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Afghanistan : « Il faut continuer le travail », mais...

Publié le 20 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
Mercredi, 20 Août 2008 11:45 Afghanistan : « Il faut continuer le travail », mais...
AFP/SHAH MARAI Nicolas Sarkozy et le président afghan Hamid Karzaï (à gauche) au Palais présidentiel à Kaboul mercredi 20 août.

L'éditorial RELATIO-Europe de Daniel RIOT

Dignité et recueillement: c'est de circonstance, mais pas seulement. Les combattants meurent toujours pour des causes qui le dépassent. Douleur et  émotion: un soldat, même professionnel,  tué au combat, c'est tout un pays qui est blessé. Atteint au plus profond de lui-même  Détermination et exhortations: c'est la seule attitude politique possible pour que les onze vies brisées au combat ne constituent  pas un vain sacrifice. Sarkozy a rempli, à Kaboul, la tâche qu'implique sa  mission. « La meilleure façon d'être fidèles à vos camarades c'est de continuer, c'est de relever la tête, c'est d'agir en professionnels (...) Je tenais à vous dire que le travail que vous faites ici, il est indispensable (...). Pourquoi on est ici ? Parce qu'ici se joue une partie de la liberté du monde. Ici se mène le combat contre le terrorisme. Nous sommes ici non pas contre les Afghans, mais avec les Afghans, pour ne pas les laisser seuls face à la barbarie »,

« Je n'ai pas de doute, il faut être là. »... Oui. Parce que cette guerre contrairement à celle d'Irak  est un engagement approuvé par l'ONU. Parce que le pays des « Cavaliers » est effectivement  une base arrière de l'hyperterrorisme  « fascislamiste ». Parce que l'épée, malgré nos rêves, reste « l'axe  du monde », avec la dimension tragique que cela implique. Parce que notre propre sécurité se joue aussi à Kaboul.

Ce n'est la  légitimité de  cette « guerre sans fin ni buts » ( comme  dit, mal,  Moscovici) qui est à mettre en questions. Mais c'est la façon dont elle est menée. L'émotion partagée du moment ne doit pas masquer cette interrogation qui vaut réflexions  croisées et débats  citoyens. Dans ce type de guerre « nécessaire mais militairement ingagnable », il importe effectivement, pour reprendre une formule de Laurent Joffrin, que « l'intelligence des politiques » soit mise au service du « courage des soldats ». Il n'y a aucune fatalité. Pas même aux pires des engrenages d'un « tragique nécessité »

Or, que voit-on ?

Des leçons non tirées de l'expédition suicidaire et criminelle de l'Armée Rouge en terre afghane. Dix ans d'occupation,  plus de 160 000 hommes mobilisés, des moyens considérables et ...l'échec, l'impuissance.

Des leçons mal tirées de toutes les guerres conduites par des armées classiques contre des forces « nationales » qui sont dans les populations et les paysages « comme des poisons dans l'eau ».

Des leçons complètement négligées de l'internationalisation quasi automatique des rebellions locales.

Et l'absence complète de discernement chez ceux  Bush et les néo-conservateurs américains (et européens) en tête, qui idéologisent la lutte contre l'Hyperterrorisme. Qui oublient que l'une des caractéristiques de « l'Occident », c'est l'intelligence critique et non ce  manichéisme si en mode qui fait parfois, souvent, de « l'Occidental » un « Occidentaliste », un « Croisé » doté d'une partie  des vices de ceux qu'il prétend combattre.

 
Afghanistan : « Il faut continuer le travail », mais...
(Photo AP)

La stratégie et la tactique de Bush en Afghanistan qu'appuient concrètement l'OTAN (et l'Union européenne)  ont trois grandes faiblesses

1)   Le refus du dialogue avec des talibans qui sont assimilés à Al Qaïda sans discernement, alors que ces talibans ont été non fabriqués mais en partie portés par les services américains qui sont aujourd'hui bien ingrats envers les pachtounes, avant-hier dorlotés. Les Pachtounes représentent un bon 40% de la population afghane, riche d'une multitude d'ethnies qu'il faut apprendre à connaïtre sans préjugé. 

