À trois semaines de la bascule en 2024, les traditionnels bilans de fin d'année fleurissent un peu partout sur la toile. Les amateurs de musique dévoilent leurs albums préférés, les passionnés de cinéma les films qui les ont le plus marqués, les analystes en herbe de la vie politique les petites phrases qu'ils n'oublieront pas. Et puis, il y a bien sûr observateurs attentifs de l'actualité sportive qui auront passé l'année à décrypter d'un œil toujours aussi avisé et critique les performances des athlètes. Pour les amoureux inconditionnels de la petite balle jaune vient le temps du constat et, justement, puisque ce site est avant tout consacré à l'actualité du tennis féminin, l'heure de décerner les récompenses est arrivé. Plutôt que de distribuer des bons points, faire des classements ou aligner machinalement des lignes de statistiques sans intérêt, Jeu décisif a tenté une autre approche en désignant vingt joueuses, sans ordre particulier, dont la plus grande réussite cette année fut d'effectuer une percé spectaculaire sur le circuit WTA. Vous allez voir qu'on retrouve plusieurs visages très connus. C'est parti !Cette sélection ne pouvait pas commencer sans Elina Svitolina. Absente des courts pendant un an, l'ukrainienne, mariée et mère de famille, a fait un retour tonitruant en avril dernier et les résultats ne se sont pas faits attendre. N'hésitant pas à passer par la case des tournois ITF alors qu'elle était redescendue au-delà de la 1300e place, Svitolina a commencé à retrouver de bonnes sensations sur la terre battue française en atteignant le dernier carré de l'Open de Saint-Malo (WTA 125) un mois après son retour. Elle allait ensuite remporter les Internationaux de Strasbourg (WTA 250) avant de s'embarquer dans une folle épopée à Roland-Garros pour y jouer son premier tournoi du Grand Chelem depuis l'Open d'Australie 2022. Là-bas, malgré un public parfois hostile à son encontre en raison de son refus de serrer la main des joueuses russes et biélorusses, elle gagne quatre matches avant de chuter en quarts de finales contre Aryna Sabalenka. C'est au 76e rang mondial qu'elle aborde Wimbledon où elle va une nouvelle fois réaliser un parcours magnifique jusqu'en demi-finales, battue par la future lauréate Marketa Vondrousova. Auparavant, elle avait sorti du tournoi Venus Williams, Victoria Azarenka et la numéro une mondiale Iga Swiatek. Revenue dans le top 30, on allait ensuite la revoir à Washington (WTA 500) où elle atteignait les quarts de finales puis, à l'US Open où elle passait deux tours avant de subir la loi de Jessica Pegula. Quel retour pour l'ex-numéro trois mondiale !2023 fut l'année du renouveau pour Sorana Cirstea. Aujourd'hui trentenaire, la native de Bucarest a fait preuve d'une patience à toute épreuve, c'est le moins qu'on puisse dire, puisqu'elle aura attendu dix ans pour retrouver son meilleur niveau. 22e mondiale en 2013, redescendue sous la 200e place deux ans plus tard avant d'entamer une remontée lente et chaotique (elle avait fini 2020 à la 86e place), la roumaine a connu cette année une surprenante embellie que personne n'aurait pu prévoir. Au début du printemps, elle a crée la surprise à Indian Wells en atteignant les quarts de finales après des victoires sur Madison Keys et Caroline Garcia. Elle arrive ensuite à Miami avec une confiance retrouvée qui lui permet de soulever des montagnes, enchaînant ainsi une série de victoires monumentales contre Garcia (encore), Karolina Muchova, Marketa Vondrousova et Aryna Sabalenka (quel tableau de chasse !), avant que Petra Kvitova ne décide de siffler la fin de la récréation en demi-finales. Sa moisson victorieuse va ensuite se poursuivre en Espagne, au tournoi de Reus (WTA 125) qu'elle remporte aux dépens de l'américaine Elizabeth Mandlik. Moins performante en été (le besoin de souffler, sans doute), elle sort de nouveau le grand jeu à l'US Open en éliminant Elena Rybakina et Belinda Bencic avant d'être écartée par Karolina Muchova en quarts de finales. Voilà une saison qui justifie pleinement son retour dans le top 30.C'est un sacré chemin parcouru par Anhelina Kalinina. Prometteuse chez les Juniors (elle fut 8e dans cette catégorie d'âge), l'ukrainienne a connu bien des tracas (d'ordre physique surtout) avant de trouver sa