Hard

Face à la concurrence américaine, la fiction française tente, petit à petit, de se réveiller. Pour ma part, mis à part Clara Sheller, je dois avouer que je n’ai pas été un spectateur assidu des productions hexagonales. Mais il y a quelques semaines, j’avais entendu parler de Hard, série diffusée sur Canal Plus et qui avait obtenu une presse assez élogieuse. Par chance, Dieu (ou quelqu’un d’autre) créa le magnétoscope. J’ai ainsi pu découvrir, un peu en retard, l’intégralité (six épisodes) de la première saison de cette série à part dans le paysage français.

Hard, écrit et réalisé par Cathy Vernet, nous plonge dans les coulisses du porno. L’histoire est celle de Sophie (Natacha Lindinger), une mère au foyer très coincée et embourgeoisée qui doit faire face subitement à la mort de son mari. Ce dernier, pensait-elle, était dans le business Internet. Mais voilà qu’après les funérailles, sa belle-mère (Michèle Moretti) lui apprend que le site que gérait son mari s’appelait « Sophix » et qu’il s’agit d’un site porno. La belle-mère participant elle-même à l’entreprise, l’affaire tourne au cauchemar. Outrée face à ce monde impudique et vulgaire, Sophie pense dans un premier temps à tout revendre. Mais lorsqu’elle va découvrir que sa maison est hypothéquée et qu’elle n’a aucune aptitude solide pour gagner de l’argent, elle va accepter, contrainte, de reprendre les reines de ce site à priori pervers. Dans les studios se tournent des films pornos classiques mais aussi des œuvres SM, zoophiles, costumés…

A la vision du pilote j’avais quelques doutes : je trouvais que la réalisation et la photographie s’apparentaient trop à une imagerie publicitaire. Cela faisait trop cliché bien que l’idée de l’opposition entre ces deux mondes (petite bourgeoisie et milieu du X) amuse. Heureusement, dès le deuxième épisode la mayonnaise prend et on s’attache de plus en plus à Sophie et son entourage. Si les personnages des enfants restent très stéréotypés (une ado qui ne fait que des listes et un jeune garçon qui a tout le temps son casque sur les oreilles) , la meilleure amie de Sophie, sa belle mère et Roy la Poutre (génial François Vincentelli) sont de fabuleuses trouvailles. Interdit aux moins de 16 ans, cette fiction atypique offre quelques scènes osées sans trop flirter avec le porno pour autant. Le milieu du X, d’abord perçu comme ridicule et pervers par le regard accusateur de Sophie va progressivement être dépeint comme joyeux et amusant mais non sans travers. Star du X , le personnage de Roy la Poutre est un peu une variante de Rocco Siffredi mélangée avec un HPG pour la sensibilité artistique et le désir d’exprimer plus que de la jouissance.

Rapidement, on comprend où le show veut nous emmener : une romance interdite pourrait bien se profiler entre la psychorigide Sophie et le hardeur Roy. L’une va se libérer, l’autre laisser sa sensibilité ressurgir dans un milieu souvent blasé. Format résolument court (26 minutes par épisode) , Hard offre un divertissement de haute volée, bourré d’humour et sans temps mort. Cathy Vernet créé un univers décalé mais documenté, une empathie instantanée pour tous ses différents personnages. Voilà un bel exemple de courage dans un paysage français que l’on a l’habitude de trop caricaturer. Qu’on se le dise : Cathy Vernet a des couilles et sa fiction est une franche réussite. Avec un final en apothéose, le spectateur ne peut qu’avoir envie d’en redemander encore. Bonne nouvelle : la saison 2 est en production…