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Droits de l'Homme : Comment la France peut-elle se montrer digne de ses discours officiels ?

Publié le 25 août 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

 Droits de l'Homme : Comment la France peut-elle se montrer digne de ses discours officiels ?

Par Jacques DEHAIRE


Un cri d'alarme ! Dans l'édition 2008 de l'état des droits de l'Homme en France, « Une démocratie asphyxiée », (éditions La Découverte), la Ligue des droits de l'Homme décrit un pays de plus en plus sécuritaire, au nom même de la démocratie. Paradoxe ? Contradiction... SOS libertés au pays de la Liberté ? Ce livre recoupe quelques rapports (du Conseil de l'Europe, notamment, ou du comité dues droits de l'homme de l'ONU, sans oublier bien sûr des dossiers bien instruits d'autres ONG). Il s'ajoute à d'autres cris d'alerte, à propos du fichier Edwige, par exemple...Ou de la situation éhontée de nos prisons. Ou des traitements réservés aux « invités » des centres de rétentions.

La France fait la guerre en Afghanistan et ailleurs pour « la liberté du monde et de nos enfants (...), contre la régression et la démocratie pour des femmes qui ont été élue pour la première fois ». Et brille par ses professions de foi pour les « valeurs universelles » gravées sur les frontons de la République. Mais cordonnier est (parfois) mal chaussé...

Pour le président de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), Jean-Pierre Dubois, « le sentiment qui se dégage est (...) celui d'une ‘‘révolution conservatrice'' à la française, qui, tout en appliquant des recettes venus d'outre-Atlantique et d'outre-Manche, a utilisé les ressources idéologiques et électorale libérées par le séisme du 21 avril 2002 ».
Fondée lors de l'affaire Dreyfus en 1898, l'association publie une analyse aussi large qu'argumentée. En matière institutionnelle, elle dénonce « une démocratie asphyxiée » par « un président-soleil » auquel ne résiste ni le gouvernement, ni le Parlement.
La LDH décrit un pouvoir qui installe « dans l'ensemble de la société des réflexes de contrôle social ». Ses juristes et ses militants décrivent en particulier le « fantasme de la surveillance absolue » qui pousse notamment le gouvernement à multiplier les fichiers informatisés aux frontières et aux usages flous. Et plus seulement qu'aux frontières, puisque le fichier Edvige vient d'être crée, par un décret du 27 juin 2008, suscitant de nombreuses protestations, dont celles de la LDH . En complément (si,l'on peut dire) d'Edvige, il existe un autre fichier, Cristina, qui suscite également de légitimes inquiétudes.

Enfin, si la Ligue des droits de l'Homme stigmatise l'opportunisme et les contradictions d'une diplomatie qui s'auto-proclame en faveur des droits de l'Homme, elle analyse le déploiement à l'intérieur de nos frontières d'une xénophobie institutionnalisée, symbolisée par l'instauration d'un ministère de l'Immigration et de l'identité nationale. Une initiative qui traduit « une prétention inquiétante (...) plus proche d'une logique totalitaire que des règles d'une société (...) démocratique ».

La  LDH met en lumière le lien entre ce contrôle social accru, d'un côté, et la déstabilisation de la société salariale, de l'autre, à travers cette « façon frénétique (...) d'imposer (...) une sorte de négociation permanente sous contrainte » afin de provoquer « un effet de choc, pour limiter la contestation ».

Pour la LDH, la politique sociale demeure, comme sous le quinquennat précédent (ou plus), « un interventionnisme au service des plus aisés ». D'où les « attaques » contre l'assurance-maladie, l'assurance-chômage, l'assurance-retraite ou le « détricotage des 35 heures », la diminution des cotisations sociales et « l'absence de politique sociale du logement »...Bref, une politique de solidarité sacrifiée, alors que le premier des Droits de l'Homme est de vivre décemment.

La Ligue met aussi le doigt sur l'absence de débat démocratique autour des choix de société (on pourrait évoquer l'ensemble des productions législatives si l'on compare les pouvoirs parlementaires en France et chez nos partenaires européens). Pour elle, la valse des réformes s'inspire de la « méthode thatchérienne » : « d'abord (...) borner étroitement les discussions » afin de camoufler une orientation idéologique ; « puis proposer une solution (...) ; limiter ensuite les sujets restant en négociation ; enfin, (...) imposant le rythme et la date de sortie ».
Les officiels de la République ne vont pas apprécier. Mais le réquisitoire est argumenté. Consolation : en France, au moins, ce type de livre peut être diffusé. Et on peut en parler, pour le promouvoir. Pourvu que cela dure...
Jacques DEHAIRE
« Une démocratie asphyxiée, L'état des droits de l'Homme en France », Ligue des Droits de l'Homme, La Découverte, 2008, 124 pages, 10 euros.


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