Comment l’équipe commerciale d’Intel va-t-elle s’adapter ? Beaucoup de choses dépendent de ce changement apparemment mineur dans la comptabilité
Intel a publié de solides résultats le mois dernier. Nous n’avons pas besoin de les ressasser ici ; ils souhaitent plutôt se concentrer sur un aspect particulier de leurs chiffres : leurs prévisions de marge brute à long terme. Au cours du dernier trimestre, ils ont déclaré une marge brute de 42,5 %, mais ils ont réitéré leur objectif d’atteindre un jour des marges brutes de l’ordre de 60 %.
Il y a six mois, la plupart des gens, y compris nous, considéraient cet objectif comme étant pour le moins fantaisiste. Mais maintenant, nous devons tous au moins considérer la possibilité, aussi mince soit-elle, qu’ils puissent réellement y parvenir. En particulier, il est crucial de comprendre comment Intel se restructure en interne en vue du lancement d’Intel Foundry Services (IFS) en tant que fonderie tierce pour les concepteurs de semi-conducteurs.
Note de l’éditeur:
L’auteur invité Jonathan Goldberg est le fondateur de D2D Advisory, un cabinet de conseil multifonctionnel. Jonathan a développé des stratégies de croissance et des alliances pour des entreprises des secteurs de la téléphonie mobile, des réseaux, des jeux et des logiciels.
Plus tôt cette année, Intel a annoncé des changements dans ses méthodes comptables internes. Dans le cadre du nouveau système, la division produits et les opérations de fabrication d’Intel auront chacune leur compte de résultat distinct et interagiront les unes avec les autres de manière indépendante. Auparavant, les deux divisions mélangeaient leurs coûts, les coûts opérationnels étant cachés dans les marges des produits.
Même si cela peut sembler un ajustement comptable trivial – après tout, l’entreprise publiera toujours des marges brutes consolidées, qui restent inchangées – ce changement subtil aura un impact significatif sur les incitations internes. Notre thèse principale sur Intel est que leur défi le plus important réside dans le changement de leur culture interne, ce qui rend ce « petit » changement potentiellement très impactant.
Notre thèse principale sur Intel est que leur défi le plus important réside dans le changement de leur culture interne, ce qui rend ce « petit » changement potentiellement très impactant.
Après le rapport sur les résultats, nous avons eu l’occasion de discuter avec la direction de ses résultats et d’examiner comment elle envisage d’atteindre son objectif à long terme. L’un des principaux points à retenir de cette conversation a été l’affirmation de la direction selon laquelle elle met en œuvre de nombreuses mesures internes « simples » pour améliorer les marges brutes.
Certaines mesures sont simples, comme comparer les coûts d’exploitation des usines de fabrication à ceux de leurs pairs du secteur. D’autres semblent plus simples qu’ils ne le sont – comme facturer le côté produit pour les commandes urgentes ou les « lots chauds ». Une question évidente se pose : si ce sont tous des « fruits à portée de main », pourquoi n’ont-ils pas déjà été mis en œuvre ? La réponse est que ces changements ne sont pas aussi faciles qu’il y paraît.
Imaginez que vous êtes un vendeur Intel responsable d’un client hyperscaler – un fournisseur majeur de cloud computing, de réseau ou de stockage de données – dont les centres de données sont de gros consommateurs de puces Intel. Le client est sur le point de prendre une décision importante d’achat entre des processeurs Intel et AMD pour une commande potentielle d’un milliard de dollars. Si vous gagnez, vous obtenez la Cadillac et un bonus géant. AMD a lancé une nouvelle puce plus tôt dans l’année, mais le produit Intel vient tout juste de sortir.
Le client souhaite tester les deux options dans un système de 1 000 CPU sous des charges de travail réelles. Votre produit est rare, mais l’utilisation de la génération précédente de processeurs Intel donnerait probablement la victoire à AMD. Vous demandez donc une commande urgente de 1 000 pièces à l’équipe opérationnelle.
Les opérateurs sont réticents à le faire car le produit est nouveau, les rendements sont faibles, ils devront donc produire le double de la quantité de wafers pour obtenir 1 000 bonnes puces. De plus, le client souhaite un SKU ou une version spécifique de la puce, mais l’équipe opérationnelle est déjà prête à produire un SKU différent. Pour obtenir ces 1 000 pièces, il leur faudra arrêter l’usine pendant quelques heures pour se rééquiper, produire vos puces, puis l’arrêter à nouveau pour se rééquiper selon le plan initial.
Alors que la construction d’une usine coûte 30 milliards de dollars, une demi-journée d’arrêt coûte probablement environ 10 millions de dollars en dépréciation. Sous l’ancien modèle, vous ne vous en souciiez pas, car vous savez que vous pouvez remporter cette commande d’un milliard de dollars, et tous ces frais deviendront une erreur d’arrondi pour la vente.
Dans le cadre du nouveau modèle, vous devez désormais supporter tout le poids de ces frais. Disons que cette commande a lieu vers la fin de l’année, vous devrez donc prendre en charge les chiffres de cette année et ne recevrez le bon de commande que l’année suivante. Avec votre P&L dans cette forme, vous n’obtiendrez pas les couteaux à steak, vous serez probablement licencié et quelqu’un d’autre bénéficiera de ce bon de commande l’année prochaine. Mais si vous ne passez pas la commande urgente, vous perdrez probablement complètement la transaction. Que feriez-vous dans cette situation?
Bien sûr, il s’agit d’un scénario très simplifié, mais il illustre bien le profond changement culturel sur le point de se produire au sein d’Intel. Les pratiques antérieures d’Intel, intégrées à son modèle commercial et à ses stratégies de vente, lui conféraient un avantage significatif sur ses concurrents. Sans cet outil – ou peut-être cette béquille – l’équipe commerciale devra s’appuyer beaucoup plus sur la seule performance du produit.
Ce changement est susceptible d’avoir un impact complexe sur leur part de marché et leurs perspectives de revenus. Comme le démontre notre situation hypothétique, beaucoup dépendra de la prise de décision individuelle, de la dynamique de groupe et de la culture de gestion. Le patron du commercial adoptera-t-il une perspective à long terme ? L’équipe des opérations maintiendra-t-elle un certain niveau de flexibilité ? Comment la haute direction gérera-t-elle les litiges ? Et la direction consentira-t-elle à une exception ponctuelle, qui deviendra alors la norme, annulant de fait l’objectif du changement ?
La comptabilité peut être ennuyeuse, mais elle conduit parfois à des développements très intéressants.
Crédit en-tête : Vintage Computing