. Merot et Ruffel et quelques autres le sont. On relira Edgar Morin si le « ce qu’est vivre » nous a échappé. Pour certains ou pour d’autres, vivre ne s’oppose pas toujours à l’acte d’écrire.
Christophe Esnault
Violaine Houdart-Merot, La Création littéraire à l’université, Presse Universitaire de Vincennes, 2018, 154 p., 10 euros.
 
On peut lire un entretien avec l’auteure de ce livre ici