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(Note de lecture), Jacques Lèbre, Le poète est sous l'escalier, par Judith chavanne

Par Florence Trocmé


Jacques Lèbre  le poète est sous l'escalierÀ qui s’interroge parfois sur ce qu’il pourrait lire, Le poète est sous l’escalier de Jacques Lèbre paru il y a quelques mois, fournit maintes suggestions. Sorte de guide du marcheur en poésie, le lecteur trouvera ici de quoi orienter sa méditation ou l’approfondir.
D’une citation à l’autre, Jacques Lèbre dessine un cheminement dans une prose aussi transparente et fluide qu’avertie. Poète, critique et grand lecteur, il connaît le domaine ou le territoire. Si le titre du livre, comme il est écrit sur la quatrième page de couverture, « emprunte l’image du poète sous l’escalier à Hugo von Hofmannsthal », il définit aussi bien la position de Jacques Lèbre comme poète et comme critique : humble et s’effaçant devant le monde ou les textes qu’il sert.
Voici quelques unes des étapes, autrement dit un bref florilège de ce parcours qui commence avec la citation des premières lignes de La Semaison de Jaccottet, « L’attachement à soi augmente l’opacité de la vie. » (p.9), à laquelle font presque immédiatement écho deux vers de Roberto Juarroz : « Trop s’attacher à soi-même/ c’est gaspiller la substance du monde. » (p.9)
Au milieu du parcours pour ainsi dire, on trouve cette belle réflexion de Paul de Roux qui explique la discontinuité de l’élan qui anime le poète : « Notre vie ressemble à ces grandes étendues d’eau où on ne trouve que de loin en loin des particules vivantes. Écrire, c’est aller à la recherche de ces particules, c’est être sourdement angoissé par les espaces vides qu’il faut traverser pour les découvrir – sans savoir si on pourra jamais en découvrir encore. » (p. 41-42)
Au secours du poète, le silence dont Cristina Campo disait ceci : « Sur la table ovale et blanche, durant les soirées passées au jardin, le silence prenait sa valeur réelle, qui est celle d’accumuler les puissances. »
Jacques Lèbre souligne les correspondances entre les déclarations de poètes, philosophes ou critiques, recréant ainsi une conversation fictive entre les uns et les autres ; mais il ne se contente pas tout à fait d’établir un lien entre les citations, il participe aussi à la méditation : « On n’est pas vraiment seul tant qu’on se sent relié : à ses ‘dissemblables’, ou à ce qui se passe de l’autre côté de la fenêtre, au-dehors. C’est plutôt l’absence de relation, réelle ou imaginaire, qui est la vraie solitude. » (p.74)
Et justement, entrer dans ce livre, c’est partager un commun amour du poème, de communes préoccupations de vivants ; c’est, comme avec tout livre véritable, ne pas être seul assurément.  
Judith Chavanne.
Jacques Lèbre, Le Poète est sous l’escalier, Éditions Corti, 2021, 92 p., 16 euros.


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