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Anthropologie de situations de Bernard Traimond. Commentaire

Publié le 09 mars 2024 par Antropologia

Anthropologie situations Bernard Traimond. Commentaire« Anthropologie de situations : l’influence de Jean-Paul Sartre » ,

Bernard Traimond

Vous aimez l’anthropologie et vous vous méfiez des « théories gigantesques pour accéder à la connaissance de la réalité » ?

Vous vouez un intérêt certain à l’ethno-pragmatique (définie par Duranti), et à l’anthropologie de Gérard Althabe c’est-à-dire une « connaissance livrée de l’intérieur d’un monde social saisi à l’échelle microscopique » ?

Vous appréciez Jean-Paul Sartre, Michel Leiris, Eric Chauvier?

Vous avez la chance d’assister ou d’avoir fréquenté régulièrement les cours libres de Bernard Traimond le mercredi ?

Alors ce livre est fait pour vous !

Bernard Traimond dans ce livre magistral présente des fragments de son anthropologie.

 Comme annoncé dès le début de son ouvrage, il juxtapose des « présentations de textes, de livres et d’auteurs » afin de « contribuer par ces collages à mettre au jour une certaine démarche anthropologique ». Il veut « orienter des regards sur certains objets et sur quelques anthropologues en refusant l’illusion de l’exhaustivité. » Il propose un » parcours ».

Des morceaux choisis, 31 chapitres que l’on peut lire d’une seule traite, dans un souffle « ethno-pragmatique », ou par bribe, selon l’humeur ou ce que l’on y cherche.

En se penchant sur la structure de l’ouvrage, on peut y trouver une alternance entre thématiques et noms d’intellectuels, anthropologues ou philosophes, penseurs ayant constitué l’anthropologie de situations, tous influencés par Sartre.

Mais à y regarder de plus près, chaque thématique se réfère également à bon nombre d’auteurs qui ont influencé une certaine démarche anthropologique novatrice, celle chère à Bernard Traimond.

N’est-ce pas également la démarche qu’il a construite et transmise à ses étudiants devenus chercheurs et écrivains ?

Bernard Traimond s’intéresse à ses amis (comme il les nomme lui-même), qu’il les connaisse personnellement ou pas mais qu’il a « choisi pour leur démarche qui s’appuie principalement sur les propos de leurs locuteurs et sur leurs propres observations. » Les anthropologues qui privilégient l’examen des discours des personnes étudiées. Ceux qui portent un intérêt pour le « point de vue indigène », ‘’le refus du regard extérieur » qui définirait le mieux ce qu’il appelle l’anthropologie sartrienne ».

Tous les anthropologues dont il étudie les travaux « cherchent à connaître les personnes de l’intérieur, veulent accéder à leur point de vue, à leurs façons de faire, de dire et de penser ».

En évoquant la poétique, il cherche les sources d’inspiration des auteurs qu’il nous présente (Philosophie, Histoire ou Littérature).

Bon nombre de chapitres commencent par une contextualisation historique replaçant le ou les auteurs dans les interactions réelles ou supposées de l’époque qu’ils traversent. Les fragments proposés sont autant de boîtes gigognes, rebonds de lecture, influences. Parfois également, des références ou événements peu explicités qui obligent le lecteur à approfondir les questions posées.

A la manière d’Erich Auerbach, Bernard Traimond commente bien souvent un des livres  de l’auteur présenté (au lieu d’un court passage) pour illustrer son propos.

De Michel Leiris à Sartre, en passant par Crapanzano et Ginzburg  on comprend que la singularité devient une porte d’accès à la connaissance de toute une société.

Repris par l’Ecole de Bordeaux, la génération suivante, l’ordinaire, l’infiniment petit devient un objectif de recherche, un instrument d’investigation, ainsi qu’une forme de démonstration, leur écriture s’étant de surcroît débarrassée des carcans académiques surannés.

Eric Chauvier, à qui Bernard Traimond consacre le plus long chapitre, et Colette Milhé, portent une extrême attention aux situations exceptionnelles, jugées particulièrement révélatrices dans l’accès à la connaissance de la réalité.

Un petit regret, que les trois chercheuses qui clôturent, avant Sartre, cet ouvrage n’aient pas eu droit à leur nom en tête de chapitre, à l’instar des autres chercheurs convoqués dans ce livre. J’aurais aimé que Myriam Congoste, Julie Campagne et Colette Milhé y soient nommées  puisque comme le souligne l’auteur, elles s’inscrivent dans le chemin ouvert par Sartre, il y aura bientôt un siècle.

La démarche anthropologique, peinte par touches par Bernard Traimond dans ce livre, est celle qu’il a construite, celle que je découvre depuis 7 ans dans ses cours libres. Lisez-le !

Olivia Wallig-Negré


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