D’habitude je tire un peu de cash mais là je suis passé devant la tirelire sans y penser. J’ai un fond sonore dans le ciboulot, une rengaine d’impuissance bien connue avec une mauvaise nouvelle en fond d’écran dés que je ferme les stores

Écart bassin, bien campé sur mes petites jambes je me saisis de cette chose blanche et molle qui me permet de pisser debout. Je fais des ronds dans l’eau! Un pote toubib m’avait dit« si ça mousse c‘est bon !» un peu mon neveu, tu verrais le jet que j’envoie dans le canal…
Je pense au voyageur L 095 coté hublot du OuiGo Dijon/Paris de 20.37 d’hier soir, de passage une zeptoseconde au dessus du Canal de Bourgogne vers l’écluse de Saint Florentin à 300 à l’heure. Si j’ai pu mater son N° de siège, il a du voir un mec en kayak glissant majestueusement sur l’eau. Une carte postale qui va certainement lui donner des idées pour ses prochaines vacances.
N’y va pas camarade!
C’est bien bô tout ça au fil de l’eau mais tu vas dormir dans un lit avec des draps tout à l’heure après une douche et un petit câlin rituel du vendredisoirpassquedemainontravail’pas. Une petite insomnie, tu appuies sur un interrupteur, y a bien un reste de qq chose dans le frigo, s’il est 5 du mat tu vas pouvoir te faire couler un jus et lire un peu.
Bin ton aventurier sur sa coquille de noix c’est un irresponsable fourbu en flag d’organisation free style. Il cherche un trou dans la végétation derrière le chemin de halage pour poser son bivouac. Les épaules noueuses, les mains pleine de crampes, de la flotte dans le cockpit et sur les genoux à cause de la pagaie démunie des rondelles magiques anti-gouttes et le siège trempé de n’avoir pu fixer la jupe pour fermer l’hiloire. Eveillé à cinq du mat comme toi, il va chercher sa frontale en gérant des crampes, sortir à quatre pattes pieds nus dans la rosée et se repieuter en écoutant les bruits chelou de la forêt. Bien sûr, en réintégrant l’abri, tu as bien senti la toile mouillée de rosée te lécher le dos mais comme ton duvet était déjà un peu humide de la navigation d’hier, tu n’es plus à ça près.
La règle du bivouac: tu peux dormir partout à l’exclusion des propriétés privées, dans une tente limitée à 90 cm de hauteur posée après 21 h, enlevée avant 9 heures le lendemain et feux interdits. Donc, le petit café et les menus lyophilisés Décathlon, tu oublies. Je suis plutôt petit mais à 90 cm, je plafonne en grignotant des amandes salées dans la position du scribe de Thèbes . T’as l’air serein d’un vieux sage mais en dedans tu calcules l’économie de gestes pour trouver l’ouverture de ta tente sans choper un lumbago éliminatoire.
Sinon, c’est sympa le kayak mais plutôt en eaux vives parce que le canal c’est calme, certes mais 184 écluses vont t’obliger à sortir et remettre à l’eau ton embarcation autant de fois.
Inutile d’aller à la salle remuer de la fonte. S’accroupir en équilibre, saisir la berge d’une main et de l’autre un point central dans la gorge de l’hiloire et pousser comme en squat en symétrie pour retrouver la station debout sans se foutre à la baille, c’est du gainage. Haler les 50 kgs de ton barda, les hisser sur le chariot, puis rouler en montée assez raide pour franchir le sas et refaire la manœuvre dans l’autre sens. Résultat: 8 plombes pour faire 20 Kms
Ce matin next coffee 1,5 km que je vais faire à pieds passsque moi sans un bon café, je ne vaux rien. « D’habitude je tire un peu de cash mais là je suis passé devant la tirelire sans y penser » donc demi tour et re 500 mètres avant un bon jus. J’ai le temps: c’est le jour de fermeture du troquet!
Illustration: la Garonne à Agen dans une autre vie et un autre kayak
