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(Note de lecture), François Jacqmin, Traité de la poussière, par Joël Gayraud

Par Florence Trocmé


François Jacqmin  traité de la poussièreLa percée poétique porte toujours plus loin et plus haut que la réflexion philosophique. Celle-ci replie l’étant sur l’être, celle-là pulvérise l’être sous l’impact de la flèche de l’étant. Telle est la leçon secrète du Traité de la poussière de François Jacqmin. Au poème pulvérisé il oppose l’être pulvérisé par la poésie. Il ne s’agit pas pour le poète de fonder une ontologie de la poussière, mais d’établir le constat d’échec de toute entreprise ontologique menée sous couvert du poème. Trop de poètes se complaisent en cet échec, mais chez Jacqmin, l’échec est comme aussitôt mué en victoire. L’être en ressort en poussière, en miettes, en cendres. Non pas anéanti, mais dissipé, en l’infinité stellaire de ses étants. Les sizains de Jacqmin nous apprennent quelque chose d’essentiel : l’ontologie, c’est-à-dire le dire ultime sur l’être, est une entreprise tragique de par son absurdité même. En revanche, chaque fois que la parole poétique vient à bout de l’être, elle l’exprime en ses étants, elle fait naître la fleur absente, la rose sans pourquoi, l’étoile noire des inconsolables mélancolies. Elle abandonne l’être au vide interstitiel qui sépare les choses, sans pour autant le réduire à l’indicible ou l’inexplicable ; elle est ontogénie dans l’impossibilité même de sa visée ontologique.
Ce que nous rappelle avec ténacité la poésie, c’est qu’on ne peut qu’ouvrir un silence sensé sur l’être, et qu’à cette fin il faut impérativement exalter les étants, c’est-à-dire les faire lever et sortir, dans un double mouvement indissociable d’ascension et d’évasion. Non par rapport à l’être lui-même, qui reste éparpillé entre eux tous, mais par rapport à chaque étant pris en soi. Le faon, l’hirondelle, la mouette, la cerise, le caillou : leur présence trahit l’être comme poussière, et se révèle du même élan ardente montée de sève, irrépressible éruption de vie.
Joël Gayraud
François Jacqmin, Traité de la poussière, Le Cadran ligné, 2017, 224 p., 17 €.


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