Des fleurs et des fracas.
Le « Cahier des fleurs et des fracas » a été publié en décembre 2009. Dans une première partie, écrite entre décembre 1989 et novembre 1990, Claude Ollier consigne des notes depuis sa maison de Maule, à propos d’événements infimes ou incroyables qui se déroulent simultanément ici et là-bas.
Ouvrant sa fenêtre il entend le vacarme dans les rues de Bucarest ; regardant le mur du jardin, qu’il a fait rehausser, il voit s’écrouler les premiers pans du mur de Berlin ; et plantant de jeunes noisetiers, il assiste à l’enterrement de Sakharov.
Claude Ollier décrit la scène suivante, « la forme à sauvegarder se dégage du bloc mémoriel », qui résonne en nous si vivement aujourd’hui, même si d’autres images viennent écraser celles de cette liberté si neuve :
Les traits de la fille en violet à Kiev cet été se détachent des innombrables lignes de force sur cette grand-place où les couloirs souterrains jouent leur rôle. Elle allait du vacarme entretenu dans les sous-sols par les chanteurs et les acteurs au vacarme entretenu sur le terre-plein entre les grands arbres par d’autres chanteurs et ce rassemblement pacifique qui, dans la contre-allée devant les murs de la grande poste, réclamaient l’indépendance de l’Ukraine. Elle s’adonnait à une liaison entre les deux niveaux, pouvait supposer l’observateur, et la rose rouge qu’elle tenait de la main gauche à hauteur de ses lèvres disait le ralliement… Elle avait dix-huit ans peut-être et portait avec aisance, sans trouble apparent, une courte robe à fronces très décolletée lui laissant le dos nu jusqu’à la taille. Ses cheveux noirs très courts étaient coiffés avec recherche. Elle descendait les marches des multiples escaliers faisant communiquer les places, remontait celles d’un autre escalier plus loin, reparaissait imperturbable, après quelques pas vers les chanteurs sous les arbres redescendait et jamais la fleur ne quittait ses lèvres. (pages 17-18)
Claude Ollier, Cahier des fleurs et des fracas. POL. Décembre 2009. 126 pages. 14,50 euros.