Retour dans le Bordelais, jour 1 (part. 2) : Haut-Bailly, l'inimitable

Par Eric Bernardin

Il est déjà plus de midi lorsque nous arrivons à Haut-Bailly pour déjeuner. Néanmoins, nous avons droit à une longue visite du chai construit depuis notre dernière passage. Je vous ai mis ci-dessus une photo aérienne provenant du site du domaine pour que vous voyiez comment il s'intègre dans le paysage. Le projet a commencé à mûrir en 2015, et a été confié en 2016 à l'architecte Daniel Romeo. Les travaux ont démarré en juillet 2018 pour s'achever au printemps 2021. C'est donc la troisième vinification qui vient de s'achever.

L'entrée principale du chai

Lorsqu'on se penche, on se rend compte de la vraie hauteur du bâtiment. Vous pouvez voir toute l'installation du tri des raisins. Les grains sélectionnés tombent dans un cuvon (ci-dessous) qui est ensuite monté à l'étage supérieur via un ascenseur. 

Il est ensuite vidé par gravité dans l'une des cuves. 


Il est ensuite vidé par gravité dans l'une des cuves. ...

... dont l'accès est caché  par le plancher. Ce qui permet de circuler facilement dans le chai. 

Tout est facilement accessible, en toute discrétion

Mais revenons à la visite. Sur  la droite en rentrant, la salle de dégustation à l'environnement végétal inspirant. 

Le cuvier, constitué de 3 cercles concentriques  de cuves, m'a fait penser à Stonehenge. (oui, il faut un peu d'imagination). 

Le cercle extérieur est formé de cuves inox (100 hl, de mémoire). Les autres sont en béton avec un système de thermorégulation intégrés dans la paroi (70 hl pour le cercle intermédiaire, 50 hl pour le plus petit). 

 A l'instar des cuves de Cheval blanc ou de Chevalier, elles ont été fabriquées par Nico Velo

A noter la belle impression de drapé. Vu de près, on a presque la sensation d'un tissu velouté 

Elles sont pilotées via une interface numérique et tactile

Lorsque vous cliquez sur une cuve, vous avez tout l'historique de celle-ci, avec les courbes de fermentation et de température. 

Les barriques au sous-sol ne sont pas oubliées

Là, c'est forcément à Lafite-Rothschild que l'on pense... 

Avec la géniale idée de Ricardo Bofill  de placer les barriques en cercles, facilitant les déplacements et le travail du personnel. 

Nous avons pris l'ascenceur pour monter sur le toit. 

Difficile de croire que nous nous tenons au-dessus d'un chai tant tout paraît en place depuis toujours. 

Ce jardin est l'oeuvre d'Hervé Rosset (D&H Paysages)

Bon, ce n'est pas tout, mais nous sommes attendus...

La table est dressée, mais nous allons d'abord au salon pour l'apéritif, car il fait un peu trop frais et humide pour aller en terrasse. 

Pol Roger blanc de blancs, comme d'hab'. Toujours aussi bon !

Tuile de tapioca et espuma de betterave

(enfin, c'est que j'ai déduit)

Tielles à l'artichaut et au carvi

Gougères

Joli !

Menu personnalisé

Saint-Jacques fumées, caviar

C'est une excellente idée de les avoir fumées car cela va permettre l'accord avec le vin rouge servi. Je pense qu'elles ont été aussi cuites à basse temp', car la texture est plus ferme qu'une noix crue. Juste à droite, une jeune carotte pourpre. Au fond de l'assiette une crème de courge (potimarron ?). Dans une "coque" d'oignon, une sauce acidulée à base d'agrume (pas assez pour que je puisse l'étudier à fond). 

Parde de Haut-Bailly 2017 : la robe est grenat sombre translucide. Le nez est fin et élégant, sur le cassis, le tabac, l'âtre de cheminée (subtil) et le menthol. La bouche est ronde, très ample,  déroulant une matière soyeuse,  aérienne,n, d'une grande fraîcheur aromatique. La finale poursuit dans l'élégance, osant une fine accroche canaille, avec un retour du du cassis, et de l'âtre de cheminée, complété par le cigare.

L'accord est très réussi !

Boeuf maturé, topinambour, persil

Tout est dit, ou presque. Difficile de ne pas remarque la jolie tranche de cèpe snackée. Et la moutarde en pickle déposée sur le topinambour rôti. Tout est d'une rare perfection, même si pas très original. Mais la tradition, c'est (super) bon !

Haut-Bailly 2017 : la robe est un peu plus sombre. Le nez est plus jeune, avec un fruit noir plus marqué, des  épices en filigrane et un menthol plus présent. La bouche est plus ample, avec une matière un peu plus dense, veloutée, plus fruitée, tout en restant très élégante.  La finale gagne en puissance et intensité, avec un fruit superbe et intense, et une fraîcheur vivifiante. 

Fromages affinés

Autant je suis convaincu de l'intérêt du Saint-Nectaire,  autant je suis plus perplexe sur le comté. Néanmoins, il ne nuit pas au vin. Dans la cuillère, du pruneau en brunoise, qui ira bien avec le dernier vin. 

Haut-Bailly 2015 :  la robe est très proche. Le nez est plus puissant,  plus mûr, sur le coulis de fruits noirs et les épices. La bouche est ample, charnue, sensuelle, sur un velours profond, avec un fruit plus solaire, la cendre et le menthol apparaissant juste en arrière plan. Ces derniers reprennent le dessus dans une finale a la fois fraîche et généreuse. 

Les 4 verres de vin 

Je n'ai pas tout bu, car je devais ensuite prendre le volant... Mais d'autres en ont profité !

Chocolat, glace sarrasin

Il y aussi de la framboise, apparente, mais aussi cachée en dessous avec une délicieuse ganache au chocolat. Le sarrasin apparait aussi sous forme soufflée et croustillante. Ce dessert d'une simplicité apparente est d'une rare perfection, tant tout est équilibré. Il y a vraiment un sacré chef dans cette cuisine !

Haut-Bailly 1966 (en magnum, envoyée à l'avance par Ludovic)la robe est entre le tuilée et le grenat sombre. Le nez est superbe, sur les fruits confits, le pot-pourri floral, le gibier, la réglisse, le café... La bouche est très ample, aérienne, soyeuse, alliant une fraîcheur intense à des notes balsamiques, confites. L'équilibre est magnifique, conjuguant les extrêmes (texture soyeuse très aérienne Vs grande puissance aromatique) .  La finale est très fine,  fraîche,  digeste, sur la vieille prune, le  cuir et le cigare.  Un vin incroyable, ne ressemblant à nulle autre. Merci Ludovic !

On comprend pourquoi il existe de nombreux fans de Haut-Bailly dans le monde. Non seulement ils font des vins formidables qui mettent tout le monde d'accord, mais ils ont un art de recevoir de très haut niveau. A cela s'ajoute aujoud'hui un chai en tout point exceptionnel. Probablement le plus beau et le mieux pensé que j'ai rencontré dans ma vie. J'ai beau chercher : je ne lui vois aucun défaut.