2)   La confiance faite en des dirigeants locaux peu dignes  des défis à relever : toutes les provinces afghanes semblent « basculer » parce que le pouvoir central de Kaboul est corrompu, peu porteur  de confiance et médiocredans ses inspirations comme dans ses pratiques.

3)   L'art de s'appuyer sur des alliés non fiables. Les maux actuels des montages et des vallées afghanes ont une partie de leurs origines dans le Pakistan voisin sans que l'on puisse dire si la démission du général Pervez Musharraf va changer le cours des choses.

Globalement, l'administration Bush, mal servie par des services secrets peu à la hauteur  de leur réputation hollywoodienne, a manqué de doigté dans le choix de ses « serviteurs ». Sans doute parce qu'elle est plus portée  vers « l'embauche » de servants serviles que d'alliés inconfortables mais fiables. La diplomatie américaine saura-t-elle rompre avec ce déficit de « management » après les élections présidentielles ? Pas sûr... La fragilité de « L'Empire » vient pourtant en grande partie de là. Pas seulement en Afghanistan.

Oui, évidemment, « il faut continuer le travail », en Afghanistan et partout où se jouent la sécurité du monde et la dignité humaine. Mais il importe que les pays qui risquent des vies dans ces « guerres sans ligne de front »  doivent aussi peser davantage sur les choix stratégiques, tactiques et politique au nom desquels des soldats assument les risques d'un métier qui est plus  qu'une profession...

Daniel RIOT

RELIRE SUR RELATIO: Mourir pour Kaboul?

REPERES

Les principales attaques contre l'Otan depuis 2006

2006
- 13 février: Quatre soldats américains sont tués dans une attaque dans la province d'Uruzgan (sud).
- 22 avril: Quatre soldats canadiens tués par une bombe artisanale au cours d'une patrouille dans la province de Kandahar (sud).
- 1er août: Trois soldats britanniques sont tués dans une embuscade dans la province d'Helmand (sud), une des plus touchées par les violences des talibans.
- 3 août: Trois soldats canadiens de la force de l'Otan tués dans la province de Kandahar.
- 18 septembre: Quatre soldats canadiens tués au sud-ouest de Kandahar.

2007
- 8 avril: Six soldats canadiens sont tués dans le sud, lorsqu'une bombe explose près de leur véhicule.
- 19 mai: Trois soldats allemands et six civils afghans sont tués dans une attaque sur un marché de Kunduz (nord), région relativement épargnée par les violences.
- 31 mai: Un hélicoptère de transport Chinook s'écrase dans la province d'Helmand avec à son bord cinq soldats américains de la coalition, un canadien et un britannique. La Force de l'Otan (Isaf) estime que l'appareil a pu être abattu par un tir ennemi. Les talibans affirment avoir abattu l'appareil, mais sans dire avec quel type d'armes.
- 4 juillet: Six soldats canadiens et leur interprète afghan sont victimes de l'explosion d'un engin piégé au passage de leur véhicule blindé dans le sud.
- 23 juillet: Six soldats de l'Otan tués, dont quatre dans l'est du pays par l'explosion d'un engin artisanal au passage de leur véhicule. Les deux autres, parmi lesquels un Norvégien, sont tués dans deux incidents séparés dans l'est et le sud.
- 27 juillet: Trois soldats de l'Otan sont tués, dont un britannique, lors d'une attaque à la roquette alors que son régiment participait à des opérations dans le sud.
- 10 novembre: Six soldats de l'Otan et deux militaires de l'armée afghane sont tués dans une embuscade des talibans au nord-est du pays.

2008
- 17 mars: Une attaque-suicide de talibans dans la province d'Helmand tue deux soldats danois et un tchèque.
- 8 juin: Trois soldats britanniques sont tués lors d'une attaque suicide portant à 100 le nombre de militaires britanniques tués en Afghanistan depuis 2001.
- 18-19 juin: Quatre soldats britanniques sont tués dans la province d'Helmand.
- 13 juillet: Neuf soldats américains sont tués lors de violents affrontements dans la province de Kunar (est).
- 18 août: Dix soldats français sont tués et 21 blessés lundi dans une embuscade des talibans, à une cinquantaine de km de Kaboul.

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