voie. Seulement 52e à la WTA fin 2022, elle a connu deux déclics importants cette année. Le premier s'est produit en tout début de saison à l'Open d'Australie lorsqu'elle a atteint le troisième tour, une grande première pour elle dans un tournoi du Grand Chelem, après une superbe victoire contre Petra Kvitova. Le second eu lieu au printemps, au tournoi de Rome (WTA 1000) où elle réalisait un parcours flamboyant jusqu'en finale en battant au préalable Madison Keys, Beatriz Haddad Maia et Veronika Kudermetova. cette remarquable performance lui permet ainsi d'entrer dans le top 30 pour la première fois de sa carrière, à vingt-six ans. Anastasia Potapova a beau être l'une des joueuses les plus antipathiques du circuit, on peut tout de même louer la persévérance dont elle a fait preuve cette année pour grimper au classement. Une année qui n'avait pourtant pas très bien débutée pour elle avec une saison australe calamiteuse durant laquelle elle ne pointait qu'à une modeste 44e place. De retour en Europe, elle semble désireuse de passer à autre chose et, pour se faire, elle va réagir de la plus belle des façons en gagnant le tournoi de Linz (WTA 250) où elle bat notamment Marketa Vondrousova en demi-finales avant de se défaire très facilement de Petra Martic en finale. On va ensuite la retrouver à Miami (WTA 1000) où elle va produire du très bon jeu jusqu'en quarts de finales après des succès d'envergure sur Coco Gauff et Qinwen Zheng, excusez du peu. Ce n'est pas tout. Deux semaines plus tard à Stuttgart (WTA 500), elle bat de nouveau Gauff, qu'elle atomise en deux sets, puis renverse Caroline Garcia avant de céder en demi-finales face à Aryna Sabalenka. On la reverra plus tard dans la saison, sur le gazon de Birmingham (WTA 250) où elle échoue à se qualifier pour la finale en tombant contre Jelena Ostapenko. Potapova a fini la saison à la 28e place.
À bientôt vingt-huit ans, qu'elle fêtera le 4 janvier prochain, Jasmine Paolini goûte enfin à la victoire. La percée de l'italienne s'effectue dans une période de renouveau du tennis transalpin féminin après le vide laissé par les retraites de Francesca Schiavone, Flavia Pennetta et Roberta Vinci. Paolini est passée par une période de turbulence cette année. Après les vaches maigres en hiver, alors qu'elle pointait au-delà du 70e rang, elle a soudainement embelli au printemps en gagnant un WTA 125 sur son sol à Florence. On la retrouvait même quelques jours plus tard en finale du tournoi de Makarska (WTA 125) où elle s'inclinait avec les honneurs contre l'égyptienne Mayar Sherif. Après une saison sur herbe décevante, elle s'est mise à rebondir en atteignant en juillet la finale de l'Open de Palerme (WTA 250, défaite contre Qinwen Zheng). Puis, elle a touché un nouveau pic de forme à Cincinnati (WTA 1000) en battant notamment Elena Rybakina avant de tomber en quarts de finales contre Coco Gauff, alors qu'elle était issue des qualifications. Sa fin de saison fut ensuite remarquable : demi-finale à Zhengzhou (WTA 500), finale à Monastir (WTA 250) et finale de la Billie Jean King Cup. Pas étonnant qu'elle soit revenue dans le top 30.
Quelle drôle de saison pour Lesia Tsurenko. 23e mondiale en 2019, l'ukrainienne de trente-quatre ans retrouve quasiment son meilleur niveau quatre ans plus tard en finissant l'année aux portes du top 30. Comment cela-a-t-il été rendu possible ? Tsurenko aura surtout vécu des émotions dans deux tournois du Grand Chelem. À Roland-Garros, d'abord, où on la vit se hisser jusqu'en huitièmes de finales après des succès sur Barbora Krejcikova et Bianca Andreescu puis, à Wimbledon où elle récidiva avant que Jessica Pegula ne la stoppe. Auparavant, elle avait plutôt bien lancé sa saison en arrivant en finale à Hua Hin (WTA 250) où elle devait abdiquer contre la chinoise Zhu Lin. Avant ce tournoi, elle ne figurait alors qu'à une modeste 136e place. Les points engrangés ensuite à Roland-Garros et à Wimbledon lui ont ainsi permis de revenir dans un premier temps dans le top 50. Elle e terminé la saison sur une note positive avec deux résultats convaincants à Zhengzhou (quarts de finales) et Monastir (demi-finales). Joueuse résiliente par excellence, appréciée par ses paires et le cœur sur la main, Tsurenko n'a sans doute pas fini de nous étonner.
