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(Note de lecture) Melancholia, de Philippe Thireau, par Claude Minière

Par Florence Trocmé

Philippe Thireau  MelancholiaLe grand oiseau qui plane là-haut la nuit, est-il capable de tout avaler, d’avaler Histoire du Soldat et La Jeune Fille Violaine ? Je trouve toujours amusant de m’imaginer après la mort, l’âme partant. C’est toujours très touchant, et un rapt. La littérature ingurgite et régurgite « tout ». Le récit peut se retourner comme un gant. ô oui vrai tu es enfui suis entièrement défaite eau dans toutes les eaux t’abreuvant suis l’eau de ton corps enfin ô toi amant mon beau sapin seras-tu le jour qui point et séchera les larmes du ciel (Melancholia, p.37).
Depuis Joyce (le monologue final de Ulysses), la possibilité est apparue d’écrire une « guirlande » de souvenirs-visions-éclats de réalité, imaginations ponctuée d’instants ironiques-critiques sur (dans) le flux d’un récit. Pourquoi ne serait-ce pas à poursuivre comme mode d’écriture ? comme « norme » riche de ressources, de possibilités de découvertes originales, selon l’expérience et la sensibilité d’un individu ? C’est risqué (risqué compte-tenu de la Norme « classique » imposée et courante --- qui a cours mais n’est cursive que figée). C’est ici réussi. Réussi en tant qu’exploration-déploration, conte et chant. L’invention propre à Philippe Thireau tient à la double hélice qui meut son texte, au duo qui relaie et pénètre la voix masculine et la voix féminine, les mêle à distance dans leurs stances.
Je ne trouve personnellement que deux « prudences » de l’auteur affaiblissant (oh, si peu) la radicalité de la disposition initiale : son titre (Mélancholia), par trop romantique ; la partition marquée de l’ouvrage en deux parties, la deuxième partie (miltrana), qui s’enclenche page 41, étant une sorte de cauda qui porterait implicitement la mention « Da capo » (telle qu’à la fin de Finnegans wake).
Cependant, on pourra m’opposer : mélancolie : un miroir-sorcière ? de l’autre côté du miroir ? Engloutissement en miroir des deux monologues ? À vous de voir…Peut-être Philippe Thireau a-t-il voulu éviter que son écrit prenne le caractère d’une épopée victorieuse. Peut-être a-t-il souhaité que cet écrit lui ressemble davantage et soit son « portrait tout craché » (Gilbert Bourson apporte au livret une préface très claire). Et l’auteur suggère plusieurs « niveaux de lecture » de son texte. Entre autres, celui d’un théâtre : de marionnettes (elles font, font, font) et celui d’un cinéma (clic, clac). Mais…histoire de « la fille violette et le soldat », il y a aussi une pointe de souvenir de Claudel dans Melancholia.
Claude Minière

Philippe Thireau, Melancholia, Tinbad, 2020, 48 p., 11,50€. (en librairie le 13 février).


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