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Revue cinématographique et musicale #11 : Été 2021, saison d’étincelles

Publié le 22 août 2021 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Ouh lou lou lou lou, mes petits chéris, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas écrit sur de la musique sur cette plateforme – ça date de la Saint-Valentin, c’est pour dire –, mais bizarrement, ce n’est pas l’inspiration qui me manque. Déjà, j’ai quatre mois pour faire mes discographies sélectives de 1971 à 2011, et quand je vois déjà comment je galère avec 1971, la tâche me fait peur… Mais surtout, ce qui m’a inspirée musicalement cet été, c’est l’Euro 2020. L’Euro 2020 ?, vous me demanderiez. Tout à fait. Trois inspirations musicales me sont venues :

Le parcours et la victoire finale de l’Italie m’a fait plonger dans une italo-crisis prolongée (alors qu’elle se situe habituellement sur les mois de mai-juin, quand l’été et le soleil tardent à venir jusqu’à moi – je me suis déjà expliquée sur cette plateforme sur mon obsession de la musique italienne des années 1980 et 1990 quand vient les premières chaleurs).

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Les équipes de football en lice ont fortement fait planer une ambiance musicale que l’on peut qualifier de disco-ringarde. Nous avons pu observer ce phénomène avec l’Ecosse qui a choisi comme musique de motivation Yes Sir, I Can Boogie du duo espagnol Baccara (1978), aka une resucée bas de gamme de Don’t Leave Me This Way version Thelma Houston :

Nous avons pu observer également ce phénomène avec – comme par hasard – l’Italie qui a choisi A far’ l’amore commincia tù de Raffaella Carrà (1977) :

Pauvre Raffaella Carrà qui n’a pas pu apprécier l’hommage très longtemps, puisqu’elle est décédée ce 6 juillet 2021, soit six jours avant la finale victorieuse.

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Cet Euro 2021 m’a rappelé l’Euro 1996 en plusieurs points. Du côté de l’équipe de France, j’ai pu faire les parallèles Eric Cantona/Karim Benzéma et Reynald Pédros/Kylian M’Bappe (sauf qu’on a perdu en ½ finales en 1996…). Mais surtout, je me suis émue du sort du sélectionneur anglais Gareth Southgate qui s’est fait pourrir la gueule en 1996 en ratant son pénalty contre l’Allemagne en ½ finale. 25 ans après, il avait quelque chose à prouver avec une équipe anglaise de bonne qualité, mais qui se fait allumer au TAB et au bout de la nuit face à l’Italie victorieuse. Et comme il y a 25 ans, le peuple a non seulement insulté Gareth Southgate pour son supposé mauvais coaching, mais également les trois tireurs malheureux qui se sont avérés – c’est ballot – noirs. Plus le lynchage de supporters italiens à la sortie de Wembley, n’en jetez plus, vous ne méritiez même pas votre Euro les gars. Et qui réminiscence de 1996 dit évidemment :

D’autant plus que, grâce au dénommé Mufasa qui se payait des barres sur ce son, inévitablement, pour l’été 2021, qu’est-ce qu’on a eu ?

Je me moquais de ça dans les années 1990 où tu avais plein de DJ de Chicago ou de Berlin qui remixaient les meilleurs riffs disco, mais force est de constater que 25 ans après ma puberté, la nouvelle génération fait LA. MÊME. PUTAIN. DE CHOSE.

Je te vois, Ava Max. C’est toi que je vise, spécifiquement.

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Cette introduction est beaucoup trop longue, mais tout ça pour vous dire qu’en 2021, grâce au pass sanitaire, j’ai réussi l’exploit d’aller au cinéma en une semaine trois fois plus qu’en 2020. En 2020, année morte culturellement, j’ai quand même réussi à voir la réédition d’Akira de Katsuhiro Otomo en 4K, avec cette splendide partition signée Geinoh Yamashirogumi que j’ai longtemps fantasmée.