La percée d'Emma Navarro en 2023 n'est pas banale. Elle s'explique par une impressionnante série de victoires, non pas sur le circuit WTA mais, sur le circuit ITF. D'ailleurs, c'est par un succès en division inférieure, à Naples, en Floride, dans un tournoi de 60000 dollars de dotation, que l'américaine de vingt-deux ans a commencé sa moisson, en janvier dernier. Trois mois plus tard, elle triompha de nouveau sur ce circuit à Charleston (100000$), puis à Charlottesville (100000$), se retrouvant ainsi proche d'intégrer le top 100 alors qu'elle avait commencé l'année à la 149e place. Entre temps, ses résultats sur le circuit WTA étaient moyens. Très vite éclipsée à Indian Wells et Miami, elle allait enfin surgir aux Internationaux de Strasbourg en atteignant les quarts de finales. Toute proche du top 60, elle montrait ensuite de belles qualités sur herbe à Bad Hombourg (WTA 250) où elle échouait à se qualifier pour sa première finale WTA après un revers contre Katerina Siniakova. Après une tournée américaine catastrophique à Cincinnati et à Cleveland, elle se rebellait à San Diego (WTA 500) en sortant des qualifications pour y atteindre le dernier carré, tandis qu'elle savourait une victoire retentissante contre Maria Sakkari en quarts. Alors qu'elle enfonçait les portes du top 50, le circuit ITF allait une nouvelle fois se révéler bénéfique. Elle fut victorieuse à Tyler (80000$), au Texas, le 29 octobre puis, à Charleston, de nouveau, le 12 novembre. Cet ultime fait d'armes la plaçait au 32e rang, soit le meilleur classement de sa jeune carrière.
On aurait pu croire Sofia Kenin perdue à tout jamais pour le tennis après la descente aux enfers qu'elle a connu à partir de 2021, suite à une année 2020 inoubliable au cours de laquelle elle avait remporté son premier titre du Grand Chelem à l'Open d'Australie, suivi d'une finale à Roland-Garros. Redescendue à une 280e place indigne de son talent, l'américaine a enfin retrouvé la lumière cette année, malgré les blessures à répétition. C'était pourtant loin d'être gagné. Le bout du tunnel a été aperçu pour la première fois en janvier quand elle atteignait les demi-finales à Hobart (WTA 250). Hélas, tandis qu'elle aborde l'Open d'Australie au 203e rang mondial, elle hérite d'un tirage calamiteux et se fait sortir au premier tour par Victoria Azarenka. Pas plus chanceuse au printemps, même si elle parvient tout de même à passer deux tours à Miami, elle se remobilise et enregistre un succès de tout premier plan au deuxième tour du tournoi de Rome en battant Aryna Sabalenka en deux sets. Même si les jours suivants sont difficiles pour elle, avec un échec cuisant en qualifications à Roland-Garros contre la française Margaux Rouvroy, elle remet les gaz à Wimbledon en parvenant à se qualifier pour le tableau principal, bat Coco Gauff au premier tour et se hisse jusqu'au troisième où une impériale Elina Svitolina la fait chuter. Retour dans le top 100 assuré pour l'américaine. Sa grande période intervient à la fin de l'été. Elle est brillante à San Diego où elle n'est battue que par Barbora Krejcikova en finale. Puis, elle effectue un beau parcours à Guadalajara, en éliminant Kalinina, Ostapenko, Leylah Fernandez, avant que sa surprenante compatriote Caroline Dolehide ne l'éteigne en demi-finales. Qu'à cela ne tienne, Sofia Kenin est bel et bien sur le point de réintégrer le top 30 en cette fin d'année.
