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(Les Disputaisons) À quoi bon éditer et vendre encore de la poésie ?, 7, Isabelle Sauvage, Alain Rebours, Sarah Clémant (éditions Isabelle Sauvage)

Par Florence Trocmé

Poezibao publie aujourd’hui la septième contribution d’une nouvelle série autour du thème « A quoi bon éditer et vendre encore de la poésie » grâce à Jean-Pascal Dubost qui en a eu l’idée et qui en a assuré la réalisation.

Disputaison n°2
« À quoi bon éditer et vendre encore de la poésie ? »
7. Isabelle Sauvage, Alain Rebours, Sarah Clémant (éditions Isabelle Sauvage)
Le hasard et la nécessité ?

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Lorsqu’on regarde un peu en arrière, ce que l’on pourrait appeler un parcours – chacun le nôtre d’ailleurs, avant celui « d’éditeur de poésie », puisque nous sommes interrogés ici à ce titre –, on ne peut que voir des circonstances. On pourrait presque appeler cela des hasards, faits de rencontres, d’expériences passées et présentes (où la poésie a certes son importance), de moments de vie… On ne se rêvait pas, « même pas » on aurait pu s’imaginer « éditeur de poésie » ! Se retrouver « éditeur de poésie », en tout cas, n’a pas été de l’ordre d’un projet professionnel ou économique ou commercial… Il serait fou de soumettre cela à un business plan ou à un incubateur quelconque ou à une expertise entrepreneuriale… Retoqués d’entrée ! Il y va sans doute de quelque chose de plus courant et de mal admis dans notre monde, du désir, une appétence à être là, « au monde » comme on le dit souvent, en mettant en scène quelque chose de sacrément singulier, la poésie. Nous avons donc commencé en tant qu’amateurs, nous poursuivons comme des bricoleurs pas tout à fait du dimanche. Certes, nous défendons aujourd’hui un savoir-faire « professionnel », mais certainement pas un projet consumériste. Cela étant dit : la question de savoir si tel livre est « vendeur » n’est pas la nôtre avant la publication, savoir si la poésie est « vendeuse » pas plus. Nous avons au moins gardé cela de nos débuts.
Éditer autre chose que de la poésie (ou des textes inclassables) ne nous intéresse pas – ou en tout cas notre histoire ne nous a pas menés là. « Éditer de la poésie » nous est apparu, à un moment donné, comme une alchimie impérative, une dynamique irrémédiable de nos différences et de nos tribulations individuelles. Les enjeux peuvent en différer des uns aux autres de notre coopérative, mais cette nécessité reste comme un défi, toujours renouvelé, que nous menons ensemble, tous les trois, rejoints par d’autres parfois et souvent comme autant de rencontres humaines que seule la poésie permet. On peut y voir un geste politique, un refus de la langue assignée, un refus des conventions, d’une pensée majoritaire étriquée ; on peut y percevoir également l’actualisation de sensibles qui dépassent les fadeurs de notre temps ou qui affirment la présence des corps dans un monde-machine… Mais l’essence de notre projet – à la fois individuel et collectif – est là : nous nous sommes trouvés sur ce pari, sur ce risque d’être vivants.
Peu à peu, et comme une obligation de plus en plus pénible, c’est vrai, vu l’ampleur de la tâche, on n’a pu s’écarter de toute réalité : nous avons bien été obligés de rendre des comptes et de les équilibrer. Car être éditeur (quel que soit le genre d’ailleurs), c’est aussi être commerçant. Un négoce de livres est certes particulier (comme tous les objets culturels du reste), mais c’en est un quand même. Nous avons bien été obligés, non pour devenir riches (ne soyons pas fous !), mais seulement pour poursuivre, pour continuer à exister. Là, nous n’avons guère de recettes ou de leçons à donner (sans doute plus à recevoir), car tous les ans nous sommes les premiers étonnés de tenir ainsi. Mais peut-être peut-on soutenir que la poésie finalement ne se vend pas si mal (si on accumule tous les lieux où elle se vend et si on répète qu’on ne cherche pas à atteindre les têtes de gondoles), que le circuit économique du livre n’est pas si mal foutu que cela (si on en reste à des secteurs marginaux – hors des grosses machines de diffusion et de distribution – comme le nôtre), que les maisons d’édition de poésie ne sont pas si mal gérées que cela (si on y ajoute l’énergie et le militantisme que cela demande), que les aides publiques ne sont pas si négligeables que cela (en espérant qu’elles restent pérennes ces prochaines années…).
Alors, parfois on comprend pourquoi on continue, malgré…
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