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La solitude du chef

Publié le 23 août 2008 par Malesherbes
Le 27 janvier 1968, le sous-marin Minerve disparut accidentellement au sud-est du cap Sicié, faisant 52 victimes. Le 8 février 1968, en hommage aux victimes, le général de Gaulle embarqua à Toulon à bord de l'Eurydice pour effectuer une plongée à proximité du lieu du naufrage. Le dimanche 23 octobre 1983, l'attentat du Drakkar fit 58 morts parmi les soldats français de la force multinationale d'interposition au Liban. Le même soir, le président François Mitterrand s'envola pour Beyrouth afin de rendre hommage aux soldats assassinés.
Nicolas Sarkozy a suivi l’exemple de ses prédécesseurs et s’est honoré en se rendant immédiatement à Kaboul. Malheureusement, le costume de président demeure un peu trop grand pour le personnage. Même dans les circonstances les plus solennelles, il est incapable de s’affranchir de son langage familier : «I’sont allés jusqu’au bout de leur engagement. Pourquoi on est ici ? Pass’qu’ici se joue une part de la liberté du monde, pass’qu’ici se mène le combat contre le terrorisme ».
Outre ces questions de forme, peut-être mineures, mais qui révèlent la nature profonde de cet homme, il a selon moi fait pis le 21 août, lors de l’hommage national rendu aux Invalides aux soldats tués, en déclarant : « Je veux dire devant vos familles, qu’à ce moment précis où je vous parle, jamais à quel point je n’ai mesuré ce que peut être la solitude ... d’un chef de l’État face aux décisions qu’il doit assumer ». Quelle est son intention en prononçant ces mots ? Souhaite-t-il obtenir notre sympathie ? Certes, sa tâche est écrasante, bien que l’étonnante souplesse de son agenda permette de nourrir des doutes sur sa charge de travail non protocolaire. Mais, si la plupart sans doute des jeunes hommes tués dans cette embuscade avaient embrassé la carrière des armes par vocation, certains ont pu ne s’engager que faute d’autres possibilités d’emploi. Et si la fonction de Président de la République est lourde, elle comporte malgré tout nombre d’agréables compensations. Je considère comme totalement déplacé de tenter de se faire plaindre devant des familles plongées dans la douleur par la perte d’un enfant, d'un mari, dun compagnon ou d'un père.
M. Sarkozy enchaîne : « et je dois dire devant vous, devant vos corps et devant ceux qui vous aiment, que j’ai pris mes responsabilités, que j’en mesure la gravité ». Pas sûr. Le verbe prendre convient parfaitement, notre Président s’est emparé de responsabilités qu’il aurait pu partager. C’est par sa seule volonté qu’il s’est abstenu de soumettre à l’avis du Parlement sa décision d’augmenter de sept cents soldats nos forces en Afghanistan. Et le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, écartait ces derniers jours une autorisation préalable du Parlement à la prolongation de l'intervention militaire au-delà d'une durée de quatre mois au motif que, les opérations en Afghanistan ayant été engagées avant le vote de la révision constitutionnelle, « il ne peut y avoir de rétroactivité». Fort heureusement, il s’est trouvé dans les faits désavoué par le gouvernement.

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