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Discographie sélective : 1981, changeons la vie ici et maintenant

Publié le 06 novembre 2021 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

L’année 1981 musicalement est marquée par un renouvellement de la quadrature du cercle musical. Le disco et les diverses formes de rock commencent à se fatiguer et la new wave n’est pas encore popularisée. En réfléchissant bien avec le Mari, on a quand même galéré à trouver de tête 10 albums suffisamment mainstream ou correspondant à mes goûts. Encore une fois, Wikipedia a été mon ami et c’est quand j’ai vu la liste des albums que je me suis dit Ah oui, mais c’est bien sûr ! Le problème de l’année 1981, c’est que beaucoup de singles sortis sont soit des one shots (La danse des canards), soit des resucées d’albums sortis en 1980 (Woman de John Lennon, issu de Double Fantasy), soit des préquelles d’albums sortis en 1982 (L’aventurier d’Indochine). Ou alors, je ne me suis pas assez intéressée à l’album quand le single est canonissime (Vertige de l’amour d’Alain Bashung sur PizzaBette Davis Eyes de Kim Carnes sur Mistaken Identity). J’ai remarqué aussi que beaucoup d’artistes et de groupes populaires des années 1960 et 1970 ont essayé en 1981 de faire quelque chose, mais tout le monde n’a pas été aussi frappant que le Start Me Up des Rolling Stones.

Ce que je remarque également, c’est que j’ai mis une bonne part d’albums issus de l’espace français. En effet, si on se rappelle collectivement de l’élection de François Mitterrand quarante ans après, c’est que, même dans la sphère musicale, un vent de renouveau frappait la France. Ceci est marqué par l’apparition de groupes underground comme Marquis de Sade et la Souris Déglinguée qui sortent des albums cette année-là, mais surtout par l’élévation de ce porte-drapeau de la musique française des années 1980 et 1990 qu’est Jean-Jacques Goldman. Bref, même s’il a fallu creuser pour faire en sorte de trouver dix albums caractéristiques de l’année 1981, force est de constater que nous avons trouvé au final des albums assez révélateurs de ce que pouvait être la sphère culturelle de l’époque. En même temps, si je fais ce genre d’articles depuis quatre ans maintenant, c’est spécifiquement pour dresser un constat similaire.

C’est parti pour une sélection très personnelle.

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1 – Tri Yann – An heol a zo glaz (non daté)

Presque dix ans après son premier album, le groupe fondé par les « Trois Jean de Nantes », avec un combo qui s’est étoffé depuis le succès de La découverte ou l’ignorance (1976), revient avec un nouvel album canonique entre réarrangements d’airs traditionnels des contrées celtiques et réflexions sur l’avenir sociétal et environnemental de la Bretagne. Si en 1978, sur l’album Urba, les compères avaient composé une gwerz sur le naufrage de l’Amoco Cadiz (Le soleil est noir), cette fois, Le soleil est vert (l’occasion de souligner qu’en breton, les couleurs *bleu* et *vert* sont désignés par le même mot). On y retrouve pour l’occasion la mise en musique d’un poème mortuaire du XVIe siècle (Si mors a mors), une chanson d’inspiration chant de marins (Guerre, guerre, vente, vent), mais surtout une gwerz de 28 minutes comprenant cinq thèmes musicaux sur des textes de Pierre Jakez-Helias qui donne le titre de l’album. Cette gwerz en langue bretonne raconte la lutte des mouvements écologistes contre le projet de construction d’une centrale nucléaire à Plogoff (29) qui a rythmé l’actualité du début des années 1980.

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2 – The Cure – Faith (avril)

*Aparté*

J’ai mis Primary sur YT, j’ai le Mari qui lance derrière moi : Tiens, t’as mis le single. Ils ont dû faire une version rapide, parce qu’ils n’avaient pas de single prévu !

Vivre avec un exégète du Cure n’est pas de tout repos, croyez-moi.

*fin de l’aparté*

Troisième album du groupe anglais idolâtré par le Mari et le Beau-frère, il résulte des sessions de travail entamées dès la fin de Seventeen Seconds (1980) et de la tournée qui s’en est suivie. Robert Smith (chant, lead et claviers), Simon Gallup (basse) et Lol Tholhurst (percussions et boîtes à rythmes) ne s’entendant plus avec Matthieu Hartley (claviers), ils profitent de la fin de la tournée pour le virer. Faith est donc un album enregistré en trio et, bien que Matthieu Hartley déclare que ça tombe bien qu’il ne fasse plus partie du groupe parce que : « J’ai compris pendant la tournée que The Cure s’orientait vers une musique sombre et suicidaire, un style qui ne m’intéressait absolument pas », le Mari dirait que Faith n’est pas suicidaire, mais hivernal. S’il est enregistré durant le mois de février 1981 sous l’égide de l’ingénieur du son Mike Hedges, et si donc Primary s’est retrouvé comme single par défaut, beaucoup de critiques s’accordent pour dire que l’album est gris et sombre, au contraire de Seventeen Seconds qui était davantage un album d’ambiances diverses. Selon d’autres exégètes, les membres du groupe, bouffés par l’alcool et la drogue, auraient eu un questionnement sur la foi et la religion, ce qui aurait été le fil conducteur du disque. Les versions postérieures de l’album intègrent enfin le single isolé Charlotte Sometimes, sorti en septembre 1981, qui ne correspondait pas forcément à la cohérence de Pornography (1982), aka l’album que j’écoute avec du Dafalgan à mes côtés.

