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Discographie sélective : 1989, année de la darronade

Publié le 06 août 2019 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Il y a trente ans, j’avais six ans. Et il y a trente ans est sorti un jalon de l’industrie musicale : la Lambada.

Ce tube de l’été, traduction portugaise quasi-littérale de Llorando se fue des Kjarkas (1981), n’est pas seulement un jalon marketing de l’industrie musicale. Les tubes de l’été ont existé avant 1989 et vont exister après, là n’est pas le propos. Mais le succès de la Lambada est le résultat d’une profonde mutation sociétale qui s’est accélérée dans les années 1980 : désormais, n’importe quel sentiment humain, n’importe quelle émotion humaine sera transformée en vecteur de marchandisation. Car si au départ, le tube de l’été n’est qu’un parangon de l’industrie musicale seule, il deviendra avec la Lambada un vrai phénomène social qu’on observe encore à l’heure actuelle (je te vois, Luis Fonsi, tu m’as bien fait chier il y a deux ans).

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Donc 1989 conclut une décennie musicale faite de records et de métissages, mais surtout d’une mutation de l’industrie musicale. Si les Beatles avaient commencé le travail de globalisation de la culture musicale à travers le monde, les années 1980 ont érigé et descendu des stars planétaires tels que Michael Jackson ou Madonna. C’est l’aboutissement de la naissance de MTV qui a pu ainsi présenter tous styles musicaux à une jeunesse que rien ne pouvait arrêter. Enfin, c’est mon analyse trente ans plus tard et elle peut être discutée.

Je remarque que les albums que j’ai retenus pour l’année 1989 contiennent pas mal de thématiques matures, comme certaines réflexions d’artistes sur le temps qui passe et l’évolution de leur propre vie. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve des albums de néo-trentenaires (Madonna, Prince, Robert Smith, Jim Kerr, Patrick Bruel) ou de vieux briscards qui connaissent des évolutions notables de carrière et qui ont besoin de se poser (Francis Cabrel, Johnny Hallyday). Le Mari me fait judicieusement penser que c’est également l’année de la chute du Mur de Berlin et qu’il semblait régner une atmosphère de fin de cycle, voire de fin du processus historique en place. Dont acte.

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Allez, c’est parti pour brosser cette année en 10 albums.

1 – Francis Cabrel – Sarbacane (février)

Avec 2 millions d’albums et trois Victoires de la Musique, ce septième album du troubadour d’Astaffort lui permet de renouer avec un certain succès après quatre ans de silence. Il contient les titres Sarbacane dédiée à sa fille Aurélie née en 1986, Animal, C’est écrit, Dormir Debout en hommage à Daniel Balavoine ainsi qu’une version française de Rosie de Jackson Browne. Parmi les musiciens de studio, on retrouve le batteur Manu Katché et l’accordéoniste Richard Galliano sur C’est écrit. Le succès de cet album, conjugué à la naissance de sa deuxième fille lui permit de prendre une autre période sabbatique de cinq ans jusqu’à Samedi soir sur la terre (1994).

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2 – Madonna – Like A Prayer (mars)

Pour son quatrième album studio, Madonna a voulu rompre avec la tonalité frivole de True Blue (1986). En effet, la trentaine venue, elle souhaite aborder des sujets matures comme l’apport de la religion catholique (Like A Prayer), la mort de sa mère (Promise to Try), son divorce d’avec Sean Penn (Till Death Do Us Part) ou la nécessité de s’assumer (Express Yourself). Elle en profite également pour enregistrer un duo avec Prince, Love Song. Plus que les titres en eux-mêmes, ce sont les clips qui contribuent au scandale, donc au succès de l’album. En effet, Express Yourself, réalisé par David Fincher, intègre une imagerie sexuelle très forte. Like A Prayer, choisie comme illustration pour une pub Pepsi, a logiquement attiré les foudres des associations religieuses en intégrant un Jésus noir et sexualisé. Estimé à 25 millions d’exemplaires vendus, cet album a représenté un tournant dans la carrière de l’artiste.

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3 – Tom Petty – Full Moon Fever (avril)

Premier album de l’artiste après la dissolution des Heartbreakers (groupe qu’il mena de 1976 à 1987), et après l’expérience Traveling Wilburys en 1988, cet album est considéré par ses fans comme étant son meilleur opus. Malgré la séparation, des membres de Heartbreakers ont participé à cet album, ainsi que ses camarades Wilburys George Harrison, Jeff Lyne et Roy Orbison. C’est d’ailleurs Lynne qui inspira les sonorités les plus pop de l’album, Tom Petty voulant s’éloigner l’esprit country rock qu’il développait avec son groupe. La version CD contient également une petite surprise si on avance dans la plage 5 : un petit message audio de Tom Petty à l’adresse des auditeurs.

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4 – The Cure – Disintegration (mai)

Ce huitième album du groupe anglais est également le deuxième opus d’un triptyque intégrant Pornography (1982) et Bloodflowers (2000). Robert Smith atteignant la trentaine d’années, il renoue avec certains vieux démons. Cet état de fait donne à l’album le grain mélancolique et noir que l’on peut retrouver dans les premiers albums, après un grand passage pop entre 1983 et 1987. Malgré tout, cet album est devenu le plus grand succès du groupe grâce à des « tubes » tels que Lullaby et Lovesong (que personne n’aimait mais qui a été imposée par la maison de disques). Cet album faillit même provoquer la scission du groupe, qui survit tant bien que mal depuis trente ans (et qui n’a pas intérêt de se séparer avant la fin du mois d’août 2019, puisque je vais les voir à Rock en Seine).

