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Discographie sélective : 1990, matières en fusion

Publié le 31 août 2020 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Bien que mes souvenirs commencent à s’étioler, je garde l’année 1990 comme une année bénie. J’avais 7 ans et je partais à l’autre bout du monde pour la première fois. Ma maman m’avait préparée pour ce mois d’août inoubliable où j’allais non seulement retrouver ma cousine qui me manquait tellement, mais aussi découvrir qu’au paradis, le sable n’était pas forcément blanc, ni les poissons forcément gentils. Malgré tout, j’ai quand même vécu ce mois dans des décors de carte postale, à me choper des conjonctivites certes, mais aussi à entendre ma mère me dire « Essaie de te souvenir toute ta vie de ce que tu vois », que ce soit les icebergs par l’avion, les couchers de soleil hallucinants de beauté sur la plage ou les cascades.

Partir de l’autre côté du globe, ça a été également être réceptive à tous les genres de musiques qui passaient devant moi. Et j’avoue que ça a été très riche, entre le I’ve Got The Power de SNAP en boucle dans l’avion, les chansons tahitiennes en boucle la journée et les clips de Madonna, Terence Trent d’Arby et Tracy Chapman le soir. Bref, 1990, ça a été un bel été, d’autant plus que j’ai commencé à m’intéresser aux musiques urbaines avec… Benny B et Tonton David.

1990 sur le plan international, c’est aussi un bouleversement géopolitique avec les conséquences de la chute du Mur de Berlin et le changement de polarités diplomatiques qui s’amorce. Ce contexte, on le verra, n’est pas sans conséquences sur les albums que j’ai sélectionnés.

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Niagara – Religion (non daté)

S’ils se font connaître dès 1984 aux TransMusicales de Rennes et truste les charts de la deuxième moitié des années 1980, le groupe monté par Muriel Moreno et Daniel Chevenez déménage à Paris en 1990 et amorce un tournant musical moins synth pop et plus rock. C’est ainsi que naît  ce troisième album, Religion, qui se vend à 300.000 albums et les fera tourner jusqu’en Russie. Il n’y a pas que le style musical qui change, il y a également les thèmes abordés, beaucoup plus graves que dans les deux premiers albums. Si bien que J’ai vu, premier single issu de l’album, fut censuré en pleine Guerre du Golfe. Entre ça et Sidi H’Bibi de la Mano Negra, tu pouvais créer facilement une polémique à partir d’une chanson en 1991.

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Indochine – Le Baiser (février)

En 1990, Indochine première formule n’est plus, puisque le saxophoniste Dimitri Bodianski a quitté le groupe l’année précédente. Après une pause de plusieurs mois due à une tournée dantesque en 1988 qui l’a emmené jusqu’au Pérou, c’est l’occasion d’une première mue artistique du groupe, que ce soit par l’évolution de la voix chantée de Nikola Sirkis, des références artistiques pointues ou une envie de son plus acoustique. Beaucoup de chansons tournent autour de la séparation amoureuse. On note également la participation de Juliette Binoche sur Punishment Park. Les critiques qui se foutaient déjà d’eux avec l’album 7000 danses en 1987 rigolent davantage avec cet album qui n’obtient que 200.000 exemplaires vendus, ce qui, à l’échelle du groupe, commence à marquer une forme de déclin.

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Depeche Mode  – Violator (mars)

Il fallait frapper fort pour le groupe britannique après un succès tel que Music For The Masses (1987), d’autant que ça faisait trois ans sans album inédit. Consigne était donnée à Martin Gore de donner les maquettes les plus minimalistes possibles, afin d’apporter un soin tout particulier à la production (puisqu’auparavant, lesdites maquettes étaient quasiment du prêt à enregistrer pour le groupe). Ca a donné des gros classiques pour le groupe (Enjoy The Silence, Personal Jesus, Policy Of Truth) encore intégrés systématiquement dans les setlists des concerts trente ans après, mais aussi un succès phénoménal notamment aux Etats-Unis. Violator, dont le nom fait à la fois référence à la violation de la loi et à l’agression sexuelle, est illustré avec une rose, histoire d’associer la dichotomie graphique des groupes de métal avec la dichotomie sonore qui pouvait se retrouver dans l’album, entre nouvelles influences rock et sons électroniques qui étaient déjà la marque de fabrique du groupe. Ce disque reste le plus vendu du groupe avec 10 millions d’exemplaires.

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Vanessa Paradis – Variations sur le même Taime (mai)

Deuxième album de l’artiste pas encore majeure, il est attendu au tournant après le succès de M&J (1988) et le César du meilleur espoir féminin obtenu par Vanessa Paradis pour Noce Blanche (1989). Etienne Roda-Gil a écrit les paroles d’un album, mais étant mort avant l’enregistrement, sa veuve a refusé que Vanessa Paradis l’enregistre. Renaud, Alain Souchon et Buzy ont donc écrit des textes de leur côté qui ont été retenus. Les Rita Mitsouko ont également été approchés, ainsi que Pascal Obispo, qui était à deux doigts de lui faire enregistrer Plus que tout au monde qu’il a fini par enregistrer lui-même. SAUF QUE Serge Gainsbourg, un an avant son décès, s’est imposé dans le projet et a donc mis ses textes sur les musiques de Franck Langolff. Lesdits textes sont écrits en cinq jours, Gainsbourg et Paradis vont ENORMEMENT se disputer durant l’enregistrement, au point de retarder la sortie de l’album. Le disque se vend à 450.000 exemplaires, et le clip de Tandem par Jean-Baptiste Mondino obtient la Victoire du meilleur clip en 1991.

