Magazine Science

Paul et Vanessa . Chapitre VI. Sylvie .

Publié le 09 avril 2024 par Guy Marion

Énorme coup de chance, Paul obtint sa réintégration en France à Gérardmer, ville qu’il avait placée en première position de ses vœux, sans y croire .

Ski en hiver, randonnée dans les sentiers au printemps.

"Ah, le saut de la Bourrique ! des lacs pour les chaudes journées de l’été, l’air pur des Vosges et surtout, surtout, la probité des Vosgiens et des Vosgiennes, une renaissance !"

Et effectivement, Paul rajeunit après son retour en France.

Il épousa une jeune professeur de mathématiques, ce dont il rêvait, les sciences dures et leurs disciples ne mentent pas, ne trichent pas, pensait-il.

Il fonda une famille et retrouva enfin l’équilibre et la sérénité qu’il avait perdus lors de son séjour dans ces îles de l’océan indien.

Il oublia tout de ces quelques années perturbantes.

Enfin, presque tout…

Presque quarante ans plus tard, en effet, il se souvient encore, mot pour mot, de ce message d’amour que la petite Virginie avait déposé sous l’essuie-glace de sa voiture, un jour de fête locale:

 " Je t'aime, Paul. Et toi ? Réponds-moi, je t’en supplie ! ..."

Paul avait tout oublié, ou presque…

Vingt cinq août 2023 :

TV 5 Monde titre:

"Madagascar : drame à l'ouverture des Jeux des îles de l'océan."

"Au moins treize personnes sont mortes  devant le stade Barea d'Antananarivo au cours d'une bousculade lors de la cérémonie d'ouverture des onzièmes Jeux des îles de l'océan Indien ."

Curieux d'en savoir plus, Paul se connecte en " replay " à MBC, la chaîne de télévision publique nationale de l'Ile Maurice.

Bien mal lui en prit.

Un reportage montre le Président malgache et le Premier Ministre mauricien avec dans leur entourage une femme qui retient son attention.

Paul fait un "arrêt sur image " sur l'accompagnatrice.  

Et celle-ci ressemble étrangement, avec seulement quelques rides et stigmates de plus, à cette prof de lettres qu'il avait mis si longtemps à effacer de sa mémoire ! 

-A Maurice, elle m'avait collé à  la peau comme le sparadrap du capitaine Haddock, mais j'étais parvenu à m'en débarrasser, je l'avais même complètement oubliée et voilà qu'elle réapparaît, mais je m'en fiche complètement, je ne vais même pas en parler à Sylvie.

Paul avait presque tout raconté de son passé de célibataire tourmenté à son épouse Sylvie en qui il avait entièrement confiance et pour qui il avait beaucoup de respect, les professeurs de maths ne mentent pas, ne trichent pas, ils ont été formés pendant leurs études à la rigueur et à  l'honnêteté. Tout le contraire des politiques, cela ne m'étonne d'ailleurs pas que cette intrigante ait réussi à s'insérer dans le panier de crabes des politichiens de Maurice ou de Madagascar. A plus de soixante douze ans, pour grenouiller encore dans ce milieu corrompu, il faut être sérieusement atteint.

Paul, à la retraite depuis quatre ans maintenant, n'avait pas réussi à rompre totalement le lien avec l' Éducation Nationale. Une fois par semaine, pendant trois ans, il s'était rendu à Nancy au lycée Henri Poincaré pour faire passer quelques interrogations orales (khôlles) aux étudiants de la filière scientifique. Faire passer des khôlles, c'est tout de même plus noble que la politique malgache, mauricienne ou réunionnaise !

A soixante huit ans, Paul a cessé ses allers-retours hebdomadaires à Nancy et profite de son temps libre pour aller au cinéma.

Quand il n'est pas au cinéma ou dans son jardin à élaguer ses arbres, Paul écrit. Il a en effet repris la rédaction du roman qu'il avait commencée à Maurice il y a plus de quarante ans et qu'il avait interrompue, contraint et forcé, l'aventure tumultueuse avec sa collègue pédophile ayant absorbé toute son énergie et tué toute envie d'écrire.

En juin dernier, lors d'un festival du livre très fréquenté, Paul a pu discuter quelques minutes avec le directeur artistique du festival, qui choisit, collégialement dit-il, les auteurs présents et il lui a posé la question suivante:

Comment pouvez-vous faire venir des écrivains secondaires tels que Rosine Cachalot ou Solène Ducale et ne pas inviter des auteurs majeurs comme Jean-Paul B. ? ( Paul est un grand admirateur de Jean-Paul B.)

Le directeur artistique a bafouillé un peu puis il a fini son très court argumentaire par: 

"Si vous avez quelque chose à vendre, je vous invite"

C'est cette promesse qui a décidé Paul à reprendre la plume.

Mais Paul progresse lentement, son écriture est laborieuse, tout le contraire de son épouse Sylvie. C'est d'ailleurs le talent de Sylvie qui  "raconte" les mathématiques qui avait émerveillé Paul. Il se souvient encore de cette histoire, rapportée par des élèves, qui avait particulièrement attiré son attention

"Pliez une feuille de papier en deux. Elle est maintenant deux fois plus épaisse qu'auparavant. Pliez-la à nouveau en deux. Son épaisseur est désormais égale à quatre fois celle de la feuille dépliée. Continuez à plier cette feuille en deux. Eprouvez-vous, au bout d'un moment, quelques difficultés à la plier ? Vous pouvez essayer avec une feuille de papier plus grande, mais vous serez confronté au même problème.

Imaginez que vous ne soyez pas limité et que vous disposiez d'une gigantesque feuille de papier que vous pourriez plier 50 fois en deux. Quelle serait son épaisseur finale ?" 

