La Coupe du monde s'est terminée. Le vainqueur est le même qu'en 2019, les polémiques en plus. Le Patop 14 a repris ses droits ce week-end, comme si on était passé à autre chose, comme si on avait sciemment décidé de tourner la page de la déception pour l'équipe de France. Ceci dit, des questions se posent sur l'avenir du rugby mondial. Le problème c'est que ce sont toujours les mêmes et que d'autres s'ajoutent en plus.
L'Afrique du Sud a gagné ; sur sa marge habituelle, 1 point. C'est tellement peu qu'on peut tout invoquer pour le perdant : l'arbitrage et tout ce qui tourne , le manque de réussite (la transformation manquée de Mo'unga), le manque de réalisme, la qualité défensive d'un adversaire qui n'a fait que balancer des chandelles, etc.
Comme pour la France et l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande a manqué de ces divers détails pour gagner mais un seul d'entre eux qui était favorable lui aurait permis de gagner.
C'est qui le meilleur ?
Au final, quelle hiérarchie avons-nous aujourd'hui ? Pour la première fois, le champion du monde a perdu un match lors de la Coupe du monde. Les deux finalistes d'ailleurs et trois des quatre demi-finalistes s'étaient inclinés en poule. L'Afrique du Sud a battu, la Nouvelle-Zélande, qui a battu l'Irlande, qui a battu l'Afrique du Sud, qui a battu la France, qui a battu la Nouvelle-Zélande, tandis que Français et Irlandais se partagent les victoires à domicile dans le tournoi des Six Nations. Par le tirage au sort des poules, effectué de manière inopportunément précoce, on a le sentiment que l'Argentine et l'Angleterre sont des escrocs car elles ne sont pas au niveau des quatre grandes nations en 2023. C'est le rugby. Que dire de l'Ecosse, qui a perdu autant de matchs que la Nouvelle-Zélande, en ayant eu des adversaires plus redoutables que les Anglais (Irlande et Afrique du Sud) ?
Bref c'est un beau bazar.
Le champion du monde n'est pas la meilleure équipe du monde, c'est l'équipe qui a gagné un tournoi nommé Coupe du monde. Cela a toujours été ainsi quand les compétitions se déroulent tous les 4 ans. Mais cette année, qui pourra dire que l'Afrique du Sud est la meilleure nation du monde ? On parle de joueurs de talent. Oui mais que sont-ils chez les Springboks ? Sur le XV de World Rugby, un seul est sud-africain -Etzebeth- et pas le moins polémique !
C'est bien c'est moche, c'est Bok
Alors, on fait la vertu du collectif, du sens du dévouement des joueurs sud-africains, etc. C'est vrai. Mais les voir c'est moche : taper des chandelles, voir ce qui s'y passe dessous et profiter des cadeaux (comme la France) pour marquer. Foncer comme des buffles et pas voler comme des springboks. Être à la limite de tout (au passage, il paraît qu'ils sont vraiment sympas au demeurant). C'était le défi de cette génération victorieuse. Mais on a le droit d'aimer un autre rugby. Surtout quand l'Afrique du Sud ne respecte pas tellement le code anti-dopage mais que ça ne dérange personne ou presque (en même temps ça doit être une habitude. RIP aux gars de 1995). Dans la catégorie poubelle, les Anglais méritent aussi leur récompense.
Etant vieux, j'ai toujours vu les Sudafs jouer comme ça mais le rugby c'était aussi autre chose. Certains remontent à Jonah Lomu l'apparition de ces bulldozers aux ailes, qui a renforcé le bourrinage massif du jeu. On a oublié qu'avant lui (2-3 ans plus tôt) il y avait eu Tuigamala, le camion noir sur les ailes néo-zélandaises. Mais je dirai que ce sont plutôt les Australiens qui nous ont introduit le concept du trois-quarts à 100 kg.
Comment aider les arbitres ?
En France surtout, le débat sur l'arbitrage a pris une autre ampleur. Et les sifflets contre le "pauvre" Ben O'Keefe illustrent la délicatesse du sujet. Arbitre au rugby est un des arbitrages les plus difficiles qui soit car plein de subjectivité : on siffle presque ce qu'on a envie, ce qui paraît le plus évident. Et on n'aide pas les arbitres. Peut-être en faudrait-il deux sur le terrain mais c'est infaisable. Peut-être le bunker doit avoir un rôle bien plus important comme en NRL (le XIII est source d'inspiration). Peut-être faut-il entièrement professionnaliser le corps arbitral.
Siffler O'Keefe a été vu par certains comme la dérive de comportements venant d'autres sports, avec la dangerosité qui suit. Mais on n'a pas attendu le 21 octobre pour s'en prendre aux arbitres de rugby ! C'est aussi la manifestation d'une frustration de mauvais perdant. On peut l'admettre sans problème. C'est aussi la dénonciation d'une politique arbitrale incohérente voire absurde. Comment peut-on l'envoyer Ben O'Keefe arbitrer, une semaine après, un match d'une équipe qu'il a arbitrée (et favorablement d'une manière globale) ? Quelle est la psychologie de World Rugby et de ceux qui désignent les arbitres (il paraît qu'il y a un Français à la tête) ? Psychologiquement, le Néo-zélandais n'était pas dans les meilleures dispositions et son prochain match en France sera bien bien chaud.
