21 décembre, 0h19
Hier soir, l'état de Blandine est tellement dégradé, notamment sur le plan respiratoire, qu'elle me demande d'appeler le SAMU. À nouveau une hospitalisation... l'horreur tenaillante. Son corps semble lâcher de toutes parts, les combats à mener étant trop nombreux. Peu de temps après le départ des ambulanciers j'ai une amie au téléphone et je craque : larmes de celui qui assiste à la dégradation inexorable de celle qui a partagé plus de deux décennies de vie. Envisager le pire rode désormais sur cette fin d'année. S'il devait arriver, ce serait un cataclysme intime.23 décembre, 4h23

Hier soir, alors que je commence quelques courses, appel d'une médecin de la Protestante, collègue de l'oncologue qui suit Blandine, pour m'informer de son état respiratoire préoccupant et m'inciter à venir la voir sans tarder. L'origine de l'inflammation pulmonaire semble multifactorielle, mais ce qui est "inquiétant" - adjectif qu'elle emploie plusieurs fois au cours de l'échange - c'est que la respiration ne s'améliore pas malgré les traitements donnés (cortisone, antibiotique...).(...)
Arrivé au troisième étage de la Protestante, je comprends que sa chambre est dans le secteur protégé des soins intensifs. Après avoir sonné pour accéder à l'unité, je me rends, le pas pressé, la gorge serrée, vers la chambre 356. Celle-ci à la porte ouverte et j'aperçois ma Blandine étendue, avec un dispositif conséquent pour sa respiration. Elle semble dormir et me voit alors que je pose mes affaires. Quelques mots sortent faiblement au milieu du système d'assistance respiratoire et elle semble heureuse que je sois là. Je m'assois près d'elle et lui tiens la main. Si faible, avec perfusions, sonde et tuyaux : la voir ainsi me chamboule. L'aide soignante et l'infirmière m'indiqueront que je peux rester dormir : un autre lit est en effet présent dans cette chambre et restera vide afin que je puisse en disposer. La situation peut se dégrader d'un coup. Dès ce soir je serai avec elle tout comme les nuits suivantes et j'ai laissé mon numéro à l'infirmière pour me joindre à n'importe quel moment.
Dimanche, sa sœur doit passer la voir.Par la réaction de sa main, son regard et les quelques mots prononcés je la sens réconfortée de ma présence, mais son état m'angoisse, laissant craindre le pire. Je dois être près d'elle le plus possible et notamment pour toutes les nuits à venir.
24 décembre, 20h27, depuis la Protestante.
26 décembre, 20h37, depuis la Protestante.
Je décide d'appeler ses parents pour les informer de cela et les encourager à venir plus tôt que cela n'était programmé, car il s'agit peut-être d'une question de jours. Je contacte aussi ses deux amies lyonnaises qui doivent venir respectivement demain et jeudi pour la voir.Lorsque je lui précise ce qui se profile, ma Blandine semble garder espoir... cela me dévaste plus encore. Je suis comme assommé par l'inéluctable qui va frapper bien trop tôt.
Elle est là, toute faible, dans un demi-sommeil, avec la machinerie qui la fait respirer, avec son adorable petit nez envahi par ces tuyaux, je la regarde et intérieurement je m'effondre, mais à l'extérieur je dois demeurer un solide, doux et attentionné soutien jusqu'au bout. Ma Blandine fauchée si tôt, c'est insupportable à envisager.Le dernier (et seul) décès marquant pour moi a été celui de ma grand-mère en décembre 2006... et voilà que ma compagne de vie...J'arrête là les mots, pour l'instant : les petits sons qui sortent d'elle, malgré le vacarme de l'oxygène produit, sont comme de petites plaintes, mais elle ne souffre pas ainsi qu'elle le déclare à chaque fois au personnel soignant.22h16, (...) Ma détresse est totale. Je dois me reposer pour tenir, mais cette agonie, sans souffrance ressentie, du corps de Blandine me pétrifie. Tous ces mois, toutes ces années à combattre cette saloperie de cancer, ces espoirs, cette reconstruction mammaire inachevée, ces retours à une vie presque normale et puis d'un coup la pneumocystose et la reprise du fléau cancéreux.
27 décembre, 6h29
29 décembre, 1h41Ma Blandine s'est éteinte vers 0h25, paisiblement, progressivement et entourée de tout mon amour, de tout notre amour.
3h13POUR MA BLANDINE
Il est des êtres de bonté, une bonté à la chaleur d'un nid : ma Blandine était / est de ceux-là. Mercredi 5 décembre 2001 commençait notre belle histoire. Vingt-deux ans et quelques jours plus tard, je suis devant vous, transpercé par le chagrin d'en être désormais privé.Me reviennent en vrac ces lumineuses parcelles de notre existence partagée comme une évidence : sa voix avec le timbre encore plus doux qui m'était réservé ; son enthousiasme pour chaque nouvelle journée ; son adorable petit "coucou" qui ponctuait tous mes retours dans "not' maison", comme elle disait, lorsqu'elle y était présente - et ces dernières années elle y était évidemment beaucoup ; sa longue chevelure que je respirais pour m'endormir ; sa gentillesse qui faisait de notre quotidienneté une douceur renouvelée ; son petit nez dont j'aimais parcourir du doigt la courbe si craquante ; l'élégance magnifique de son âme ; le courage incroyable qu'elle a montré jour après jour face à cette "longue maladie" comme dit l'euphémisme ; la sensibilité sans pareille d'un être avant tout bienveillant, ma Blandine... je pourrais continuer ainsi toute la journée à égrener les bienfaits de sa présence.
Nous étions faits pour le partage sans réserve de tous ces petits plaisirs qui emplissent le cœur de la certitude d'être avec le Grand Amour de sa vie.Ma Blandine, tu me manques déjà tant... "Je suis là" sont parmi les derniers mots que tu as entendus de moi dans cette ultime épreuve.Tu es pour toujours "Ma Blandine", "Ta BB" comme tu signais tes mots et textos ; je suis ad vitam "ton chéri" ainsi que tu commençais ces mêmes petits écrits plein d'amour. Tu me manques déjà tant, ma Blandine, mon Amour.
Dernière photo - 27 octobre 2023 - Parc du Val Rosay
