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(Anthologie permanente) Anca Vasiliu, Entre la gloire et la peau

Par Florence Trocmé



Anca-Vasiliu-entre-la-gloire-et-la-peauAprès la fin
(2000)

jardin de blanches empourprées
fleurit la mémoire
taches de sang sur la neige
laissant s’échapper une fragrance de fille de pêche
Mon regard dans le sien, pétillant
s’est éteint
perdu dans la nuit
à l’instant même où je l’ai vu
tenter de rejoindre  
         d’ici-bas
la cohorte vive
– corde tendue –
le fil
des Templiers
*
AVE
le vide résonne dans sa pureté translucide,
alors que les sons, les couleurs, les fragrances mêmes
dans leur éphémère ne peuvent plus approcher les bords
de cette vasque bouillonnante
et scellée sur elle-même.
sein muet –
paradoxe de la plus grande humilité,
espoir
de contenir
le contenant
et se défaire
du toucher
des nœuds
du lien
*
Vivace,
le lierre étrangle la statue du souvenir, et la dépiaute,
la dévide,
rend son inventaire au soleil qui blanchit les pages,
le dé-visage, jusqu’à la méconnaissance
lui enlève le dernier trognon de présence,
la transforme
plus une chose, plus un étant –
de sorte que le lierre devienne, lui, le sang
sa vie
   son désir,
l’os serf
de l’amant,
flamme, bouche
   et son glaive de regard
*
Contraste des temps
      ou dernier décalage
   entre silence et timbre où résonne encore la voix,
   l’absence advenue et le sort qui s’en va
   claudiquant au loin pour se hisser encore d’un pas au regard,
le rien
et l’espoir plein d’attente
qu’un jour, soudain, le mot s’ouvrira
comme une porte
là où il n’y a ni mur d’enceinte
ni horizon
*
Lumière jaune accrochant sur la corde d’une voix
des abris,
des tentes,
des joues tendues,
des jouets blancs,
des yeux noués sur un fil,
des phares en pleine nuit,
braqués sur des nuées trempées par en-dessous,
des symboles rétrécis à la taille d’une fourmi,
des trous,
des onomatopée,
des cris aigus, si minuscules que leur douleur ne fait plus aucune signe,
   et le silence seul se charge de ce qui n’est pas exprimé
pour donner à comprendre que de ce désert qui s’éteint
l’étendue demeure la même,
indifférente à la distance parcourue
Lumière jaune qui sourd de nulle part et s’épanche
filet de sable
mémoire,
garde-à-vue
de ce qui n’est plus
Anca Vasiliu, Entre la gloire et la peau, revue Nunc / Editions de Corlevour, 2020, 144 p., 18€ (version numérique, 7€), pp. 59-63.
En couverture, monotype de Josiane Torman.
Anca Vasiliu
Née à Bucarest en 1957, vit à Paris depuis 1990 et travaille au CNRS depuis 1998. Elle a une double formation : en philosophie et en histoire de l’art. Après des études d’histoire de l’art byzantin et dix ans de travail comme chercheur à l’Institut d’histoire et théorie de l’art (Académie roumaine, Bucarest), elle a suivi une formation en philosophie ancienne en France dans les Universités Paris X-Nanterre (Doctorat de philosophie, 1996) et Paris IV-Sorbonne (HDR, 2005). Depuis 2000 elle dirige le séminaire de recherches portant sur la transmission des thèmes et des concepts philosophiques de l’Antiquité au Moyen Age.
Du Diaphane. Image, milieu, lumière dans la pensée antique et médiévale, Vrin, 1997.
Dire et voir. La parole visible du Sophiste, Vrin (2008 ; prix « Zôgraphos » des Etudes grecques en 2009).
Eikôn. L’image dans le discours des trois Cappadociens, P.U.F. (2010).
Images de soi dans l’Antiquité tardive, Vrin (2012)
Divines techniques. Arts et langage homérique à la fin de l’Antiquité, Garnier (2016)
Penser Dieu. Noétique et métaphysique dans l’Antiquité tardive, Vrin (2018).


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