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(Note de lecture), Claude Minière, Le livre des Amis et des Ennemis, par Guillaume Basquin

Par Florence Trocmé

(Note de lecture), Claude Minière, Le livre des Amis et des Ennemis, par Guillaume BasquinClaude Minière publie un nouveau petit livre chez un nouvel éditeur jusques ici inconnu : ZA, qui compte 4 titres et 3 collections (Texte, Image et Domaine public). Mais qui sont donc ces Amis et ces Ennemis avec lettres capitales ? L'exergue du livre donne une voie : " J'abaisse l'injuste victorieux / Et je redresse le faible bafoué. " Comme ces deux phrases sont extraites du Livre des morts de l'Ancienne Égypte, cela nous met tout de suite sur la piste biblique : les Justes iront au Paradis ; les autres...
Mes ennemis, à quoi s'occupent-ils
Quand je suis de l'autre côté ?
[...]
Ce sont des fossoyeurs
ils polluent la pensée et les rivières
Minière, lui, garde les clés du Paradis et se doit de " protéger les sources ", qui sinon seront empoisonnées : " Ils empoisonnent l'air dans l'été / se complaisent aux sept plaies de l'humanité ". La Bible n'est pas moins directe : " David frappa les Philistins, les fit plier, lia leurs coudes, etc. " Les ennemis de Minière sont donc des Ennemis capitaux ; ils errent " dans les régions de la mort ", comme dans l'Enfer dantesque : " Que les médiocres aient le plus grand succès / voilà qui est normal ". Le Paradis, lui, " demande un effort "... qui sera récompensé : " Ils trouveront un havre de paix / et de nouveau s'incarneront ". Au Paradis, comme chez Dante, tout est très coloré, et n'est plus que vitesse : " Les verres volent comme lucioles / on chante des hymnes des rimes d'homme / citant Homère et Dante ". Joyce n'est pas loin, forcément (" puisque ne vivent que les amis ") ; il " arrive dans sa yole " ; " Il a le souci de sa Lucie " (soit sa fille Lucia) ; tout est réconcilié.
Notons que les césures de Minière tombent presque toujours comme la lame d'une guillotine, contrairement à nombre de ses contemporains qui coupent leurs vers n'importe où, juste pour " faire poésie " :
Ceux qui abîment la langue française
tombent dans le camp des ennemis
et voici que se déroulent devant moi
les actes de justice
je tiens la balance du jugement
Combien de fois doit-on lire (s'infliger) ? :
Ceux qui abîment
la langue
française
etc.
Cela fait " poétique " tic-tic... mais, personnellement, cela me casse les oreilles... Rien de tel chez Minière, où chaque césure tombe comme une possibilité de virgule (ou silence), ou point-virgule (silence un peu plus long), ou point. Reprenons : " Ceux qui abîment la langue français, tombent dans le camp des ennemis ; et voici que se déroulent, devant moi, les actes de justice. Je tiens la balance du jugement. " Poésie et guillotine. La césure comme tir à l'arc. Art bien connu du souffle. Silence !
Aujourd'hui même
flûtes et tambours
tête haute dans le chant

Guillaume Basquin

Claude Minière, Le livre des Amis et des Ennemis, ZA éditeur, 2020, 72 p., 10€


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