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Le Figaro nous l'apprend : "Voici donc la guerre…"

Publié le 22 août 2008 par Stb

Je dÊcouvre dans le Figaro un texte de François Sureau. Il pose un certain nombre de faits et de questions cruelles donc justes. Il pousse aussi à la rÊflexion à la lueur des rÊalitÊs et choix gÊopolitiques de notre pays. Les amateurs suivront aussi les Êchanges et notes publiÊes sur le blog de l'excellent journaliste Jean Dominique Merchet, Secret DÊfense. Ce conflit va nous en apprendre beaucoup sur nous mêmes.

Militaire

Voici donc la guerre‌

Par François Sureau, Êcrivain.
 
Il y a une guerre en Afghanistan, et cette guerre tue. Nous devons aux soldats du 8e RPIMa qui y ont trouvĂŠ la mort les armes Ă  la main de rĂŠflĂŠchir Ă  ce que cela signifie. Nous devrions d'ailleurs nous abstenir de parler de leur ÂŤsacrificeÂť avant d'ĂŞtre sĂťrs des raisons de leur mort. Nous ne devons pas d'abord aux soldats tombĂŠs l'ĂŠmotion et les larmes, mais l'effort de l'intelligence et celui du souvenir, afin de pouvoir leur rendre lucidement les honneurs qui leur sont dus.

Ces morts devraient nous apprendre à nous mÊfier de ces mots trop grands, trop vagues, que nous rÊpÊtons à l'envi. Il n'y a pas de prÊsence française dans un monde guettÊ par le chaos qui ne soit susceptible d'entraÎner la mort de nos soldats : par dizaines aujourd'hui, par centaines peut-être demain. Il n'y a pas de participation effective à la lutte du monde libre contre le terrorisme qui puisse être assurÊe aujourd'hui sans le risque de telles Êpreuves. Il n'y a pas de rang, de place de la France qui puissent être maintenus sans comporter, à la fin, ces souffrances-là.

Pour tous ceux qui ont combattu, ou qui ont assistÊ à des combats, il existe un Êcart angoissant, presque physiquement palpable, entre les mots de la diplomatie, ou pire, de la communication politique, et la mort de camarades que l'on connaÎt par leurs noms, sans même parler de ce que l'on tait presque toujours par pudeur : l'atmosphère de la guerre, cette attente, cette peur, ce courage, ce temps suspendu, et le sang, et pire encore, qui en font le souffle haletant d'un enfer gris.

Voici donc la guerre. Les seules questions qui vaillent sont donc celles de ses raisons et celles de sa conduite, c'est-Ă -dire des chances de l'emporter. S'il n'y est pas rĂŠpondu, l'ĂŠcart dont je parlais n'est pas supportable longtemps, ni pour les hommes, ni pour le commandement, ni pour les dirigeants politiques.

S'il existe en Afghanistan des raisons de se battre et des chances de vaincre de se battre, et non pas d'assurer, abstraitement, une ÂŤprĂŠsenceÂť limitĂŠe aux communiquĂŠs de la publicitĂŠ politique , alors il faut se prĂŠparer Ă  cette guerre, qui sera dure comme elles le sont toutes. Il faut se prĂŠparer aux embuscades, aux revers, aux morts nombreux d'une guerre, et ne pas s'en ĂŠtonner avec cette inconscience de vieux enfants qui est souvent la nĂ´tre, qui dĂŠcouvrent avec surprise que le reste du monde ne joue pas.

Alors il faut que les troupes s'entraĂŽnent, que le commandement commande et que les politiques fassent des choix, y compris budgĂŠtaires, qui correspondent Ă  la rĂŠalitĂŠ des engagements. Alors il ne faut pas se demander Ă  chaque ĂŠpreuve si les morts ne sont pas morts ÂŤpour rienÂť, si tel objectif limitĂŠ justifiait les pertes, si l'on n'aurait pas pĂť procĂŠder autrement. Dans une guerre, les soldats qui tombent dans les batailles dĂŠcisives ne sont pas plus nombreux, et cela ne signifie nullement que la mort des autres ait ĂŠtĂŠ vaine. La nation doit autant au dernier tuĂŠ de la Grande Guerre qu'aux morts de Verdun.

La grandeur, oĂš il entre beaucoup d'humilitĂŠ, du mĂŠtier de soldat vient prĂŠcisĂŠment de cette acceptation volontaire, par chacun, des combats parfois douteux, de la mauvaise fortune, des hasards de la guerre. Mais pour que ceux-ci soient pleinement assumĂŠs, le soldat doit pouvoir penser que les combats limitĂŠs auxquels sa vie est suspendue participent d'un dessein, d'une politique d'ensemble auxquels le destin de la nation, mĂŞme pour une part, se trouve liĂŠ.

La question de savoir si, pour l'Afghanistan, la stratÊgie de l'Otan est la bonne et si elle correspond à nos intÊrêts dÊpasse ma compÊtence. Je sais simplement que s'il n'est pas possible d'y rÊpondre de manière convaincante, aucun effort de guerre durable ne pourra être poursuivi. Le soldat peut mourir, mais pas en victime de la figuration internationale. Il n'est pas quant à lui un acteur qui pourrait quitter la scène en excipant de doutes soudains sur la qualitÊ de la pièce. Qu'il soit, comme on dit dans le vocabulaire moderne, un professionnel n'y change rien. Sans doute s'est-il vouÊ de lui-même à ce mÊtier au bout duquel il peut trouver la mort. Mais il n'a pas signÊ pour mourir autrement qu'au service de son pays dans une guerre susceptible d'être gagnÊe, cette victoire dÝt-elle être davantage politique que militaire.

Je suis sĂťr que nos gouvernants ont pris la mesure de cette exigence-lĂ , qui leur incombe et Ă  eux seuls. Je n'ai pas d'autre titre Ă  espĂŠrer qu'ils l'aient fait que celui d'avoir, un court moment, partagĂŠ lĂ -bas la vie de ces hommes admirables dont les voix se sont tues, et auxquels j'aimerais prĂŞter la mienne si elle ne tremblait pas.


Source : Le Figaro


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