C'est comme un coming out en plus drôle
Mutation & Analyse au féminin pluriel
Le Moi de 2023 est-il l’identique de celui de 2016? Pire ou meilleur? Selon la loi immuable de l’évolution, il y a une exigence légitime d’excellence que la survie élémentaire parfois induit à changer de trajectoire, faire demi tour sans régresser, page banche, balles neuves? En tout cas, il faut bouger
A l’évidence, le temps altère le corps, diminue les capacités. Le mental s’adapte-t-il à ces nouvelles dispositions? La vue d’un escalier à gravir peut susciter de l’inquiétude, en tous cas l’environnement est riche d’enseignement au delà de la symbolique métaphorique des obstacles à franchir. Si un mental fragile déni la faiblesse du vieillissement, c’est du temps perdu. Libido en berne, performance à la baisse, l’acceptation de l’inconfort qui nous fait préférer un canapé au grand air peut être fallacieux selon la saison. Sortir en hiver ou attendre le printemps est le premier dilemme car avec l’âge, demain suppose un an de plus, rarement un an de mieux, surtout quand la maladie s’invite dans l’équation
J’ai survécu à 2016 certainement au prix de quelques séquelles car, au delà du très nietzschéen « ce qui ne tue pas rends plus fort » cette déroute pitoyable m’a laissé du « sang sur les mains » et les remords qui vont avec
A l’heure du dépôt de bilan maintes fois retardée, je déclame mezzo voce:
J’ai pardonné à des impardonnables et oublié des inoubliables comme il se doit car je l’étais aussi. Mes déceptions furent à la hauteur de mes espérances mais je suis contraint à l’indulgence puisque je suis décevant. J’ai agi spontanément sans trop réfléchir et réfléchi souvent sans agir. J’ai ri trop fort pour faire plaisir, pleuré parfois pour faire pitié, souri bien blanc pour faire envie, couru pour attraper, payé pour posséder, donné ce que je n’avais plus à qui ne demandait rien, emprunté peu, rendu au centuple, j’ai promis et j’ai tenu, j’ai juré et j’ai failli. J’ai cru mourir par un souvenir, une lettre d’amour, une lettre d’adieu, j’ai appelé des répondeurs pour entendre des voix. J’ai eu peur de perdre autant que j’ai eu peur de gagner. J’ai déchiré des photos, effacé des empreintes, oublié de vivre trop occupé à survivre. J’ai sauté des repas et des barrières, élevé sans éduquer, nourri sans enseigner, appris sans comprendre, transmis sans savoir. J’ai douté de mes certitudes et commis des erreurs jusqu’à l’entêtement puis la faute. J’ai serré dans mes bras sans jamais dominer, prêté mon épaule à des accablements et tendu l’oreille à des confidences parfois écoutées sans entendre. J'ai connu des jours pluvieux et des nuits moins jeunes, des temps humides et des toilettes sèches. Bref, j’ai survécu à tout cela disais-je, toilettes sèches incluses, opportuniste comme tous les survivants, misérable ainsi que les lâches d’avoir trop aimer et trop peu celle qui les valait toutes. Et je suis bien parti pour recommencer
État des lieux
L’environnement me semble moins hostile. M. a remplacé A. qui a remplacé K, Paris remplacé Chartres après Bordeaux pendant que G. a remplacé J. Je peux toujours déménager en 5 minutes. Y a du jus à la banque, mes avoirs tiennent dans un break récent avec remorque pour la moto et galerie pour le kayak, piano et tapis de course dans le coffre, je suis paré. A la précédente débâcle, le dressing tenait dans le coffre, les archives dans la boîte à gants, la fortune contenue dans le réservoir d’une bagnole à bout de souffle avec un solde à deux chiffres à la banque. C’est pas du progrès ça?
Métiers, revenu, logement, les enfants, la fratrie et la parentèle encore vivante sont à l’abri. Je n’y suis pas pour grand chose, le temps en a fait son affaire
J’ai déçu G. presque autant que J., lassé A, irrité M. Pour confortable qu’il soit mon statut est précaire. Je jouis d’une liberté de mouvement et d’une relative aisance financière dans une cohabitation parfois pénible. J’apprends beaucoup de la vie à deux sur la patience et l’écoute. Je subis des conversations sur la vie quotidienne que je juge insipides conscient que les miennes le sont tout autant. Bien sûr, mes centres d’interêts sont multiples mais après avoir tenté de les partager avec M. jusqu’au harcèlement, j’ai renoncé.