La Coupe du monde a révélé les failles du système arbitral, qu'un professionnalisme pourrait résoudre en partie : incohérence des sanctions dans un même match, défaillance du bunker qui ne regarde que quelques actions, choix des arbitres, règles qui paraissent obscures (c'est le rugby quand même...).
Mais n'oublions pas qu'on pardonne moins à un arbitre de se tromper qu'à un joueur rater un deux contre un d'école parce qu'il garde trop le ballon. C'est comme ça.
Rapports de forces.
Tout ça peut finir en complotisme. Personnellement, je considère -donc je suis complotiste- que les Anglo-Saxons ne veulent pas ouvrir le rugby pour ne pas perdre la main à terme. Alors ils font tout pour le fermer sans l'ouvrir vraiment. Et ce n'est pas la réforme des matchs internationaux qui changera la donne. On invite des pays à manger, mais au bout de la table, après que les autres se soient copieusement servis, pas très loin des Français d'ailleurs.
La France, elle, est la puissance économique majeure du rugby. J'avais douté du modèle économique du Patop 14 mais il s'est plutôt consolidé. Dans le même temps, le rugby anglais connaît à nouveau la tempête avec la faillite de 3 clubs emblématiques la saison dernière. De leur part, les stades néo-zélandais sont vides et chez les Blacks, on se pose de plus en plus de questions. L'Australie a de l'argent mais souffre de la NRL et du football australien. Son équipe est au fond du trou comme je ne l'ai jamais vue depuis que je suis le rugby (40 ans).
Cette France doit jouer un rôle plus puissant et plus influent. Même si ce n'est pas vrai, on a le sentiment que les Bleus se font toujours avoir d'une manière ou d'une autre, même si c'est parfois pour cacher d'autres failles comme pour la défaite contre l'Afrique du Sud. On a aussi l'impression que les dirigeants français acceptent un peu trop l'emprise des Anglo-Saxons. Comment accepter la Bidon Cup avec des équipes sud-africaines ? Comment accepter que le pays organisateur ne soit pas tête de série de sa Coupe du monde ? La France aurait pris la place du Pays de Galles (ou de l'Angleterre) dans cette Coupe du monde. La France doit s'appuyer sur d'autres nations pour faire parler la voix contre les Anglo-Saxons : l'Irlande peut-être, l'Ecosse, l'Italie, l'Argentine principalement.
Faut-il réformer le rugby à XV ?
C'est une question que je me pose depuis bien des années. A vrai dire, je regarde régulièrement les matchs du XIII, en Australie, et j'avoue que c'est un spectacle globalement puis passionnant que le XV. D'ailleurs, le XV reprend des règles du XIII parmi les plus intéressantes : le 50-22, le renvoi sous les poteaux. Il faut évidemment conserver l'identité du XV, qui tourne autour des phases statiques mais on peut envisager des changements plus conséquents. La liste que je propose n'est pas exhaustive et est provocatrice :
- Réduire la pénalité à 2 points au lieu de 3, mais garder le drop à 3 points ou appliquer une règle comme en NRL -le drop vaut 1 point mais 2 au-delà des 40 mètres- : le drop vaut 2 points et 3 s'il est au-delà de la ligne des 10 mètres.
- Réduire le nombre de joueurs à 13 puisque les 15 sont de plus en plus épais.
- Revenir sur la règle des changements en cours de match. Compliqué car il y aura des simulations.
- Ne surtout pas aller vers la règle du carton rouge du Super rugby : le joueur est définitivement exclu mais au bout de 20 minutes, un remplaçant peut entrer en jeu à sa place.
- Modifier la règle du hors-jeu ou bien instaurer des systèmes de localisation permettant de les identifier. On a essayé ça pendant la Coupe du monde des - 20 ans.
- Réduire et limiter le temps de mise en jeu des touches et des mêlées, en codifiant évidemment.
- Renforcer les pouvoirs du bunker dans les matchs professionnels, à l'instar de la NRL.
- Accorder la transformation automatique d'un essai alors que le but a été contré par un joueur qui était en position de hors-jeu (visionnage vidéo évidemment). Et accorder une pénalité à l'équipe qui transformait l'essai (règlement anti-Kolbe).
Pendant ce temps-là.
Le Patop 14, nom issu des années de galère du rugby français et de l'insipidité du Top 14 il y a 10-15, a repris ses droits.
Ce qu'on sait déjà c'est que l'USAP ne devrait pas échapper à la descente cette fois-ci. 4 défaites, 0 point en 4 matchs. Certes, il reste 22 journées mais j'ai du mal à croire que les Perpignanais sauveront leur peau, même par un match de barrage.