En mai dernier, Xinyu Wang quittait Roland-Garros le regard perdu dans le vide, humiliée au troisième tour 6-0 6-0 par Iga Swiatek. Un coup dur à encaisser pour la jeune chinoise de vingt-deux ans qui avait pourtant bien commencé la saison en atteignant les quarts de finales à Hobart, les demi-finales à Hua Hin et le troisième tour à Indian Wells avec, au passage, des succès sur Elise Mertens et Ekaterina Alexandrova. Le temps de digérer l'affront, elle est revenue dans la mêlée au printemps, d'abord sur le circuit ITF, en s'imposant à Landisville (100000$) puis, sur le circuit principal où elle allait parvenir en quarts de finales à Cleveland (WTA 250) après être passée par les qualifications. La native de Shenzhen arrivait ensuite à New-York sans grandes ambitions et pourtant, elle passait trois tours à l'US Open, soit sa plus grande performance en Grand Chelem à ce jour. Ce formidable exercice de résilience, qui demande des efforts surhumains après une telle déconvenue Porte d'Auteuil, lui a ainsi permis de terminer l'année à une très belle 36e place alors qu'elle était à un moment donné redescendue vers le 90e rang.
Caroline Dolehide a suivi une voie peu orthodoxe pour passer cette année du 150e au 44e rang mondial. Peu performante, à quelques rares exceptions, dans les tournois WTA, elle a tracé patiemment sa route sur le circuit secondaire tout au long de la saison. Quarts de finaliste à Orlando (60000$) et Landisville (100000$), lauréate à Boca Raton (25000$) et à Naples (60000$), finaliste à Lexington (60000$), demi-finaliste à Charleston (100000$), Charlottesville (60000$) et Bonita Springs (100000$), c'est dans ces petits tournois qu'elle a grappillé des points qui lui ont permis de gravir un à un les échelons. Ainsi, après l'US Open, elle était déjà remontée au 106e rang. Si les Grands Chelems n'ont pas été sa tasse de thé cette année, elle a su se frayer parfois un chemin dans quelques tournois WTA. Ce fut par exemple le cas à Monterrey (WTA 250) où elle parvenait en quarts de finales. Cependant, son grand chef-d'œuvre est accompli en septembre à Guadalajara où elle sort notamment Martina Trevisan et Sofia Kenin pour se qualifier pour la première finale WTA de sa carrière. Même si l'obstacle constitué par Maria Sakkari est trop dur à franchir, elle fait un bond prodigieux au classement pour atterrir dans le top 50. Comme quoi, les choses peuvent évoluer très vite quand on s'en donne la peine.
Peyton Stearns fait partie des nombreuses américaines à s'être mises en évidence cette année. Seulement 209e à l'entame de la saison, elle a suivi cette année une trajectoire presque similaire, à peu de choses près, à celle de sa compatriote Caroline Dolehide. Absente de l'Open d'Australie, elle a préféré commencer 2023 sur le circuit ITF. Un choix qui s'est avéré judicieux puisqu'elle a gagné deux tournois consécutivement à Orlando (25000$) et à Rome (Floride, 60000$). La suite de sa saison fut marquée par quelques événements importants. Cela débuta par une finale à Bogota (WTA 250) perdue contre Tatjana Maria, suivie d'un quart de finales à Rabat (W250) où elle sortait notamment Leylah Fernandez. Mais, il arriva ensuite une chose encore plus importante. Classée 69e au printemps, elle entra directement dans le grand tableau à Roland-Garros et passa deux tours en battant Katerina Siniakova et Jelena Ostapenko. C'est sans doute de là que provient le vrai déclic car, en été, elle récidive à l'US Open en atteignant cette fois-ci les huitièmes de finales où son élan se brise sur Marketa Vondrousova à qui elle prend tout de même un set. C'est ce résultat qui lui a permis d'intégrer le top 50 pour la première fois de sa carrière.