Le résultat du calcul est absolument incroyable, plus de cent douze millions de km !

Sylvie avait intitulé son histoire "Voyage vers le soleil" . 

Paul fut séduit, fasciné par les qualités pédagogiques de Sylvie.

" I love you, Paul. Et toi ? Réponds-moi, je t’en supplie !

Je serai ce soir sur le vieux port, pas loin du bar de la marine, tu me reconnaîtras facilement dans la foule, j’aurai une robe blanche. »

En lisant ce message, j’ai immédiatement pensé à cette réflexion que j’avais lue peu de temps auparavant dans un roman de Guy de Maupassant:

« Il n’y a pas de bonheur comparable à la première pression des mains, quand l’une demande : « M’aimez-vous ? » et quand l’autre répond : « Oui, je t’aime. »

Ces quelques lignes sont les premières du roman de Paul.

Dans sa fiction, Paul honore le rendez-vous, il se rend au vieux port et rencontre Virginie qui l’attendait, tremblante dans sa robe blanche.

Le soir même, il la dévore, la croque comme un paraphile profond.

Paul parvient à écrire dix pages entièrement consacrées à la description de ses ébats avec Virginie.

Virginie avait un corps de femme mais une âme d’enfant. Quand elle enlevait son chemisier et qu’elle dévoilait ses seins généreux qui semblaient regarder vers le ciel, faisant fi de la loi de la gravitation, c’était une femme. Quand elle faisait entendre sa petite voix, c’était, les premières semaines de notre relation, un enfant. Mais l’enfant grandit très vite au fur et à mesure de notre découverte mutuelle. Au début très soumise, Virginie prit très rapidement de l’assurance, elle était devenue très joueuse et complètement décomplexée.

 " Popol, tu peux me sucer les sommets de mes sinus ?  " Voilà le genre de demande qu’elle formulait sans aucune pudeur. Je n’aurais jamais dû lui apprendre que l’étymologie de sein était sinus, elle retenait beaucoup mieux mes cours particuliers de français que ceux de physique.

Une autre phrase osée pour une jeune fille de quinze ans :

« Popol, avant toute chose, applique-toi à longuement lécher ma vanille !  »

- Ici encore, j’étais responsable de lui avoir imprudemment appris que vagin et vanille avaient la même étymologie. C’est Sylvie qui m’avait appris ces finesses de la langue. Sylvie, qui était très cultivée, faisait beaucoup de français dans ses cours de maths et elle m’avait confié que ses élèves adoraient cela. J’avais voulu vérifier avec Virginie.

Et effectivement, Virginie apprenait très vite à jouer avec les mots.

Popol était devenu mon surnom rigolo d’usage, mais son goût très douteux ne me faisait pas rire du tout. Bien sûr, ce n’était qu’un jeu, mais c’était elle qui jouait, pas moi.

Quel idiot étais-je d’avoir autant culpabilisé avant d’entreprendre cette relation que je pensais immorale parce que j’avais trente ans et elle quinze !

Plus tard, j’eus droit à d’autres surnoms intimes de mauvais goût :

Une semaine, c’était mon neuneu, la semaine suivante ma baguette, ma branche ou ma chandelle.

Je fus contraint de réagir en lui disant clairement et d’un ton furieux que j’en avais assez qu’elle me réduise à une fine appellation (Sylvie, comme le sont souvent les profs de maths était experte en contrepèterie, elle en connaissait des centaines et j’en avais retenu quelques unes)

Sa réponse fut sidérante :  " Paul, tu t’affines ? "

J’en suis resté abasourdi, paralysé, pétri d’admiration. Moi qui espérais marquer un point avec cette note d’humour, je suis vaincu par K.O.

Non seulement elle a tout de suite déchiffré la contrepèterie, mais la pertinence et la fulgurance de sa répartie parfaitement adaptée au contexte sont impressionnantes.

Ainsi donc, mon élève, introvertie en classe et médiocre en sciences physiques serait, à quinze ans, une experte en jeux de mots coquins.

Je la croyais candide, quelle mauvaise analyse de ma part, le naïf, c’était moi !

Virginie était de plus en plus dominatrice, j'étais devenu son jouet.

Elle aimait prendre le contrôle du déroulé du rapport sexuel. Je me soumettais volontiers à ses directives, je faisais tout pour lui faciliter la jouissance en privilégiant les positions ou les pratiques qui lui permettaient de prendre plus de plaisir. 

C'était une équilibriste (excepté toutefois lorsque l'équilibre concernait une équation chimique d'oxydo-réduction )

Liane, antilope, petit-pont, j'ai eu droit à toutes les positions les plus acrobatiques et chaque semaine  une nouvelle contrepèterie pour m'encourager; parfois très osée: 

"Un buteur digne de ce nom recherche l’équilibre pour tirer", m'avait-elle murmuré un soir à l'oreille, avant de me tourner le dos.

Un mois s'est écoulé sans que Paul n'écrive une seule page.

" Elucubrer aussi laborieusement le récit des ébats que je n'ai pas connus, avec une nymphette que je n'ai pas eu le courage d'affronter, c'est malsain, cela relève du masochisme, un professeur retraité  devrait avoir des occupations plus positives, plus nobles. 

Un roman ne peut pas être complètement fictif et en outre, je ne suis pas un écrivain, je me suis encore fourvoyé, pourquoi me remémorerais-je indéfiniment cette période sombre de ma vie? Virginie, Nina, l'île Maurice, ont gâché ma jeunesse, c'est ainsi, mais c'est le passé. 

Pour occuper mon temps libre, il me faut voyager, découvrir de nouvelles régions, il y a tant de merveilles à découvrir en Europe."


# abcmaths @ 16:19

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Guy Marion 246 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte