
Dans la série " vents contraires" et "j’ai trop d’amis qui aiment Melville"
Je vous parle d’un temps…
Il n’y avait qu’une chaîne de télé, les divertissements étaient rares, pas de match de ligue 1 bref, on pouvait faire un film noir, intelligent et mystérieux, LE film d’atmosphère avec un bout de peloche et une touche de génie
Une cage, un piaf, des biftons de 500 brûlés —Gainsbourg n’a rien inventé — un pucier dans une chambre d’un hôtel borgne, l’homme se lève, imper mastic, chapeau, il se regarde dans le miroir, lisse le rebord de son couvre-chef et va tirer une bagnole. Chômeur en fin de droits? Non! Tueur à gages insaisissable mutique et impitoyable! Pas de dialogue. Juste un bruitage. Un bruitage? Disons un grincement. C’est le piaf dans sa cage sur son escarpolette. Les deux personnages s’emmerdent à cent sous de l’heure — sans doute le montant des gages du tueur pour tuer le temps — et les deux protagonistes du film communiquent en morse. Trait-point- point-point-trait-point. Le tueur répond en faisant vibrer la liasse de billet contre les barreaux de la cage. La puissance de la suggestion, l’art majeur de l’image, le silence bavard. Chef d’œuvre de la cinémathèque. Plus loin dans l’action façon Derrick — dix minutes pour aller du lit à la porte et deux plombes pour chourrer une caisse en plein jour sapé comme un mec du KGB — j’ai résolu l’énigme de la communication en morse oiseau/tueur: Samouraï de mes deux si tu ne changes pas de marque de graines à piaf je te dis pas que les flics sont passés poser des micros. Bon, il suffisait de tirer les rideaux pour apercevoir la boîte à chaussures suspendue à un clou destinée à écouter les conversations d’un tueur muet, mystérieux impitoyable et insaisissable. Génie de la réalisation, montée en puissance de l’intrigue, suspense Hitchcockien, mayonnaise impossible à faire monter aujourd’hui à cause des alarmes Vérisur qui ont foutu les piou-piou au chômage.
Tu sais quoi? Les vieux films, les acteurs morts, le jeu immuable cocker triste/moue façon j’ai une gastro, la lenteur et le silence ça me tabasse bruyamment que la fumisterie est bien vivante