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3 – Michel Polnareff – Bulles (juin)

Là aussi, je m’attaque à un artiste adulé par le Mari (qui s’est acheté l’intégrale Pop Rock en stock) et le Beau-Frère. S’il était revenu de son exil fiscal avec le déprimant Coucou me revoilou (1978), que lui-même trouve nul avec le recul, Michel Polnareff renoue avec le succès en France avec ce septième album studio contenant les locomotives Radio, Je t’aime et Tam Tam. Il décide également de délaisser progressivement les ballades et de se raccrocher à un son plus rock, sans pour autant délaisser les claviers. Et, comme à son accoutumée, il ne joue pas avec n’importe qui. S’il a embauché à ses débuts des personnes comme John Paul Jones, Big Jim Sullivan et Jimmy Page, et si Mike Oldfield a tenu la lead sur Kamâ Sutra (1989), cette fois, parmi les musiciens studios, on retrouve Hans Zimmer aux claviers. Parmi les thématiques de chansons, outre le rapport à l’amour et à la poésie qu’on retrouve dans toutes les œuvres du chanteur, on retrouve des réflexions autour des média de masse et de l’écologie. Comme quoi, le péril écologique était une constante chez les chanteurs français cette année-là.

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4 – Sparks – Whomp That Sucker (juillet)

Dixième album du groupe tutélaire du foyer en 2021, il débarque après Number One In Heaven (1979) et Terminal Jive (1980), enregistrés avec Giorgio Moroder et/ou son équipe. Si Whomp That Sucker est encore une fois enregistré dans les studios du célèbre producteur à Munich, c’est cette fois Reinhold Mack – responsable du son de Queen entre 1980 et 1984 et qui revenait justement de l’enregistrement de The Game (1980) – qui s’occupe de la production. Comme le virage disco n’a pas trop pris, malgré la résolution de Ron Mael de faire évoluer le son du duo par ce biais, une nouvelle orientation plus rock a été prise en recrutant le backing band Bates Motel. Cette collaboration a duré durant cinq albums, jusque Music You Can Dance To (1986). L’album est porté par les singles Funny Face en France et Tips For Teens au Royaume Uni, ce qui lui a permis de pouvoir se classer au Billboard 200 à la 182e place, chose qui n’était pas arrivée depuis Indiscreet (1975). En même temps, leur album le plus pourri – In Outer Space (1983) – a été classé 88e et il a fallu attendre A Steardy Drip Drip Drip (2020) pour que Sparks se reclasse audit Billboard. Soit nul n’est prophète en son pays, soit les Américains ne respectent pas leurs artistes alternatifs.

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5 – The Rolling Stones – Tattoo You (août)

Le Mari et moi avons ceci comme consensus que les Rolling Stones auraient dû arrêter leur carrière en 1978 après Mean Girls. Et, vu la genèse de Tattoo You – en gros, une compilation de fonds de tiroirs bossés entre 1972 et 1979, parce qu’en gros, les gars n’avaient pas d’album à promouvoir en partant en tournée après celle d’Emotional Rescue (1980) –, et vu ce numéro de cirque qu’est Start Me Up, je pense que nous avons tout à fait raison sur ce sujet. Il était grand temps que Mick Jagger et Keith Richards se fassent de vraies vacances de milliardaire au lieu de laisser l’ingénieur du son de Mean Girls et Emotional Rescue se dire que, allez, les gars pouvaient se permettre d’enregistrer des titres écartés des précédents albums. La carrière entière de Beady Eye prouve que ce genre d’album est une idée à la con.