Ce fut une année pleine pour Arantxa Rus. Dans la forme de sa vie, la néerlandaise de trente-deux ans a enfin concrétisé un vieux rêve, gagner son premier tournoi WTA. L'événement a eu lieu le 29 juillet dernier à Hambourg (WTA 250) sur terre battue. Avant cela, Rus n'était pas restée discrète. Performante sur le circuit ITF, elle s'était d'abord imposée en Colombie, à Anapoima (40000$), puis à La Bisbal d'Emporda (WTA 125), en Espagne, ensuite chez elle à La Hague (40000$) et dans la foulée à Contrexeville (WTA 125). Hambourg fut donc le dessert, après un hors-d'œuvre copieux qui lui a permis de faire la chasse aux points. Les conséquences ne se sont pas faites attendre puisque Rus a bondi à la 42e place après sa victoire en Allemagne alors qu'elle avait fini 2022 au 115e rang.
Une véritable dinguerie. Voilà à quoi pourrait se résumer la saison incroyable de Mirra Andreeva (photo d'en-tête). La russe de seize ans a fait le casse du siècle en fracassant littéralement les portes du top 50. Pour remettre les choses dans leur contexte, Andreeva a commencé sa saison en disputant la finale de l'Open d'Australie Juniors, qu'elle a perdu contre sa compatriote Alina Korneeva. Elle naviguait alors aux alentours de la 300e place mondiale. En avril, tout s'accélère. Elle joue deux tournois ITF en Suisse de 60000$ de dotation qu'elle gagne successivement et se voit alors propulsée dans le top 200. Les organisateurs du tournoi WTA 1000 de Madrid décident de la récompenser de ses efforts en lui donnant une invitation qu'elle va honorer de la plus belle des manières en atteignant les huitièmes de finales avec des succès sur Leylah Fernandez, Beatriz Haddad Maia et Magda Linette. La machine est alors lancée. Elle aborde Roland-Garros au 143e rang, passe avec succès les trois tours de qualification pour accéder au tableau principal puis, parvient jusqu'en seizièmes de finales où elle bouscule Coco Gauff le temps d'un set. Mais, ce n'est pas là son plus beau chef-d'œuvre. À Wimbledon, elle sort une nouvelle fois victorieuse des exigeantes qualifications de Roehampton et passe trois tours dans le tableau principal avant que Madison Keys ne la rappelle à l'ordre en huitièmes de finales. Voilà comment, en moins de temps qu'il n'en faut, Mirra Andreeva est passée d'un statut de junior à celui de professionnel (bien que techniquement elle soit encore junior jusqu'à l'âge de dix-huit ans). Qui sait ce qu'elle nous réserve l'année prochaine...
Née en 1997, la belge Greet Minnen trouve enfin la plénitude de son jeu. Mais, rien n'aura été facile pour elle. Considérée souvent comme une joueuse de seconde zone (onze titres sur le circuit ITF dont deux cette année), Minnen a franchi un cap important cette année à l'US Open en y atteignant le troisième tour alors qu'elle avait dû passer par les qualifications en raison de son classement (97e avant le tournoi). Sans le moindre remord, elle planta un 6-1 6-1 à Venus Williams au premier tour mais, dut cesser le combat deux tours plus tard contre Daria Kasatkina. Ce remarquable résultat lui donna beaucoup d'entrain puisque deux semaines plus tard, elle arrivait en demi-finales du tournoi de Guangzhou (WTA 250), se retrouvant ainsi tout près du top 50. Sans faire de bruit, Greet Minnen a tout bonnement produit la saison la plus enthousiasmante de sa carrière à ce jour.
Que la Belgique nous a fait plaisir cette année. Revenue quasiment de nulle part, Yanina Wickmayer, 12e mondiale en 2010, s'est rappelée à notre bon souvenir. Pourtant, la belge a passé le plus clair de son temps sur le circuit ITF où elle a fait de bonnes choses, soit dit en passant. Sa victoire à Surbiton (100000$), par exemple, était une pièce de choix, alors que ce tournoi est réputé pour sa difficulté. C'est surtout à ce moment-là que Yanina Wickmayer a pu engranger de précieux points qui lui ont permis de se rapprocher du top 100. Elle connut ensuite un été assez incroyable au cours duquel elle créa une première surprise à Varsovie (WTA 250) en ralliant les demi-finales. Elle eut alors l'honneur d'y affronter la régionale de l'étape, Iga Swiatek, qu'elle poussa au jeu décisif dans le deuxième set. Insuffisant néanmoins pour faire dérailler le rouleau-compresseur polonais. La belge eut ensuite une drôle d'aventure à l'US Open. Battue sur abandon au dernier tour des qualifications en raison d'une gêne au dos, elle parvient à se rétablir, est repêchée en tant que "lucky loser" et se retrouve ainsi dans le tableau principal. Victorieuse de Vera Zvonareva au premier tour, elle finit par craquer contre Madison Keys. Cette assez folle épopée lui permet de revenir dans le top 70. En octobre dernier, elle réapparaît à Séoul (WTA 250) où elle s'incline en demi-finales contre Jessica Pegula. Quelle année 2023 rocambolesque pour Yanina Wickmayer !