Entre le 28 juillet et le 4 août 2021, je suis donc allée au cinéma trois fois. Inévitablement, j’ai vu Kaamelott volet 1 et j’ai admiré le travail titanesque d’Alexandre Astier :

Evidemment, KV1 comme toute œuvre, est critiquable sur la forme et sur le fond. Il y a des critiques très construites, notamment de la part de Benzaie, concernant la mise en scène parfois poussive, et je suis même tout à fait d’accord avec ses arguments. Il y a des critiques plus putassières comme Télérama ou France Inter qui reproche qu’avec un casting comme Alain Chabat, Géraldine Nakache ou Christian Clavier, on ne puisse pas retrouver d’éléments à vocation comique dans le récit (ce qui impliquerait des failles scénaristiques ou une mauvaise direction d’acteurs). Cela vient à mon avis d’une incompréhension du pacte de lecture que semble fournir Alexandre Astier. A savoir que Kaamelott n’a jamais eu vocation à être « comique » de tradition française, mais à exposer une trivialisation de l’absurde. C’est bien cette trivialisation de l’absurde qui a vocation d’amuser le spectateur, et pas forcément des ressorts comiques provoquant le rire gras, n’en déplaise à l’écriture des personnages de Perceval et de Bohort depuis le début. Alors oui, Alexandre Astier flirte avec le mauvais goût, les longueurs, une réalisation poussive, mais comme pour reprendre les légendaires mots d’Arthur dans le livre V : J’ai raté, mais je ne veux pas qu’on dise que je n’ai rien foutu, parce que c’est pas vrai. Il faut dire que la musique est évidemment canonissime – le contraire aurait été étonnant –, certains moments d’écriture sont convenus, mais putain de bien amenés… Et puis à comparer ça avec un film bancal comme Espace détente (Y. Le Bolloc’h/B. Solo, 2005), je trouve même qu’Alexandre Astier s’en est mieux démerdé que prévu pour faire une trame narrative à partir de cinq saisons d’écriture de sketches, ce que ne laissait justement pas présupposer le Livre VI.

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Mais si j’écris cet article, c’est parce que mon été 2021 a été marqué par l’exploration plus approfondie du répertoire du groupe américain Sparks. Pourquoi ? Parce que, d’une part, le Mari est fan de leur répertoire depuis FFS (2015). Et d’autre part, le groupe a été mis à l’honneur à travers deux longs métrages, que nous avons vus les 28 et 30 juillet 2021. Depuis, ça nous a vrillé le cerveau et nous tentons depuis un mois de reconstituer tous les manques du groupe dans notre discothèque (et croyez-nous, ce n’est pas facile, tant leur discographie, notamment dans les années 1980 et 1990, souffrent d’un manque de respect notoire de la part de leurs diverses maisons de disque, quand ils n’ont pas dû se produire eux-mêmes).

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Who are Sparks ?

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Comme dirait mon cher tonton, qui a connu Sparks dans leur glorieuse époque française entre 1979 et 1980 : Mais ils sont encore vivants, eux ? Sérieux, j’adorais Sparks quand j’étais jeune… Le même gars qui m’a initié à tout ce qui est scène métal et punk des années 1980, qui discute avec le Mari que le premier album des Stone Roses était ce qu’il écoutait quand il était en mode canard en 1990 et avec lequel j’ai fait le concert de reformation de Trust en 2006… Bref, une des personnes sur cette terre qui m’a fourni tant de matière pour nourrir ce blog. Donc un mec bien.

Sparks, c’est un groupe américain (et non pas anglais, justement, ça va leur porter préjudice toute leur carrière) fondé en 1967 par deux frères californiens issus d’émigrés juifs autrichien et russe (justement, ça a son importance), Ron (1945) et Russell (1948) Mael. Autour d’eux ont gravité plusieurs formations avec divers producteurs, musiciens, selon les époques.

Russell est le chanteur à la voix haut perchée (même en 2021, à 73 ans, il t’aligne encore son falsetto). Ron est le claviériste facétieux, tête pensante de l’écriture et de la composition. Et justement, Ron a beaucoup marqué les esprits. N’étant pas aussi physiquement et vocalement charismatique que son petit frère, cet ancien étudiant en cinéma (là aussi, ça a son importance) s’est construit un rôle de claviériste muet et inquiétant à la manière d’un Charlie Chaplin psychopathe. Le problème est qu’un mec qui avait une moustache pareille et qui paraissait menaçant, la comparaison était vite faite avec le type à cause duquel leur père avait dû fuir en Californie à la fin des années 1930. Comme dirait Jean-Marie Bigard, c’est ballot. Par conséquent, au début des années 1980, comme il était saoulé de la comparaison, il s’est construit un look de gangster des années 1930 avec une moustache plus fine, et c’est le look qui le caractérise encore à l’heure actuelle. Russell, quant à lui, a toujours joué la carte de la bogossitude, que ce soit un croisement entre Roger Daltrey, Brian May et Robert Plant au début de leur carrière, le golden boy des années 1980 et 1990 et même encore aujourd’hui, il est pas trop mal conservé pour un type 73 ans.

