Magazine France

Militaires en Afghanistan "On est tombé dans un piège"

Publié le 22 août 2008 par Olive
Selon des témoignages recueillis par Florence Aubenas, envoyée spéciale du Nouvel Observateur, les militaires français auraient pu être trahis par des Afghans avec qui ils travaillaient.

Peut-on dire que les soldats tués ou blessés dans l'embuscade étaient mal préparés ?
- Il s'agit de l'élite de l'armée française. Le 8e RPIMa est l'un des régiments les plus prestigieux. Rien ne permet de dire qu'ils étaient mal préparés. Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que nous n'avons pas une armée de guerre. C'est paradoxal mais la guerre n'est plus une des missions majeures de l'armée. Depuis la professionnalisation de l'armée, la France ne connait pas la guerre. Ce qui est certain c'est que si le 8e RPIMa n'est pas bien préparé, personne ne l'est.
En France, on s'est créé tout un imaginaire autour des soldats de 20 ans, "Avoir 20 ans dans les Aurès"… A la différence de cette époque là, où les soldats étaient envoyés malgré eux dans les conflits armés, aujourd'hui, on a une armée professionnelle.
Une erreur de commandement pourrait-elle être une des causes du bilan tragique ? Que pensez-vous de la thèse selon laquelle, parmi les 10 soldats français tués et les 21 blessés, certains pourraient avoir été victimes de frappes aériennes de l'Otan ?
- Je ne sais pas si c'est une erreur de commandement. En Afghanistan, les Français étaient partisans de faire une armée de patrouille, proche de l'homme et des civils. L'armée française s'est attachée à cela. Les soldats sont tombés dans l'embuscade car ils étaient à pied. Jusqu'à présent, l'armée française a décrit cette stratégie comme sa force mais aujourd'hui, les insurgés ont profité de cette manière de faire.
Je ne pense pas que les militaires ont été victimes de frappes aériennes de l'Otan mais il faudra une enquête pour le déterminer avec certitude. J'étais à Kaboul, j'ai parlé avec beaucoup de soldats de plusieurs régiments, et ce n'est pas quelque chose qui m'a été raconté. Je n'ai aucun élément pour appuyer cette thèse, mais ça ne veut pas dire qu'elle est fausse. Le problème que les militaires ont eu avec l'aviation, c'est qu'elle n'a pas pu fonctionner, les soldats étaient trop près des insurgés.
Comment peut-on expliquer, alors, l'embuscade ?
- De nombreux soldats français, m'ont dit que l'embuscade a été préparée et qu'ils ont été trahis par des Afghans, avec qui ils travaillaient. Les villages semblaient avoir également fourni des informations sur leurs faits et gestes. Les soldats pensaient être dans un environnement sûr, et en réalité ça n'était pas le cas. Ils sont tous très amers autour de cette question. "On a été trahis, on est tombé dans un piège", m'ont-ils dit.
Interview de Florence Aubenas, par Emilie Jardin
(le jeudi 21 août 2008)
__________________________________________________________________________________________________________

Double embuscade des talibans

Selon des témoignages de militaires ayant participé aux combats qui ont fait dix morts dans les rangs français en Afghanistan, et publiés vendredi 22 août dans La Nouvelle République, les talibans ont attaqué simultanément les éléments de tête et la colonne de véhicules restés plus bas.
"On est arrivés sur place vers 13h00", a expliqué le sergent Romain, 23 ans, "à proximité d'un village où nous avons laissé nos quatre véhicules et huit paras tandis que les vingt-trois autres poursuivaient à pied vers le col".
"On était presque au col, vers 14h00, quand ça a commencé à tirer de partout; on s'est dispersés, mais les abris étaient rares", a précisé le caporal-chef Heimata, 25 ans.
Le Figaro confirme cette version des faits et a reconstitué, dans son édition de vendredi, la chronologie de l'attaque. Il y est précisé que les talibans ont "encerclé et immédiatement frappé la section arrière pour empêcher qu'elle puisse porter secours à l'avant".
Selon le quotidien et les propos du 1ère classe Philippe à La Nouvelle République, "les talibans ont aussi délibérément visé" le chef de groupe et la radio, ce qui explique pourquoi les communications ont été coupées.

___________________________________________________________________________________________
Les assaillants ?

La guérilla afghane a ses règles : un groupe ne lance jamais une attaque - jadis contre les Soviétiques ou aujourd’hui contre l’Otan - s’il n’est pas de la région ou s’il n’a pas négocié avec les chefs locaux, aussi bien politiques que religieux, qui auront à subir les représailles. En ces terres pachtounes, les talibans ont des appuis mais la région fut et reste avant tout une place forte du Hezb-e islami, le groupe fondamentaliste de Gulbuddin Hekmatyar, seigneur de guerre qui mena la lutte contre l’armée soviétique, combattit un moment les talibans, puis s’allia avec eux après 2002 et son départ d’Iran, où il s’était réfugié en 1998.Tout rapproche le Hezb-e islami des talibans, le fondamentalisme religieux comme les liens avec l’ISI, les services secrets pakistanais, qui sont, pour ce groupe, encore plus étroits et plus anciens. Cela fait trente ans que les hommes d’Hekmatyar font la guerre. Même s’ils ne sont plus très nombreux, ils ont l’expérience et ils ont du matériel.



L’équipement est-il adapté ?

 

Des soldats engagés dans l’embuscade se seraient plaints d’avoir été à cours de munitions. C’est possible, car ils avaient sans doute laissé une partie de leur équipement à bord des véhicules. Qui plus est, dans l’action, seules des troupes qui ont déjà connu le feu à plusieurs reprises sont réellement capables d’appliquer la règle essentielle qui est d’économiser ses munitions. La dotation d’un soldat est de six chargeurs de 25 cartouches, soit 150 coups. A l’entraînement, c’est énorme. A la guerre, quasiment rien.

Pour le reste, le choix fait par l’état-major a été d’envoyer des troupes d’infanterie légère en Afghanistan. C’est une tradition bien enracinée dans l’armée française, qui est de privilégier le para «souple, félin, manœuvrier» face aux moyens plus lourds. Les militaires français sont équipés aussi bien que peuvent l’être de telles troupes. Le blindage des véhicules a été renforcé, même s’ils restent encore très vulnérables. Ainsi, le plancher des chars légers AMX-10 RC ne résisterait pas à l’explosion d’une mine. Des équipements de brouillage des engins explosifs improvisés ont été installés, après avoir été prélevés auprès du contingent français au Liban. Les hommes sont tous équipés de gilets pare-balles et de casques lourds performants. En revanche, leurs effets personnels (chaussures, sac à dos, couchage, etc.) sont souvent acquis à leurs frais, ceux en dotation n’étant pas de très bonne qualité.

Mais l’infanterie légère reste l’infanterie légère. Le soldat qui sert la mitrailleuse du VAB le fait sans protection. On débarque pour reconnaître à pied un site dangereux, là où des blindés se risqueraient sous la protection de leur blindage. Il manque de moyens d’appui, comme des canons. Pire, une reconnaissance aérienne de l’itinéraire aurait sans doute permis de voir le piège tendu.

UrPix.fr

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Olive 331 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte