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Numérique, l'avenir de la France

Par Levidepoches

Numerique

L'avenir de la France en numérique

Tant en matière d'éducation et de culture qu'en termes de développement économique, l'importance des technologies numériques ne fait plus débat. Tout devient numérique au point de reléguer l'informatique, les télécommunications, la télévision, la presse et même Internet au rang de sous-catégories. Au moment où la croissance stagne et où les matières premières flambent, l'économie numérique s'inscrit ainsi dans les rares domaines porteurs d'avenir. En France, le commerce électronique a progressé de 9,1 % au premier trimestre (+ 8,3% en 2007, + 6,6% en 2006), selon l'institut GfK. Les ventes sur Internet ont atteint 2,4 milliards d'euros en 2007.

On comprend que de tels chiffres motivent le gouvernement, dont la dernière mouture comprend, pour la première fois, un secrétaire d'Etat chargé du développement de l'économie numérique auprès du premier ministre, en la personne d'Eric Besson. Fin juillet, ce dernier doit remettre à François Fillon les mesures qu'il préconise pour le "plan France numérique 2012". En juin, les Assises du numérique ont permis de collecter, dans toute la France, les propositions de nombreux acteurs, opérateurs, industriels, producteurs, associations ou utilisateurs. Cette intervention de l'Etat pourrait marquer le début d'une offensive, après une décennie consacrée au rattrapage du retard accumulé dans les années 1990. La première prise de conscience de la nécessité de réagir remonte à l'initiative de Lionel Jospin, en 1997, avec son programme d'action gouvernemental pour la société de l'information (Pagsi), une consultation publique préparatoire à une "loi Internet" en 1999.

Certes, depuis, la France a redressé la barre, en enregistrant même des succès comme le développement de l'accès Internet à haut débit par ADSL. Néanmoins, une note publiée le 15 juillet par le service des études et des statistiques industrielles (Sessi) du ministère des finances révèle un déficit persistant dans l'usage des technologies de l'information dans le domaine professionnel en entreprise. Le Sessi relève qu'en 2006, alors que toutes les entreprises de plus de dix salariés étaient équipées en informatique et que presque toutes avaient accès à Internet, seule la moitié de leurs salariés utilisaient un ordinateur et pas plus d'un tiers surfaient sur la Toile. Ces proportions atteignent 54 % et 42 % au Royaume-Uni, ou 58 % et 41 % en Allemagne. Le décalage persiste dans les usages. Or ce sont eux qui génèrent profits et emplois.

Preuve supplémentaire de l'ampleur du travail qui reste à effectuer, M. Besson a défini pas moins de 27 pistes de travail qui comportent près de 220 "premières mesures soumises au débat" des assises. De la réussite de chantiers comme ceux du très haut débit fixe (fibre optique) et mobile (attribution des fréquences), ainsi que de la création de contenus numériques tirant profit des nouvelles infrastructures, dépendra la place de la France dans l'économie numérique mondiale, qui entre désormais dans la phase finale de sa construction. Sans attendre la fin du rattrapage, l'heure est donc venue d'agir afin d'occuper une position de leader dans la course au numérique. De ce classement dépendra la part de la croissance économique dont la France pourra bénéficier.

Le plan France numérique 2012 sera-t-il à la hauteur d'un tel enjeu ? C'est toute la question. L'une des caractéristiques de cette action gouvernementale est de se mettre en place sans le moindre budget. M. Besson ne le cache pas, les caisses sont vides et il travaille à euro zéro... L'Etat est ainsi contraint à un exercice relativement nouveau. Privé de toute capacité de relance économique par ses propres deniers - ceux des contribuables -, il se retrouve dans une position qui préfigure peut-être celle qu'il devra adopter à l'avenir dans de nombreux domaines. Pour l'instant, cette démarche semble difficilement compatible avec certains des objectifs avancés. Ainsi, la première mesure mise en avant par M. Besson vise à "faire de l'accès à Internet un service public". Or, fin 2007, le nombre d'abonnés à Internet en France ne dépassait pas les 17,1 millions, dont 15,6 millions en haut débit.

PARTAGE DES RÔLES

Le gouvernement se fixe comme objectif d'atteindre la couverture du territoire à 100 % en haut débit fixe et mobile en 2012. Il veut, à cet horizon, que 4 millions de foyers au moins soient raccordés au réseau fibre optique, ce qui impose un investissement de 1 milliard d'euros par an. Tout le pari réside dans la capacité du gouvernement à convaincre les industriels de se lancer dans de telles dépenses sans que lui-même ne débourse un centime. Relever ce défi impose de créer un cadre administratif et juridique qui apporte des garanties suffisantes. Les sociétés ne joueront le jeu que si elles sont assurées de ne pas prendre des risques inconsidérés.

Les industriels ne semblent pas opposés à un tel partage des rôles. Ils ne réclament pas un plan calcul ou un plan câble supplémentaires. On connaît déjà le résultat de telles initiatives. Il reste qu'une telle position met l'Etat devant ses responsabilités. Ou bien il parvient à se moderniser en profondeur en supprimant lourdeurs et lenteurs, ou bien le nouveau contrat établi entre l'Etat désargenté et une industrie qui attend que la piste soit dégagée risque fort de faire long feu.

Les marges de manoeuvre du gouvernement sont également limitées par le périmètre affiché pour le plan France numérique 2012. Apparemment, il ne s'inscrit dans aucun mouvement d'ampleur européenne. Or, à l'évidence, ce n'est qu'à cette échelle que la bataille du numérique peut raisonnablement être conçue. La domination américaine sur les ordinateurs et les logiciels commence à être contestée par l'Inde et la Chine.

Que peut espérer une France isolée dans la bataille de titans qui se profile ? D'autant que l'enjeu ne réside pas uniquement dans le développement des pratiques. Les outils joueront un rôle essentiel. On peut le constater avec l'exemple des boîtiers "triple play" lancés sous l'impulsion de Free. Ce matériel innovant a joué un rôle décisif dans le développement de l'Internet à haut débit et de la télévision numérique en France. Que se passera-t-il pour la fibre optique ? Cherchera-t-on à créer un nouveau Minitel ou bien à constituer un leader avec les restes de l'industrie informatique et électronique européenne ? La question est posée par de nombreux acteurs français dont les entreprises peinent à dépasser le stade de la PME. Le plan France numérique 2012 ne semble guère en mesure d'y répondre.

ARTICLE :  Michel Albergranti (Service Futurs)

Lu sur le site LeMonde.fr


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