La relation avec M. était platonique depuis pratiquement le début. Après quelques figures consenties, salade de bienvenue-plat du jour-café-l’addition, elle jouissait de sa tranquillité chat/télé/ canapé/ tricot. Je crois que ma présence l’apaisait, que mes silences lui laissait l’espace pour discourir, mes acquiescements ponctuaient ses souvenirs, il me fallait retenir quelques prénoms ou une date pour relancer une nostalgie bégayante qui s’estompait de trop d'itérations
Clairement, M. est peu intéressée par le grand air, les randos, le vélo, le ciné, le théâtre des Grands Boulevards et les manifs à Bastille. Je me suis sédentarisé. Grasse mat’ et bouffe industrielle, sodas, glaces et gâteaux, j’ai pris dix huit kilos, Par mimétisme, acceptation et autres renoncements.
Le hasard m’a remis sur la trajectoire de G.
Deux mois plus tard, j’avais perdu le supplément de bagage et gagné une hernie linguale pour amaigrissement trop rapide. La mémoire orale de M. s’est tarie pendant que je courais dans Paris derrière ma taille de jeune fille. Après le mur du son c’était la murette du mutisme. Un espace silencieux s’était entr’ouvert. Je m’y glissait comme un coin dans une bûche.
Théâtres, cinés, longue promenade dans Paris, un autre espace s’ouvrait, lentement mais pas trop, tendrement, improbable comme une résurrection. Retour dans le 15ème coté chambre, Annecy, le grand Bo, concert sans que M. ne réagisse.
Je ménageais la chèvre et le chou avec un stress inutile pour donner le change affranchit des réponses à des questions que M. ne posaient pas. Accord tacite? Aveuglement? L’omission évitait l’humiliation à l’une, le mensonge à l’autre. Rien ni personne ne l’empêchait de me virer pourtant, depuis quelle m’avait persuadé de libérer mon pied à terre chartrain, je dépendais d’elle pour le logement. Jamais la question n’avait été posée de mes absences puisqu’elles étaient tacitement admises et justifiées par des randos et des sorties qui ne l’intéressaient pas. J’étais passé d’une cohabitation sédentaire à une cohabitation domestique. Elle s’était installée dans une vie de femme de marin ravie par mes départs autant que par mes retours à terre, le danger en moins.
G. avait peu d’exigence en terme de temps de présence, elle même occupée par une activité professionnelle qui la voyait courir de réunion en quai de gare et de piscine en salle de gym. Bi localisée à Paris et en Savoie, elle soldait le week-end ses obligations monoparentales auprès d’un Tanguy chômeur, alcoolo et toxico à Annecy. J’étais pour elle un trait d’union entre deux sessions amoureuses et un divertissement supportable quand elle était à Paris. Mon comportement piteux sous la couette, dont elle s’accommodait, ne dérangeait que mon orgueil. Je ne pense pas qu’elle jouait sur deux tableaux. Après mes sautes d’humeur, elle reprenait le contrôle semblant tenir à ma compagnie. C’était pour moi une énigme
Un jour j’ai perçu un coup de moins bien. Ma parano comme une mèche lente allumée par une info deux mois plus tôt dont je me serais bien passé — une notification d’un site de rencontre pile poil pendant qu’elle me montrait des photos sur son smartphone — me fit suspecter qu’un profil avait matché. Choc thermique augmenté du fait qu’elle me recevait ce soir-là en bas de l’immeuble. Le monologue à deux qui s’ensuivit ressemblait à un insecte s’empêtrant dans la toile d'un malentendu où nous nous étions fourvoyés. Piètre amant (quand tu commences à bander de travers, c’est le final count down) piètre skieur ( elle m’avait testé sur les rouges du Grand Bo ) en toute logique, il était probable que je ne verrai pas le printemps.
Je ne croyais pas si bien dire: deux jours après la rupture je "faisais" un infarctus