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6 – Jean-Jacques Goldman – Jean-Jacques Goldman (Démodé/A l’envers) (septembre)

C’est avec ce riff simpliste et cet inspiré Il suffira d’un signe, un matin que saint Jean-Jacques débarqua dans la variété française comme un parpaing dans la gueule d’un CRS. Doté d’une solide formation musicale acquise chez les Eclaireurs, la paroisse de gospel de Montrouge et la pratique du piano et du violon, Jean-Jacques intègre Taï Phong en 1975 jusqu’à la séparation du groupe en 1979. Il se fait alors repérer par le producteur Marc Lumbroso qui décide de lui faire signer pour cinq ans chez Epic. Ce premier album éponyme devait s’appeler Démodé, mais la maison de disques n’était pas chaude. Si Il suffira d’un signe a été un single à succès, l’album n’a pas pour autant remporté l’adhésion du public de suite, si bien que Jean-Jacques a réfléchi à reprendre le magasin Sport 2000 de ses parents si le deuxième album suivait le même chemin. Heureusement, le deuxième album éponyme – décidément, Jean-Jacques a mis du temps avant de savoir nommer ses albums –, sorti en 1982, a eu un succès monstre. Ce premier album a vu sa notoriété gagner avec les années, et sont ressorties des chansons telles que Pas l’indifférence, Sans un mot ou Le rapt.

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7 – Depeche Mode – Speak And Spell (octobre)

A l’origine du groupe étaient Vince Clarke et Andrew Fletcher, deux amis de lycée joueurs de synthé, qui ont recruté dans un premier temps Martin Gore, puis Dave Gahan quand il a fallu embaucher un chanteur. C’est d’ailleurs ce dernier qui a trouvé le nom du groupe en s’inspirant d’un magazine français. Dans un premier temps, ils réussissent à faire publier leur single Photographic sur la compilation de la maison de disque Some Bizzare Records. Un autre manager, Daniel Miller, les entend dans un club londonien en 1981 et décide de les signer. Ce premier album de onze titres (neuf signés Vince Clarke et deux Martin Gore) ne contient pas de guitares, mais uniquement des synthétiseurs et des boîtes à rythme. Dreaming Of Me et New Life n’ont été commercialisés dans un premier temps en Angleterre et ont permis d’établir une réputation au groupe. Mais c’est avec le troisième single, Just Can’t Get Enough, que la carrière du groupe prend une dimension internationale. Face à ce succès, Vince Clarke se casse pour fonder Yazoo et Erasure, laissant les trois autres sans parolier. C’est ainsi que Depeche Mode aura des succès d’estime jusqu’en 1986 et Black Celebration.

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8 – Francis Cabrel – Carte Postale (octobre)

Si je devais émettre une critique purement personnelle, je dirais que ce quatrième album a un sentiment d’essoufflement. En effet, même si on retrouve toujours le style de l’auteur-compositeur, on dirait qu’il commence à s’autoparodier. La preuve : il n’y a pas de single locomotive qui reste dans la tête. Carte postale et Répondez-moi, si ces chansons sont impeccables et très belles au point d’être poignantes, n’ont pas l’âme d’une Petite Marie ou même d’un C’était l’hiver. Pour moi, une chanson se distingue parmi les autres, c’est Ma place dans le trafic : c’est la seule où on ne retrouve pas une certaine forme de mélancolie usée, mais une forme de cynisme larvé qui fait la force de ses chansons les plus vindicatives (je pense notamment aux Murs de poussière ou à Encore et encore). Sinon, j’ai vraiment l’impression d’entendre un album de Léo Ferré.

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9 – Prince – Controversy (octobre)

Après des débuts emplis de timidité en 1978 et 1979, le petit génie de Minneapolis a décidé de passer la seconde musicalement et textuellement avec Dirty Mind (1980) et Controversy (1981). Sur ce quatrième album, comme sur le précédent, le sexe est au centre des chansons, mais aussi le pacifisme en contexte de regain de la Guerre Froide (Ronnie, Talk To Russia) et la conscience de soi (Controversy). Musicalement, entre funk et ballades synthétiques, Prince impose son style en jouant comme à son accoutumée de la plupart des instruments, ne laissant son backing band n’intervenir que ponctuellement sur Let’s Work ou Jack U Off. Au final, Controversy totalise 2.6 millions d’exemplaires vendus, dont 500.000 exemplaires en 3 semaines et réussit à se hisser à la 3e place du Billboard Top R&B/Hip Hop et à la 21e du Billboard 200.

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10 – Renaud – Le retour de Gérard Lambert (novembre)

Renaud, pour ce cinquième album, reprend la figure tutélaire de Gérard Lambert, héros d’une de ses chansons incluse dans Marche à l’ombre (1980), qui trouve son inspiration dans Gérard Lanvin, ex-compagnon de son épouse de l’époque, Dominique. Avec cet album, Renaud souhaite faire ses adieux à ses thématiques de loubard, étant désormais marié et père de famille. Avec des chansons comme Banlieue rouge, Manu (ma BAE de l’artiste) ou Mon beauf’ (qui présente un beauf à la Cabu), et même Soleil immonde écrite par Coluche, Renaud n’a pourtant pas réussi à avoir autant de succès que Marche à l’ombre, mais l’album gagne sa réputation d’album de transition avec un mastodonte tel que Morgane de toi (1983).

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À bientôt pour de nouvelles aventures musicales.


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