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5 – The Stone Roses – The Stone Roses (mai)

Si le groupe de Manchester s’est formé en 1983, ce n’est qu’en 1989 qu’il sort son premier album sous l’égide de John Leckie après plusieurs singles. Grâce à cet album, ils deviennent alors après leur passage à Top Of The Pops avec les Happy Mondays les symboles du renouveau de la scène de Manchester et les précurseurs du style madchester, mélange de rock indépendant et de rythmes dance. Face au succès rencontré, la maison de disques a décidé de rééditer leurs singles en 1990 et une compilation de faces B en 1992. Malheureusement, Second Coming (1994) ne rencontre pas le même succès, obligeant le groupe à se séparer en 1996.

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6 – Simple Minds – Street Fighting Years (mai)

Neuvième album du groupe écossais, il marque non seulement le pinacle artistique du groupe après un succès continu depuis 1982, mais aussi le deuxième départ du groupe, à savoir le claviériste Michael McNeill. Après l’immense succès de l’opus précédent, Once Upon A Time (1985) qui contenait des tubes stratosphériques tels qu’Alive And Kicking et Don’t You (Forget About Me), la pression était quand même assez conséquente. C’est ainsi que la base des membres, arrivant à la trentaine d’années (quand je vous dis que c’est une grosse trend), ont voulu à l’instar de U2 s’engager pour diverses causes caritatives. C’est ainsi qu’est né cet album qui contient les hymnes politiques Mandela Day et Belfast Child, mais qui a aussi provoqué des frictions entre certains membres et le producteur Trevor Horn. C’est ainsi qu’encore une fois, Manu Katché a été appelé à la rescousse pour remplacer Mel Gaynor qui était saoulé. John Giblin, le bassiste qui intégra plusieurs projets dans l’album, a quant à lui préféré rejoindre le groupe d’Alan Parsons.

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7 – Johnny Hallyday – Cadillac (juin)

A 46 ans, Johnny Hallyday semble avoir connu des milliers d’avatars et sort d’années 1980 où il a connu un gros retour de hype grâce à Michel Berger (1985) et Jean-Jacques Goldman (1986). A l’instar de Simple Minds, il a donc une grosse pression sur ses épaules quant à ce 36e opus. Il s’agit d’un concept album autour d’une thématique de road movie, à savoir la liberté qu’on a à parcourir les espaces américains infinis, d’où les diverses références à la moto et à Cadillac, aventurier français qui fonda Détroit au début du XVIIIe siècle et inspirant les fabricants d’automobiles du même nom. Si Etienne Roda-Gil lui écrit tous ses textes et réalise son album, on rencontre les deux premières compositions commercialisées de David Hallyday pour son père : le tube Mirador et Possible en moto. Il contient également la participation de Vanessa Paradis sur Si j’étais moi. Le second single, Les Vautours, est épinglé pour un clip trop violent.

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8 – Prince – Batman (juin)

Si Tim Burton a compté sur Danny Elfman pour composer un thème iconique à sa vision de Batman, la Warner a préféré contacter Prince pour créer une bande originale. Résultat : au lieu de vendre la bande originale du film comme telle, Prince a préféré en faire son onzième album personnel. Même s’il a composé trois chansons pour cet album sur l’année 1988, les six autres titres ont été composés en six semaines au début de l’année 1989. Cet album lui permet de renouer avec une certaine forme de succès, après le bide de Lovesexy (1988) et la non-réalisation d’un Black Album qui sera l’album non-réalisé le plus piraté de l’histoire.

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9 – Mano Negra – Puta’s Fever (septembre)

Groupe issu de diverses formations underground de la France des années 1980, la Mano Negra a encore du mal à se fixer lorsque sort Patchanka en 1988. Bien que ce disque se soit vendu à 50.000 exemplaires, il est compliqué pour le groupe de se produire en concert, puisque pour les divers membres, la Mano Negra n’est qu’un projet parmi tant d’autres. Les membres décident alors de changer de manager et de fonder une SARL. C’est dans ce contexte qu’est enregistré Puta’s Fever, deuxième album qui va propulser le groupe vers le mainstream avec 400.000 albums vendus. Si les singles King Kong Five et Pas assez de toi se vendent très bien aux radios fin 1989, Sidi’H’Bibi, chant traditionnel des mariages algériens, passe mal en plein contexte de guerre du Golfe début 1990, puisque chanté en arabe. Le succès de l’album permet à la Mano Negra de faire la première partie d’Iggy Pop aux Etats-Unis, mais cette expérience s’est résumée à se prendre la tête avec les techniciens qui sous-mixaient les instruments et ne souhaitaient pas régler les lumières pour le groupe.

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10 – Patrick Bruel – Alors regarde (novembre)

Si Patrick Bruel commence au cinéma en 1978, alors âgé de 19 ans, il pense faire une carrière musicale depuis qu’il a vu Michel Sardou sur scène trois ans auparavant. Il faudra pourtant attendre 1984 et Marre de cette nana-là pour qu’il puisse commencer à percer en tant que chanteur. Son premier album en 1986 se vend à 20.000 exemplaires, ce qui est pas mal, mais c’est avec ce deuxième opus qu’il passe à la vitesse supérieure. Avec des titres tels qu’Alors regarde, Casser la voix, ou Place des Grands Hommes qu’il compose spécifiquement pour l’émission Avis de recherche présentée par Patrick Sabatier, Patrick Bruel vend deux millions d’exemplaires de l’album qui est donc certifié double disque de diamant. Rajoutez à cela un succès cinématographique avec L’union sacrée d’Alexandre Arcady et vous avez la raison de la Bruelmania qui a enflammé une partie de la France, dont moi-même.

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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales !


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