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(Anthologie permanente) Hilda Morley, traductions inédites de Jean-René Lassalle

Par Florence Trocmé


Hillda Morley  CloudsLe lézard

Le cœur du lézard pulse
plus vite que le mien par ses
taches vertes.
   Avec de préhistoriques
griffes il cherche son abri
dans l’ombre de la treille,
   sa tête
penchée en vigilance.
   Jaugez-le :
observez la tension. Il y est
ancré – à la peur du danger - & nous ne sommes
ancrés à rien.
   Bien que cet Espagnol trouve
dans les effigies de San Juan Bautista sa satisfaction
sans savoir pourquoi,
   nous recherchons le mystère : pour apprendre
   une attention
et avec quelle intensité,
   car même la bicyclette
contre le mur blanc pourrait être un glyphe
   et magique.
   Mais mon cœur
bat plus lentement que celui du lézard,
   attirant
les morts à se relever
   et pleurer
nos propres larmes pour nous désorienter.
Extrait de : Hilda Morley : Cloudless at First, 1989. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
The Lizard

The lizard’s heart throbs
faster than mine through his
green spots.
   With prehistoric
claws he seeks his shelter
in the shadow of the vine,
   his head
to one side in watchfulness.
      Measure it:
observe the suspense. He is
anchored to it—the fear of danger—& we are
anchored to nothing.
   Though the Spaniard finds
in San Juan Bautista’s effigies his satisfaction
without knowing why,
      we seek out the mystery: to learn
   to care
and how much,
      for even the bicycle
on the white wall may be a glyph
   and magical.
   But my heart
beats slower than the lizard’s,
      making
the dead to rise up
   weeping
our own tears to bewilder us.
Extrait de : Hilda Morley : Cloudless at First, 1989.
*
Créée de liens

Ton poids doucement dessus moi
emplissant chaque creux, coulée et flanc,
   ajusté sur
chaque jointure, repli & dune du
paysage de mon corps,
   épaules trouvant
leur autre moitié,
   têtes pressées l’une
dans l’autre,   mains s’incurvant le long
des lieux tendres,
   une forme faite de
liens, rallongée
au-delà de nos tailles   mais réalisant
un cercle :
   très excellemment
accordées ces proximités,
   très bien & doucement
ajustées
   ces poids, ces légèretés
descendus sur moi
Extrait de : Hilda Morley : Cloudless at First, 1989. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Made Out of Links

Your weight sweetly upon me
filling each dip, drop, slope,
   fitting
each joint, ridge & hillock of
my body's landscape,
   shoulders finding
the other half,
   heads pressed into
each other,   hands curving along the lengthened
smooth places,
   a shape made out of
links, elongated
beyond our sizes   but forming
a circle:
   how excellently
matched those nearnesses,
   how well & sweetly
fitted
   those weights, those lightnesses
borne down upon me
Extrait de : Hilda Morley : Cloudless at First, 1988.
*
Courbe de l’eau

Pour rendre cette courbe d’eau
vivante –   pour la réaliser ainsi,   étendue
dans l’espace pleinement elle-même
   & les cailloux
intégrés à la courbe & par conséquent
croissant dans le flanc de coteau
   & là où l’eau est
verte inopinément,
   elle est
source de tous les autres verts,
      elle est
d’un vert non feuille –   non vert mousse,
   pas même
vert des fougères   mais les inclut : est
le puits dont ils proviennent,   vers lequel aussi ils
retournent – est leur port.
   Les oranges flamboyants,
les rouges, feux sombres,
   les carbonisés
rouges sienne, miroirs jaunes dispersés
les uns par les autres,
   voici qu’ils s’embrasent
de tout ce qui s’offre,     même sur
l’eau bleue   sa bleuité.
   Ils sont là pour
être l’inattendu,
   ce qui dévie de
ce que nous connaissons.
   Nous les voyons mais
ils ne sont pas tenus pour vus, ni conservés
derrière les yeux,    jamais complètement
mémorisés,
   comme si une aile d’oiseau avait
étincelé en coin
   dans la lumière solaire
pour nous révéler liés à la terre
   (notre lenteur
elle-même impossible
à contenir.
Extrait de : Hilda Morley : Cloudless at First, 1988. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Curve of the Water

To make that curve of the water
live   to make it so, extended
into space wholly its own
   & the rocks
part of the curve and therefore
grown into the hillside
   & where the water is
green unexpectedly,
   it is
the source of all other greens,
   it is
of a green not leaf---not moss-green,
   not even
green of the bracken   but contains them: is
the well out of which they come,   to which they also
return---is their harbor.
   The flame-oranges,
the reds, dark fires,
   the burnt out
red siennas,   thinned out yellow mirrors
of each other,
   they flare up now
out of whatever is,   even on
the blue water   the blueness of it.
   They are there to
be the not-expected,
   what is as variance to
what we know.
   We see them but
they are not held as seen, not kept there
behind the eyes,    never wholly
remembered,
   as if a bird's wing had
flashed sideways
   in the sunlight
to prove us earthbound
   (our slowness
itself impossible
to hold.
Extrait de : Hilda Morley : Cloudless at First, 1988.
Voir cette présentation d’Hilda Morley par Jean-René Lassalle


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