Une semaine plus tard...
Samedi 2 mai 1992. 4h25 du matin.
Je me souviens, cette nuit-là je dormais paisiblement. C'était le week-end où je n'étais pas obligé d'être avec "l'autre". Un week-end calme, serein, auprès de ma mère.
4h25 du matin. Dans mon profond sommeil, je devais sans doute être en train de rêver à quelque chose de fantastique. Mon imagination débordante, toujours, me suivait, même pendant la somnolence, la léthargie, la parfaite inaction. L'abandon le plus total...
Je me souviens que je dormais paisiblement, cette nuit-là. Mais je ne me souviens plus du rêve... Il faisait très chaud... Je m'en souviens... Mais pas de mon rêve...
La sonnerie de l'interphone retenti dans l'appartement comme un éclair foudroyant. Je sursaute, hors de mon lit dans la seconde qui suit mon réveil paniqué...
J'entends ma mère depuis la pièce à côté, sa chambre. Un grand soupir, accompagné d'une voix aigüe, serrée, gémissante, voulant contrôler et paraître maîtriser la situation, mais trahie par un petit timbre de panique. Je me souviendrai toujours de son :
- Oh c'est pas vrai... non... c'est pas vrai...
Dans cette phrase, je ne pouvais pas encore envisager ce qui se tramait, mais je me souviens avoir eut un éclair... Un très court instant : Entendre cette phrase dans la bouche de ma mère. L'entendre comme si c'était la dernière fois...
Je demande :
- C'est lui ?
La sonnerie de l'interphone résonne dans tout l'appartement... L'insistance de la sonnerie révèle immédiatement l'état de nervosité, de colère, de rage dans lequel se trouve "l'autre", huit étages en-dessous, à ce moment de la nuit.
Pour cesser le vacarme, ma mère décide de décrocher le combiné de l'interphone, afin de ne plus entendre la manifestation de sa rage...
Le combiné pendant le long du mur, ma mère rétorque une petite réplique victorieuse, dans un court murmure :
- Voilà... Maintenant, énerve-toi tout seul...!
Puis, dans le silence, je prend la main de ma mère et la suis dans sa chambre. Pour nous rassurer l'un et l'autre, nous décidons instinctivement de dormir ensemble dans son lit.
Blottis dans l'obscurité, ses bras entourant mon corps et me protégeant, nous chuchotons :
- Maman, qu'est-ce qu'il va faire ?
- Rien mon chéri. Ne t'inquiète pas. Quand il en aura marre il partira. Personne ne lui ouvrira. A cette heure-ci tout le monde dort. Personne ne rentrera dans l'immeuble.
- Mais il sait qu'on est là ?
- Dors mon coeur. Ne t'inquiète pas.
Malgré que le combiné de l'interphone soit décroché, nous entendons, lointain, le bip de la sonnerie qui correspond à chacune de ses pressions sur le bouton "Myriam M." Dans le silence total, on parvient à l'entendre.
Pendant vingt minutes, c'est un concert électrique lointain, au bout du couloir, qui nous tient éveillés. Les yeux grands ouverts dans le noir. Nous attendons qu'il se décourage... Patiemment.
Puis le silence. Il a l'air d'avoir cessé son acharnement. Découragé. Puis un gros bruit sourd qui vient de l'extérieur, en bas de l'immeuble, surgit.
- Qu'est-ce que c'est, maman ?
- Je ne sais pas... Il a dû mettre un coup de poing dans le contenair qui se trouve en bas de l'immeuble.
Nous écoutons. Nous écoutons le silence qui suit ce bruit étrange. Anormal.
Le silence devient pesant. Le silence dure.
Plus le silence dure, plus nous ne savons pas ce qu'il se passe...
Nous attendons...
Ma mère me regarde. Elle est assise dans le lit. La main suspendue dans le vide. Un arrête sur image. Un geste indiquant la pause pour ne pas faire le moindre mouvement de drap qui pourrait couvrir le moindre bruit, indice de où il se trouve et ce qu'il fait.
Puis après un long moment, ma mère me chuchote, posant sa main sur ma joue :
- Il est parti... je pense qu'il est parti.
Ma mère m'indique de rester dans le lit avec elle, et de m'allonger près d'elle. Elle me recouvre avec les draps et me prend dans ses bras...
- Dors mon ange.
Nous somme allongés, l'un contre l'autre, nos coeurs battant encore très forts après ces instants de peur...
Soudain, nous entendons le ronflement mécanique de l'ascenseur qui se déclenche pour se rendre au rez-de-chaussée...
Il est 4h56 du matin, et quelqu'un appelle l'ascenseur au rez-de-chaussée pour monter.
(A suivre.)