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(Anthologie permanente), Dominique Quélen, quélen=enqulé et Une quantité discrète

Par Florence Trocmé


Dominique Quélen a publié récemment deux livres, quélen = enqulé, aux éditions Louise Bottu et Une quantité discrète, chez Rehauts.
Extraits :
Quélen• Extrait de quélen = enqulé, incipit du texte « J’entre »
J'entre dans ma bouche puis dans mes oreilles.
J'entre dans ma bouche en passant par mon
nez. Je me divise et, pour moitié, fais un
détour par l'intérieur de mes yeux, en arrière,
pour arriver à ma bouche. Je passe une main
puis un bras par l'ouverture de ma bouche
ouverte et je descends jusqu'à mon ventre où
je cherche une issue. Je fais pivoter ma main à
l'intérieur de mon ventre pour atteindre
l'arrière de mon ventre dans mon dos.
Je fais passer mon autre main par mon nez pour
atteindre l'arrière de ma tête et descendre le
long de mon dos jusqu'à la main qui y est déjà.
Je fais remonter la première main avec la
seconde et je les coince au niveau de ma
gorge. Je tords ma bouche et la plie com-
plètement en deux pour créer un appui et
et empêcher mes mains de retomber de l'autre
côté de ma gorge dans le noir. J'introduis
indifféremment le lobe de mon oreille droite
ou gauche ou les deux dans mon nez. Je
bouche le canal qui conduit de ma bouche à
mon nez en étalant mon ou mes lobes et en les
répartissant devant et derrière mes mains qui
s'y trouvent. (...)
p. 39 et 40
Essai 3Extrait de Une quantité discrète, série « V, 2 x 123 »
Cellule. Fenêtre. Enveloppe contenue dans une autre qui est la journée. Le poème estpar sa forme exiguë fenêtre qui s'ouvre et cellule au cadre à peu près rectangulaire. On en compose et assemble les éléments. Ces lieux inconnus. Un chez-soi indéfini. Il faut trouver un équilibre différent selon que la maison compte une chambre ou plus et qu'on peut en changer. Écrire et habiter ici. Poésie supposant comme au jeu de pousse-pousse un manque ou un défaut de matière pour que le mouvement y soit rendu possible.
La moustiquaire empêche les branches d'entrer. On est envahis
d'insectes ce soir. Des guêpes. C'est la chaleur. Allons prendre
quelques photos des arbres. On est capables de s'affaler n'importe
où. Un bord de chemin fera l’affaire. À l'ombre on croit s'asseoir
sur une poche humide et froide. Le sous-sol est sableux. L'eau
remonte par capillarité et crée des sources. Tous les états de la
matière ont l'air d'être nés en même temps. Des renfoncements
plus froids sont maintenus dans l'ombre et l'humidité à la frontière
linguistique entre bois et forêt.
Tout le monde est dehors. À la fenêtre la radio parle d'environne-
ment dégradé. On s'habitue mal à ce genre d'expression. Quel-
qu'un grimace. On voudrait donner du mystère à son visage. Un
géomètre fait vrombir et tourner son drone au-dessus des têtes. Et
le lendemain matin. Puis c'est calme. Des gens deviennent des
silhouettes. Les ombres s'allongent en fin de journée. Comment
dire quelque chose. Il parait qu'on peut se réincarner en plante. Ou
en moisissure. Ou encore en acarien. Beaucoup vivent librement
dans le sol ou l'eau.
(p. 65 et 66)
Dominique Quélen, quélen = enqulé, éditions Louise Bottu, 2022, 92 p., 16€
Dominique Quélen, Une quantité discrète, Rehauts, 2022, 128 p., 16€
NDLR : dans les deux livres, les textes sont justifiés.


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