Le drame du groupe est d’avoir parfois anticipé certaines modes, ce qui fait que, notamment quand on écoute les disques des années 1970, on a tendance à dire que c’est du proto-Queen (Kimono My House, 1974), du proto-Rocky Horror Picture Show (Indiscreet, 1975), du proto-Devo (Big Beat, 1976), de la proto-new wave (Introducing Sparks, 1977), de la proto-italo (Terminal Jive, 1980), du proto-Pet Shop Boys (Music That You Can Dance To, 1986/Gratuitous Sax And Senseless Violins, 1994 – d’ailleurs, des journalistes anglais ont tancé Pet Shop Boys pour ne pas avoir assumé publiquement l’influence de Sparks dans leurs diverses compositions). Et comme, dans beaucoup de leurs productions musicales, ça s’est splendidement foiré, les deux frères s’autoproduisent entre 2002 et 2013 et ont même monté leur label, Lil’Beethoven.

Mais leur production musicale ne se limite pas qu’à leurs propres disques : ils ont été producteurs de l’album Pas Dormir du groupe Bijou (1979), ont collaboré avec  Tony Visconti (Indiscreet, 1975) Giorgio Moroder (Number One In Heaven, 1979/Terminal Jive, 1980), le groupe Bates Motel (Whomp That Sucker, 1981), Jane Wiedlin des Go-Go’s (pour le titre Cool Places, 1983), les Rita Mitsouko (Marc et Robert, 1988 – nous sommes maintenant persuadés, après analyse, que les Rita Mitsouko sont un honorable équivalent français de Sparks), Jimmy Sommerville, Faith No More et Erasure (Plagiarism, 1997), Franz Ferdinand (FFS, 2015) et enfin avec Leos Carax (il joue de l’accordéon sur le titre When You’re A French Director, 2017, et évidemment Annette, 2021).

En quasi 55 ans de carrière, les frères Mael pèsent donc dans le game musical, sauf qu’à force d’influencer tout le monde, beaucoup de personnes ont fini par occulter leur existence. Et c’est comme cela qu’on se retrouve avec deux vieux gars de 73 et 76 ans qui se retrouvent sous les feux nourris des projecteurs durant cet été 2021 et qui auraient mérité une réédition des 25 albums aussi classe que l’édition spéciale 50e anniversaire d’All Things Must Past de George Harrison (autre grosse sensation conjugale de l’été, parce que Dhani Harrison et Paul Hicks ne se sont pas foutus de nous pour la remasterisation sans la patte Spector et les sessions de travail pléthoriques).

Mais pourquoi une telle hype en 2021 ? Deux films les mettant à l’honneur sont sortis cet été et c’est ce que nous avons vu.

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The Sparks Brothers (Edgar Wright, 2021)

The Sparks Brothers - film 2021 - AlloCiné

Le pitch Allociné : The Sparks Brothers est une odyssée musicale qui raconte cinq décennies à la fois étranges et merveilleuses avec les frères/membres du groupe Ron et Russell Mael, qui célèbrent l’héritage inspirant des Sparks : le groupe préféré de votre groupe préféré.

Mon humble avis : Quand tu as un spectre aussi large que toute la scène new wave, Bjork, Faith No More, Flea des Red Hot Chilli Peppers, Beck qui te cite comme référence, c’est que généralement, tu t’appelles Mozart. Ou, dans ce cas précis, Ron et Russell Mael. Edgar Wright, réalisateur anglais connu pour sa trilogie des Cornettos (Hot Fuzz/Shaun Of the Dead/Le dernier pub avant la fin du monde) et grand fan de Sparks, a décidé de faire une exégèse des 25 albums produits à parts égales en discutant avec les divers protagonistes (les frères Mael, producteurs, membres du groupes, musiciens influencés) et d’en tirer un documentaire hilarant de 2h20. Pour le Mari, c’en est devenu une leçon de vie, au point qu’il attend l’édition DVD pour se projeter le documentaire les soirs de doute. Pour vous dire la qualité du documentaire et qu’il vaudra toujours mieux que la révision des sessions de Let It Be par Peter Jackson réalisé avec le pistolet de Macca sur la tempe.

