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La fiancée du poète

Publié le 13 octobre 2023 par Alexcessif
La fiancée du poète

Le cerf dans le jardin n'est pas en bronze mais en ciment. Ringard aux yeux d'un bobo en trottinette, émouvant de souvenirs pour Mireille/Yolande Moreau qui rentre au pays dans sa maison d'enfance aussi délabrée que sa vie. Subsiste sur un mur un portrait de Rimbaud pour la poésie du titre et une façade de décrépitude pour l'ambiance mais l'électricité fonctionne encore dans sa chambre d'adolescente. On se doute qu'une mauvaise météo pourrait gâcher l'ambiance 

Qu'est ce que je disais? Le vent claque sur les volets, une fenêtre s'ouvre, le vent du reproche trouble le sommeil de Mireille 

On l'a tous connu ça, non? L'erreur fondamentale d'attribution où le "c'est pas ma faute" de l'échec le dispute au " j'ai fait ce qu'il fallait" de la réussite. Tu peux toujours tenir la comptabilité des causes externes et des causes internes, il reste des heures à ces nuits blanches noires de fantômes. L'on y trinque avec la soif de l'aube la lie des calices de culpabilité 

Au sortir de cette nuit désertique, la lucidité incite à fuir la solitude, se rapprocher des autres épidermes compatibles pour se tenir chaud.

Y a quoi sur le mercato dans une ville près de la frontière belge? 

Peu de chances de tirer un As à vrai dire. Et puis que faire d'un as avec un brelan de sept?

Le script [me] suggère que nous n'avons de choix qu'en proportion de nos compétences. " Qui se ressemble s'assemble" dirait la mère Denis.

Voilà pour les causes internes. Les causes externes, c'est le mercato. 

Le mektoub t'as fait naître ici et tu reviens, plombé ou enrichi, au berceau de ton humanité personnelle après avoir parcouru le vaste monde

Éloge de la mocheté, de la tendresse et de la poésie. Film de et à la gloire de Yolande Moreau où des survivants balottés par la vie vivotent ensemble au bord de la Meuse, d'expédients, de brouilles et d'embrouilles dans une bicoque à l'abandon 

Il y a du faussaires au mètre carré dans cette communauté solidaire autour de la fiancée du poète. 

Curé, cow-boy, jardinier, plombier, étudiant, la somme des intelligences cumulées de ces adorables bras cassés est un Q.I à deux chiffres suffisant pour monter une escroquerie vite éventée

Mireille est une romantique déçue ex-taularde fourvoyée dans l'impasse des mauvais choix le compteur bloqué sur le souvenir comme toutes celles qui ont crû aux rimes des poètes plus qu'aux plans de carrière d'un pharmacien ou d'un notaire 

L'étudiant des beaux-arts crevant de faim comme tous les clichés d'étudiants en rupture familiale est très doué pour copier les œuvres célèbres. Il est honnête: il ne les signe pas.

Le cow-boy, Elwis de pacotille, avec trois accords de guitare et un salmigondis américain approximatif est en réalité un turc sans papier qui squatte la cabane de jardin. 

Bernard/Gregory Gadebois est un jardinier de jour, une Bernadette la nuit.

Le poète catalan fuyard Sergì Lopez est un plombier revenant et William Sheller prête au prêtre péripapéticien sa gestuelle ecclésiastique prêchant en bord de Meuse flanqué de trois caniches 

En attendant il y a le mariage blanc de Mireille avec le cow boy sans papier prétexte à une fête digne de Kusturica et le retour du prince charmant. Mireille retombe en adolescence oubliant que le poète catalan est un plombier madrilène y compris quand le mytho incorrible se lance dans des élucubrations picaresque au comptoir d'un singe en hiver

Des esprits chagrins en redressement fiscal trouveront puéril ce brame réé par le cerf en ciment qui pousse Sergì à gratter à l'huis de Mireille. Miraculeusement amnésique elle ouvre sa porte qui se referme aussitot pudiquement sur une nuit magique. Techniquement les amours d'un tonneau et d'une barrique rendent improbables le triptyque préliminaires in-can-descents/étreintes torrides/redescentes apaisées.

Tant pis pour les caresses de galbes harmonieux au petit matin.

Film sans prétention mais pas sans émotion plein de poésie à la laideur esthétique ordinaire. Le final cut flotte dans la brume fluviale au son du youkoulélé, ode à la gloire des faussaires, tricheurs, tendres mythos, adeptes des petits arrangements, avide de chaleur humaine sur la péniche/arche de Noé avec le cerf du début en figure de proue de ce bestiaire attachant 

Deux signes: pendant la projection un spectateur a fuit mais le public est resté assis le temps du générique


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