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New Kids On The Block – Step By Step (juin)

Gros souvenir réminiscent de mon enfance, cet album tournait en boucle dans la chaîne de ma sœur, qui avait donc 11 ans en 1990 et qui avait donc l’âge parfait pour commencer à s’extasier sur des boys bands. Si le groupe mené par Jordan Knight et Donnie Wahlberg (frère de Mark Wahlberg, qui a d’ailleurs débuté à 13 ans dans le groupe en 1984, avant d’en partir l’année suivante) avait sa petite notoriété aux Etats-Unis à la fin des années 1980, au point de générer un dessin animé et une grosse masse de merchandising, ce quatrième album va tout faire exploser à l’international, s’écoulant ainsi à 20 millions d’exemplaires. Le problème étant que ce succès s’accompagne d’une polémique selon laquelle les chanteurs se produiraient en playback. On s’est alors aperçu que le producteur qui avait monté le groupe, Maurice Starr, participait aux backing vocals ; on l’a même accusé de produire lui-même toutes les pistes vocales du groupe.

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Dead Can Dance – Aion (juillet)

Cinquième album du groupe australien installé à Londres depuis 1982, il est consacré à la reprise de chants médiévaux et baroques, influences qu’ils avaient déjà amorcé avec l’album précédent, The Serpent’s Egg (1988). La pochette est d’ailleurs un détail du Jardin des délices de Jérôme Bosch. Il représente également le premier album enregistré dans l’église de Quivvry en Irlande, que Brendan Perry avait achetée pour le transformer en studio.

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INXS – X (septembre)

Au sommet depuis son sixième album Kick (1987), qui a rompu avec l’identité new wave avec lequel on avait identifié le groupe depuis 1977 et a permis de conquérir le Royaume-Uni où il était boycotté, le groupe australien était donc attendu au tournant.  Avec le seul single Suicide Blonde, dédié à la compagne de Michael Hutchence qui n’était autre que Kylie Minogue, ce septième album, baptisé X pour marquer les dix ans du groupe, a su maintenir la notoriété du groupe, sans pour autant atteindre les records de vente de l’album précédent. C’est le dernier album du groupe à connaître autant de succès, puisque Michael Hutchence s’enfonça dans la dépression à partir de 1992.

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AC/DC – The Razor’s Edge (septembre)

Après une partie des années 1980 en demi-teinte – le départ du batteur Phil Rudd en 1983, puis l’éloignement de Malcolm Young en 1988 pour cause de dépendances diverses –, The Razor’s Edge marque le retour commercial et critique du groupe, avec ce Thunderstruck qui ouvre l’album et qui annonce la couleur : les mecs sont en forme et ils ont l’intention de faire ce qu’ils savent faire, à savoir te défoncer les tympans. The Razor’s Edge a aussi une valeur sentimentale pour moi, quand ma sœur a décidé à la fin des années 1990 de se faire une discographie sélective AC/DC. Cet album tournait donc pas mal dans sa chambre, pour mon plus grand plaisir.

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Scorpions – Crazy World (novembre)

Ce onzième album du groupe allemand est passé à la postérité pour une chanson emblématique, à savoir Wind Of Change, qui a été enregistrée sur fond de réunification de l’Allemagne et qui en a donc été le symbole. Enregistré entre les Etats-Unis et la Hollande, il marque également le départ de membres et collaborateurs historiques du groupe (qui tourne quand même depuis 1965). Voulant rompre avec le son trop pop de l’album précédent, Savage Amusement (1988), le groupe vire Dieter Dierks, leur producteur attitré depuis 1974, d’où cette volonté de renouveler leur son aux Etats-Unis. Crazy World est le dernier album du groupe à s’être retrouvé n°1 notamment en Allemagne. Une autre version de l’album a été éditée en 2013, avec des versions russe et espagnole de Wind Of Change.

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Fredericks Goldman Jones – Fredericks Goldman Jones (novembre)

Suite à la tournée Entre gris clair et gris foncé (1989), Jean-Jacques Goldman a souhaité mettre en avant des musiciens de son staff. C’est ainsi qu’il fonde un combo avec sa choriste américaine Carole Fredericks (1949-2001), petite sœur du bluesman Taj Mahal qui a énormément tourné en France dans les années 1980, et le guitariste gallois Michael Jones, qui a d’abord remplacé Goldman dans le groupe Taï Phong pour ensuite collaborer avec lui depuis 1984. Le groupe devait s’appeler Re-Création, mais ils ont décidé finalement d’afficher leur nom dans l’ordre alphabétique. Deux albums naîtront de cette collaboration, le premier étant cet album éponyme qui s’écoule à 2 millions d’exemplaires. Il contient de vrais classiques tels que Né en 17 à Leidenstadt,  Un Deux Trois, A nos actes manqués

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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.


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