Apparue vers 2015, notamment dans les visions futuristes du cabinet Gartner, alors que la nouveauté du smartphone s'estompait et que les aventures de Google avec ses lunettes connectées commençaient à montrer des signes de désintérêt, la notion d'informatique ambiante trouve peut-être aujourd'hui sa première incarnation pratique.
Si on retient la définition, élémentaire, d'une technologie qui introduit de l'intelligence dans la vie quotidienne sans s'interposer entre l'utilisateur et son environnement, alors l'« ai pin » de Humane, dont les pré-commandes seront ouvertes aux États-Unis à partir de ce jeudi 16 novembre et qui se porte en principe discrètement au revers de la veste, accompagné de ses écouteurs reliés via Bluetooth, mérite effectivement la qualification d'informatique ambiante. S'il est impossible de prédire son succès, il préfigure une catégorie d'appareil entièrement nouvelle qui vaut d'y prêter attention.
Le petit gadget comprend principalement une caméra et un micro, qui lui permettent de capter son contexte tel que le perçoit son utilisateur, et une zone tactile autorisant quelques interactions minimales. Outre les échanges en langage naturel, un projecteur laser propose une troisième interface combinant affichage de textes sur la paume de la main et interprétations de gestes de navigation avec les doigts. Il est par ailleurs autonome en termes de communication, via le réseau cellulaire de T-Mobile.
Les usages à ce stade sont un échantillon de ce qu'offre un téléphone moderne, entre recherche en ligne et gestion des appels et autres messages (avec des mécanismes de priorité), en passant par des conseils nutritionnels (basés sur la reconnaissance des aliments présentés), la diffusion de musique (via le service de Tidal) ou encore une option de traduction en temps réel réellement non intrusive. L'ensemble des applications s'appuient sur l'IA embarquée et le système nerveux central (infonuagique) qui agrège les sources externes (y compris personnelles, telles que les photos).
Avec un prix de 700 dollars, auquel s'ajoute un abonnement mensuel de 24 dollars, l'« ai pin » n'est évidemment pas à la portée de toutes les bourses mais reste suffisamment abordable pour devenir rapidement populaire, surtout avec les méthodes de marketing employées par ses concepteurs, dont beaucoup sont issus de l'école Apple. De là à y voir le successeur du smartphone, le pas est cependant énorme et il n'y a guère d'urgence pour les entreprises à se précipiter dans l'exploration de ses possibilités.
En dehors de l'effet de pionnier auquel certaines succomberont, comme toujours, les institutions financières le plus téméraires pourraient néanmoins profiter de la sortie de cet étrange objet pour réfléchir aux opportunités de l'informatique ambiante et de ses capacités d'interaction instantanée et intégralement contexualisée… puis, pourquoi pas, lancer une ou deux expérimentations concrètes de découverte et d'apprentissage.
Dans le domaine de la gestion de finances personnelles, je suggèrerais par exemple, dans une sorte de réponse à la fonction de pré-consultation de solde récemment intégrée dans Apple Pay, une solution capable d'analyser les étiquettes de prix lors d'une expédition de shopping (magasinage), qui déclencherait, selon des critères à ajuster et à configurer par le porteur, soit des alertes ou des recommandations par rapport à l'état de ses comptes bancaires, soit des propositions de financement.
Humane donne aujourd'hui une réalité à un modèle d'interface assez radicalement différent de ce que nous connaissons jusqu'à maintenant, possédant le potentiel d'une révolution de la même ampleur que celle qu'a provoquée l'iPhone en 2007 et plus fulgurante, au vu de l'accélération permanente des transformations dans notre monde. En conséquence, tous les décideurs, jusqu'aux plus timorés, devraient appréhender cette hypothèse et se tenir prêt à sa matérialisation, aussi improbable la jugent-ils.