On y découvre un groupe sans concessions – quitte à faire un gros doigt d’honneur à leur maison de disques Atlantic Records qui, en 1984, leur ont demandé de faire de la musique pour danser, ce à quoi ils répondent par le brillant Music That You Can Dance To (1986), produit par Curb Records –, quitte à persister à bosser 24/7 pendant les vaches maigres. Le témoignage de la batteuse Tammy Glover durant la période 1988-1994 est à ce titre bouleversant. Ainsi, une chanson telle que When Do I Get To Sing My Way prend un sens très particulier au regard de ce qui a été vécu précédemment. Ce qui a touché le Mari, c’est que justement, le documentaire ait mis en avant toute la réflexion et le travail engrangé par les frères Mael pour persister à exister selon leurs termes.

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Annette (Leos Carax, 2021)

Annette - film 2021 - AlloCiné

Le pitch Allociné : Los Angeles, de nos jours. Henry est un comédien de stand-up à l’humour féroce. Ann, une cantatrice de renommée internationale. Ensemble, sous le feu des projecteurs, ils forment un couple épanoui et glamour. La naissance de leur premier enfant, Annette, une fillette mystérieuse au destin exceptionnel, va bouleverser leur vie.

Mon humble avis : Je ne suis pas coutumière de la filmographie de Leos Carax, je ne suis pas assez cinéphile pour ça. Depuis sa prestation pas ouf dans TDKR, j’avais tendance à me moquer ostensiblement de Marion Cotillard (mais a priori, il faudrait mettre ça sur la direction d’acteurs aléatoire de Christopher Nolan, soit). Et Adam Driver, il faut savoir que Kylo Ren est ma princesse Disney préférée (et que je me suis bien rincée l’œil pendant le film, merci Leos pour cette belle gratuité). Mais comme le Beau-Frère a vu le film au moins deux fois et que le Mari était alléché par le combo scénario + composition par les frères Mael, on s’est dit : Tentons le coup.

Et nous avons été ravis. La mise en scène et la direction d’acteurs sont impeccables – le pacte de lecture étant qu’on est face à une vraie comédie musicale filmée, l’introduction et la scène post-générique rappelle bien qu’on n’assiste pas à un film, mais à un spectacle. Evidemment, la musique cartonne, les scènes sont bien amenées, c’est un très beau film formel, rien à dire dessus. Même l’interprétation d’Annette est une trouvaille visuelle incroyable : de poupée à sa naissance et sous les yeux de ses parents, elle devient petite fille de chair quand elle s’émancipe du pouvoir de son père.

Là où le film est digne d’intérêt, c’est dans son propos. Que ce soit par la construction musicale, les effets visuels ou l’enchaînement du récit, les frères Mael assistés de Leos Carax fournissent une incroyable mise en scène de la société du spectacle et de ses travers. Que ce soit l’expression des divers talents, des succès et des déchéances, tout est analysé et tout prend sens. Bref, cette comédie musicale est un bijou de bout en bout, mais surtout un aboutissement de vie pour les frères Mael qui ont toujours essayé de donner une dimension graphique et surtout cinématographique dans leur écriture musicale. Outre le fait qu’ils aient réalisé certains clips, leurs premières connexions entre musique et cinéma remontent à leurs études où ils parodiaient la Nouvelle Vague. Annette est finalement un véritable aboutissement de carrière pour eux.

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Enfin, pour vous convaincre que Sparks, ça défonce des mamans, voici un petit digest personnel de leur répertoire :

This Town Ain’t Big Enough For The Both Of Us (Kimono My House, 1974)

Get In The Swing (Indiscreet, 1975)

Looks Looks Looks (Indiscreet, 1975)

The Number One Song In Heaven (N°1 In Heaven, 1979)

When I’m With You (Terminal Jive, 1980)

Music That You Can Dance To (Music That You Can Dance To, 1986)

Singing In The Shower (Marc et Robert, 1988)

When Do I Get To Sing ‘My Way’ (Gratuitous Sax And Senseless Violins, 1994)

(When I Kiss You) I Hear Charlie Parker Playing (Gratuitous Sax And Senseless Violins, 1994)

My Baby’s Taking Me Home (Lil’Beethoven, 2002)

Johnny Delusional (FFS, 2015)

So May We Start (Annette, 2021)

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A bientôt (je l’espère) pour de nouvelles aventures musicales.


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