Pas facile d'être une joueuse de tennis polonaise de nos jours quand l'une de vos compatriotes monopolise l'attention, en l'occurrence Iga Swiatek. L'actuelle numéro une mondiale devrait pourtant être le catalyseur de toute une nation dans la discipline. Cependant, c'est un effet totalement inversé qui se semble se produire avec, d'un côté Swiatek, et de l'autre, les joueuses polonaises qui vivent dans l'ombre tutélaire de la championne. Certes, on se souvient d'une brève période d'euphorie en début d'année lorsque Magda Linette avait atteint, à la surprise générale, les demi-finales de l'Open d'Australie. Hélas, l'embellie ne fut que de courte durée avant que la numéro deux nationale ne redescende cruellement sur terre. Fort heureusement, tout ne fut pas aussi sombre cette année puisque l'on vit émerger au classement une certaine Magdalena Frech. La native de Lodz n'a pas traîné longtemps sur le circuit Juniors. En 2012, dès l'âge de quinze ans, elle commençait déjà à disputer des tournois professionnels et devait attendre 2016 pour remporter le premier des sept titres qu'elle a à son palmarès. Mais, c'est vraiment cette année qu'elle a pris une autre dimension alors qu'elle débutait la saison au 106e rang. À Miami, notamment, elle parvenait à s'extraire des qualifications et à passer deux tours dans le tableau principal. À Madrid, tandis qu'elle effectuait son entrée dans le top 100, elle sortit une nouvelle fois victorieuse du tableau des qualifications et parvint à franchir le cap du premier tour en battant Jasmine Paolini avant de bien résister à Jessica Pegula. Même résultat à Rome début mai. Cependant, c'est surtout lors de la saison sur gazon que la polonaise allait trouver le rythme en étant successivement quart de finaliste à Nottingham (WTA 250) et Birmingham (WTA 250) où elle éliminait entre autres Sorana Cirstea. Si la suite de sa saison fut nettement moins prolifique à Wimbledon, elle ajouta tout de même un titre à son CV en octobre dernier en éteignant Sara Errani en finale du tournoi ITF de Les Franqueses Del Valles (100000$) à l'issue d'un match épique. Voilà comment elle achevait ainsi la saison au 63e rang.
Ce fut l'année de la consécration pour Ashlyn Krueger qui a remporté deux titres : un à Gaiba en WTA 125, aux dépens de l'allemande Tatjana Maria, un autre, beaucoup plus important, à Osaka (WTA 250) contre la chinoise Zhu Lin qui était pourtant tête de série numéro une. L'américaine de dix-neuf ans est arrivée de nulle part dans ce tournoi. Après son titre à Gaiba, elle a passé un été désastreux, à part une demi-finale sur le circuit ITF à Granby (100000$). Elle ne parvenait pas ensuite à s'extraire des qualifications à Washington, ni à Montréal, et se faisait sortir dès le premier tour de l'US Open, battue par Marie Bouzkova. 123e au moment d'entamer son périple à Osaka, elle créa donc l'une des plus grandes surprises de l'année en allant jusqu'au bout, avec des victoires souvent faciles, sans perdre le moindre set, glanant au passage son premier gros titre sur le circuit principal. Un résultat qui lui vaut aujourd'hui une 81e place, même si elle avait atteint son meilleur classement le 18 septembre, 73e.
