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Le Matin

Par Vertuchou

Le matin
T’est donné,

Ne le prend pas
Comme un dû.

   *

La terre ne tournerait plus,
Le soleil ne tournerait plus.

Ce serait donc
Pour toujours le matin ?

   *

Ne vous trompez pas,
Dit le matin,

Le cosmos existe
Et vous en êtes.

   *

Au matin
La terre

Devient plus autonome
Dans l’univers.

   *

Le matin
Ne paraît pas devoir

Déboucher
Sur midi.

Il promet
Autre chose.

   *

L’horizon est heureux
De ce nouveau matin,

Le matin est heureux
De toucher l’horizon.

   *
Est-ce que le matin
A cisaillé la nuit ?

Ou bien l’a dissoute
Comme fait un liquide ?

   *

La mer, la terre
Vont devoir

A partir du matin
Servir de miroir

Au soleil.

   *

La terre
Voudrait savoir

Eviter de frissonner ainsi
Dans le matin.

   *

Il y a
Ce qui sépare.

Le matin
Tend à approcher.

   *

Le matin
Aurait pu

Eclater
Comme une torpille.

   *

Le matin
N’est pas une roue.

Il ne tourne pas
Sur lui-même

Pour avancer.

   *

Le matin
Est explorateur.

Il ne couvre
Que pour découvrir.

   *

Le matin
Ne fissure pas.

Ce qu’il veut
C’est englober.

   *

Le matin
Pousse la lumière

A s’étonner
De ce monde.

   *

Le matin
Aime annoncer

Une belle journée

   *

Le matin
Ne déçoit

Que ceux
Qui n’aiment pas la nuit.

   *

Le matin,
La lumière

Croit toucher ma main
Pour la première fois.

   *

On en voit le matin
Qui ne saluent pas

Cette irruption de bleu.

   *

Le matin
Il y a un silence

Coloré
Par les lointains.

   *

Le matin
On peut croire

Que le soleil
Prêche son utopie.

   *

Le matin
Ne clame pas

Qu’il veut nettoyer
Le monde.

   *

Le matin
N’est pas toujours sur de lui.

Il recule parfois
Devant sa tâche.

   *

Le matin
Dit qu’il essaiera.

Tout
Ne sera pas tenu.

La fatigue
N’est pas de mise.

Je m’accrocherai
Rumine le matin.

e m’accrocherai
Tant que je pourrai.

   *

Le matin
Pourtant s’installe

Comme s’il devait
Ne pas finir de durer.

   *

Ce matin
Que le soleil

Avait envie
De flageller.

   *

Ce matin
Etait pourchassé,

Il s’est caché
Dans la pluie.

   *

Pour voyager
Pas besoin de bouger.

Regarder près et loin
Dans le matin.

   *

Le matin
Connaît sa grammaire,

Respecte à peu près
La syntaxe.

   *

Le matin est un peu
Comme le feu dans la cheminée

Quand il s’attaque
Au menu bois.

   *

On peut rêver
De matin plus impétueux.

Pourvu qu’il n’y ait pas
De gesticulation.

   *

Celui-ci ne sera
Qu’un matin

Dans le probable infini
Des matins.

   *

La roche
A le pouvoir

D’ignorer qu’au-dehors
Vient le matin.

   *

Que pas un arbre
Ne s’envole.

Le matin
A besoin de tout.

   *

La pomme
Toujours étonnée

D’être la même et pas la même
Dans le matin.

   *

Le matin convient
Aux mollets nus

Des garçons et des filles.

   *

Dans les villes, dans les champs
Les oiseaux

Disent au matin
Ce qu’il fait pour eux.

   *

Chaque matin
Est pour l’oiseau

L’anniversaire
De sa naissance.

   *    

Est-ce que la sève
Monte plus fort

Quand le matin
Se proclame ?

   *

Les racines
Sont informées

Du travail
Que fait le matin ?

   *

Au matin
Les branches

Cherchent à se tendre plus
Vers l’horizon.

   *

Pendant la nuit
Chaque feuille était seule.

Au matin,
Elle se retrouve en compagnie.

   *

Le matin
Toute la musique
Des buissons muets.

   *

Le matin
Les fougères

Se regardent
Se saluent.

   *

Jour après jour,
La cime des sapins

Est plus désireuse
De se trouver

Dans le matin.

   *

Le matin
Se plaît plus

Au duvet
Qu’aux rémiges.

   *

Le matin
N’est pas sans tendresse

Pour la rose
En train de passer.

   *

Le matin
Ne s’occupe guère de l’étang.

Il le laisse encore
A sa nuit.

   *

Le matin
L’eau qui court ou qui dort

Retrouve son pouvoir
De s’ouvrir à elle-même.

   *

Le matin
Voit les rivières

Couler contentes
De leur présent.

   *

La ville
A besoin du matin

Pour croire
Qu’elle peut exister.

   *

Ce n’est pas
Le matin qui dira

Il y a trop d’oiseaux
Dans les villes.

   *

Le coq du clocher
Retrouve au matin

Son don et son devoir
De vigilance.

   *

« On s’en tirera »,
Déclare au matin

Le cochon de lait.

   *

Dans la cuisine
L’accord conclu

Entre le bassin de cuivre
Et le matin.

   *

On voit que le matin
Ne regrette pas

D’être venu.

   *

Un matin
Qui n’en a pas l’air,

Mais qui a vécu
L’histoire de la terre.

   *

Chaque matin
Comme il signifiait :

Attention ! peut-être
Que je suis le dernier

   *

Quand le matin
Se regarde et se voit

Il arrive
A son embouchure

   *

Le matin
Est aussi un fleuve

Qui enfle et va crever
Dans la verticale de midi ;

   *

Le matin
Se sculpte lui-même,

Pas besoin
De modèle.

   *

On ne peut pas parler
Du passage du matin.

 
A quel moment
N’est-il plus là ?

   *

Certains matins
Rien ne bouge.

Même le temps
Ne se cherche pas.

   *

Du matin
Sur l’hôpital,

Aussi
Sur l’hôpital.

   *

Il a échappé
A la nuit.

 
Ne lui fait pas,
Toi, matin,

Plus de mal.

1982

Eugène Guillevic

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