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Le gouffre du cafard, de Dunia Miralles

Publié le 18 février 2024 par Francisrichard @francisrichard
Le gouffre du cafard, de Dunia Miralles

Dans Le gouffre du cafard, il y a une histoire dans l'histoire. La tentation est forte de parler, en l'occurrence, de mise en abyme. Le lecteur ne comprendra le titre et pourquoi j'utilise cette expression que lorsqu'il sera parvenu à la fin du roman, qui a toute sa place dans la collection Uppercut de son éditeur.

Cette histoire, qui se passe en Suisse protestante, commence en année scolaire 1973-1974. Concepción a affaire à une institutrice qui prend un malin plaisir à maltraiter ses élèves catholiques, ou d'origine étrangère, ou dont la tête ne lui revient pas, à inciter ses chouchous à s'en moquer de concert avec elle.

Madame Jaquet la martyrise tant et si bien que Concepción, de bon élève qui aime l'école, devient une élève qui redoute de passer ses journées en classe et qui, de plus, en arrive à être dégoûtée de la vie tout court devant l'incompréhension de ses parents qui trouvent charmante cette maîtresse hypocrite.

Concepción amorce dès lors une chute qui fait écho au gouffre de l'histoire qui se déroule parallèlement, début mars 1995, et avec laquelle le lecteur ne voit pas le moindre rapport. Le résultat est que l'écolière est placée l'année suivante dans une école où ses capacités et ses envies de connaissances s'étiolent.

C'est un véritable gâchis. Il ne faut pas s'étonner que plus tard, Concepción cède à des tentations qui guettent les esprits torturés et n'ait pas la carrière professionnelle à laquelle, intelligente et cultivée, elle pouvait normalement prétendre, bref que, rejetée par les uns et les autres, elle tourne mal, comme on dit.

Parallèlement donc à cette histoire, s'en déroule une autre, qui met aux prises Rose Leuba, une jeune spéléologue, qui occupe ses loisirs à protéger la nature, et Madame Krüger, une sexagénaire sportive, qui, elle, occupe sa retraite à rédiger le bulletin paroissial, Les Enfants de Fareau, à parution semestrielle.

Madame Krüger, admirative, se propose d'écrire un article sur ce que fait Rose pour l'environnement en nettoyant les gouffres de la région transformés en décharges, d'où elle a remonté les objets les plus insolites, dont un crâne humain, datant de l'entre-deux guerres, avec une balle de pistolet à l'intérieur.

Dunia Miralles, pour cette descente dans un gouffre, s'est beaucoup documentée, si bien que celle-ci est d'un grand réalisme. Aussi ne faut-il  pas beaucoup d'imagination au lecteur pour vivre, comme s'il était avec Rose et Madame Krüger, leur difficile parcours souterrain, la première instruisant la seconde.

Ces deux histoires se ressemblent. Dans les deux cas: il y a instruction d'un des personnages par l'autre, descente aux enfers au sens figuré et au sens propre, absence d'empathie et de compassion quand l'un dresse un obstacle devant l'autre, et une leçon: Comme un bienfait, un méfait n'est jamais perdu.

Francis Richard

Le gouffre du cafard, Dunia Miralles, 96 pages, BSN Press

Livres précédents à L'Âge d'Homme:

Inertie (2014)

Mich-el-le (2016)

Folmagories (2018)


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