Grande habituée du circuit secondaire (elle y a remporté douze titres depuis 2015 dont un à Biarritz et un autre au Havre), Tamara Korpatsch en a surpris plus d'un cette année en perçant sur le circuit WTA, même si l'on sentait tout de même chez l'allemande de vingt-huit ans une transformation qui a sans doute pris sa source au tout début de l'été lorsqu'elle est arrivée en demi-finales du tournoi WTA 125 de Valence. 119e mondiale à ce moment-là, elle allait ensuite connaître un petit miracle en étant repêchée des qualifications à Wimbledon avant de réussir à passer un tour dans le tableau principal. Son opiniâtreté était dans un premier temps récompensée à Prague (WTA 250) où, après être passée par la case qualifications, elle se frayait un chemin jusque dans le dernier carré après avoir battu notamment Yanina Wickmayer et Alizé Cornet. Les portes du top 100 étaient alors grandes ouvertes. Mais, cette performance n'était rien comparée à ce qu'elle fit en octobre au tournoi de Cluj-Napoca (WTA 250) puisque, contre toute attente, elle remporta l'épreuve alors qu'elle était redescendue sous les 100. Cette victoire aussi superbe que surprenante lui permit ainsi d'atteindre le 83e rang.
Longtemps sous les radars, Emina Bektas voit enfin son travail récompensé cette année à l'âge de trente ans. C'est simple, jamais l'américaine n'avait remporté autant de titres sur une saison, soit trois titres (huit en tout). Alors oui, elle a surtout brillé sur le circuit secondaire (victoire à Pretoria, Kurume et Tampico, son plus beau titre en WTA 125) mais, tout de même, on l'a vu faire quelques petites incursions sur le circuit principal, notamment lors de la saison sur herbe durant laquelle elle a atteint les quarts de finales à Bois-le-Duc (WTA 250) et les huitièmes de finales à Birmingham (WTA 250) alors qu'elle sortait à chaque fois des qualifications. Par la suite, juste avant son titre à Tampico, elle avait envoyé un signal à Séoul (WTA 250) en parvenant en demi-finales alors qu'elle ne pointait qu'à la 116e place. La voilà désormais pour la première fois de sa carrière dans le top 100, à la 87e position.
Quoi de plus beau que de finir ce bilan avec celle qui a sans doute effectué la plus grosse percée cette année, il s'agit bien entendu de Karolina Muchova. Longtemps ralentie par les blessures, la tchèque de vingt-sept ans arrive enfin au sommet de son art, du moins presque, car il n'a pas manqué grand chose pour qu'elle détrône la patronne Iga Swiatek à Roland-Garros, dans ce qui restera sans doute pour elle le morceau de choix de cette année 2023 complètement folle. Il faut rappeler que Muchova n'est que 133e mondiale quand elle se présente à l'Open d'Australie où elle se fait éjecter dès le second tour par Danielle Collins. L'on se dit alors que ce n'est que le début des galères pour la tchèque mais, au fur et à mesure, les pièces commencent à s'assembler. Elle obtient de très bons résultats à Dubaï et Indian Wells, en battant des joueuses comme Belinda Bencic, Victoria Azarenka et Marketa Vondrousova, ce qui lui permet d'arriver à chaque fois en quarts de finales, même si elle est contrainte à l'abandon contre Jessica Pegula aux Émirats. Déjà remontée au 55e rang avant le tournoi de Miami, où elle passe deux tours dans le tableau principal après être sortie des qualifications, elle entame la saison sur terre battue européenne d'assez belle manière en atteignant les huitièmes de finales à Rome (WTA 1000). 43e mondiale à Roland-Garros, elle y enchaîne les perles en stoppant Maria Sakkari au premier tour puis, en domptant Aryna Sabalenka en demi-finales dans ce qui restera l'un des plus beaux matches de l'année. La suite est une histoire connue. Revenue dans le top 20, elle se loupe lamentablement à Wimbledon (élimination au premier tour par Jule Niemeier) mais, ne se décourage pas pour autant. Elle passe à la vitesse supérieure en été, bat de nouveau Sakkari et Sabalenka à Cincinnati (WTA 1000) où elle atteint la finale qu'elle perd contre une Coco Gauff qui prépare sa consécration à Flushing Meadows. À l'US Open justement, elle touche le rêve du doigt en arrivant dans le denier carré mais, échoue une nouvelle fois contre la jeune américaine que rien ni personne n'arrêtera. Cette remontée des enfers, intense et épique, lui vaut logiquement aujourd'hui une place de 8e joueuse mondiale. Sera-t-elle prête l'année prochaine ? C'est la grande question. En octobre dernier, elle devait renoncer à participer aux Masters pour cause de... blessure.