Elisabeth
Une après-midi d’automne, j’arrivais sur le quai de la gare dans une grande ville étrangère, prêt à monter en wagon, quand plusieurs hommes d’armes repoussèrent les voyageurs pour laisser place à une dame vêtue d’un waterproof brun et coiffée d’un chapeau tyrolien garni d’une plume noire. Je demandai à un postier quelle était cette dame : « Kaiserin ! » me répondit-il avec une intraduisible expression de respect. Elle monta dans un compartiment de première, le public s’engouffra dans le train, qui fila. Cette dame était l’impératrice Elisabeth.

Le Grand Café (ouvert en 1870) et le Théâtre d'Alger (inauguré en 1853)
L’autre semaine, vers le soir, une femme vint s’asseoir sur la terrasse d’un grand café à Alger. Vêtue de noir, très simplement, coiffée d’un chapeau de paille noire à plume sombre, elle demanda une glace. Une autre femme, plus petite, costumée non moins sévèrement, l’accompagnait ; un interprète leur apporta des paquets. Elle les emportèrent et se perdirent à petits pas dans la foule. La plus jeune des deux était une suivante ; l’autre était l’impératrice Elisabeth.



Le nouvelliste ** qui a vu la souveraine sur la terrasse à Alger et qui conte cette entrevue ajoute qu’elle est partie pour Blidah puis pour Bône, où l’archiduc Rodolphe s’est arrêté lui aussi dans son voyage. La mère suit pas à pas son calvaire, c’est-à-dire le chemin qu’avait suivi l’héritier du trône impérial, calvaire dont la dernière station fut Meyerling. Comme celle dont parle dans le « Nordsee » Heine, son poète favori, fuyant l’éclat de la cour, elle traîne sur une route sans fin sa douleur. Je sais peu de femmes plus malheureuses que l’impératrice Elisabeth.
Gui.

** En 1890, le terme " nouvelliste " désignait une personne qui s'attache à recueillir et à répandre des nouvelles, mais également un journaliste.
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Rodolphe. Les textes de Mayerling
Pour découvrir les différentes versions du drame de Mayerling, dont la version de l'assassinat commandité par Bismarck, je vous invite à lire le recueil de textes que j'ai présentés dans Rodolphe. Les textes de Mayerling (BoD, 2020).
Suicide, meurtre ou complot ? Depuis plus de 130 années, le drame de Mayerling fascine et enflamme les imaginations, et a fait couler beaucoup d'encre. C'est un peu de cette encre que nous avons orpaillée ici dans les fleuves de la mémoire : des textes pour la plupart oubliés qui présentent différentes interprétations d'une tragédie sur laquelle, malgré les annonces répétées d'une vérité historique définitive, continue de planer le doute.Comment s'est constituée la légende de Mayerling? Les points de vue et les arguments s'affrontent dans ces récits qui relèvent de différents genres littéraires : souvenirs de princesses appartenant au premier cercle impérial, dialogue politique, roman historique, roman d'espionnage, articles de presse, tous ces textes ont contribué à la constitution d'une des grandes énigmes de l'histoire.
Le recueil réunit des récits publiés entre 1889 et 1932 sur le drame de Mayerling, dont voici les dates et les auteurs :
1889 Les articles du Figaro1899 Princesse Odescalchi1900 Arthur Savaète1902 Adolphe Aderer1905 Henri de Weindel1910 Jean de Bonnefon1916 Augustin Marguillier1917 Henry Ferrare1921 Princesse Louise de Belgique1922 Dr Augustin Cabanès1930 Gabriel Bernard1932 Princesse Nora FuggerLe dernier récit, celui de la princesse Fugger, amie de la soeur de Mary Vetsera, est pour la première fois publié en traduction française. Il n'était jusqu'ici accessible qu'en allemand et en traduction anglaise.Luc-Henri Roger, Rodolphe. Les textes de Mayerling, BoD, 2020. En version papier ou ebook.
Commande en ligne chez l'éditeur, sur des sites comme la Fnac, le Furet du nord, Decitre, Amazon, etc. ou via votre libraire (ISBN 978-2-322-24137-8)
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