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Economie : le modèle français en question

Publié le 26 août 2008 par Hmoreigne

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Avis croisés sur la situation de l’économie française. Dans une interview accordée au Journal du dimanche le week-end dernier, Laurence Parisot, la patronne des patrons, demande de l’air pour l’économie française à travers une baisse des impôts et des charges. Au même moment Jean Peyrelevade, ancien PDG du Crédit lyonnais, proche de François Bayrou et ex conseiller de Pierre Mauroy en 1983, sort un livre (Sarkozy, l’erreur historique) dans lequel il revient sur la question du déficit budgétaire et estime que la France vit au dessus de ses moyens.

Laurence Parisot partage le constat de Jacques Attali lorsque ce dernier relève une France décalée, qui bénéficie plus tard et à un moindre niveau de la croissance lorsqu’elle est là mais qui, entre plus vite dans le ralentissement lorsque la conjoncture s’inverse.

« En réalité, ce qui m’inquiète, ce n’est pas tant que notre croissance ralentisse de 0,3% au dernier trimestre, mais plutôt que la France plafonne à 2,0%/2,5% lorsque le monde va bien et fait beaucoup mieux » confie la présidente du Medef au JDD.

La solution selon Laurence Parisot est évidente : baisser les impôts et les charges.
« Nous subissons la pression fiscale et sociale la plus élevée au monde. Elle rend les entreprises structurellement moins compétitives. Chaque année, elles subissent des prélèvements de 300 milliards d’euros en France contre 230 en Allemagne et 120 au Royaume-Uni ».

Le paradoxe français réside justement dans un niveau de prélèvement élevé et un déficit budgétaire structurel qui l’est tout autant. Jean Peyrelevade dénonce dans son ouvrage aux tendances pamphlétaires, « une économie profondément déséquilibrée » et appel à « un retour à la rigueur dans la gestion des affaires ». Un retour à l’équilibre qui passe selon lui obligatoirement dans un premier temps par un relèvement provisoire des prélèvements pour remplir les caisses. A l’inverse, Laurence Parisot préconise de supprimer  très vite l’impôt forfaitaire annuel (IFA), pourtant allégé en 2006, qui pèse sur les PME, y compris en difficulté, ainsi que la taxe professionnelle.

Certes, Laurence Parisot a raison lorsqu’elle souligne « qu’avec l’augmentation des prélèvements obligatoires, l’étatisme se renforce”. Elle est dans rôle de défenseur d’un libéralisme économique qui voit d’un mauvais oeil l’hypertrophie de la sphère publique.

Ceci étant, le problème est plutôt celui du fonctionnement peu efficient de l’Etat redistributeur des richesses nationales, de ses lourdeurs, de ses gaspillages. C’est aussi d’avoir laissé se développer le sentiment que la puissance publique pouvait être une vache à lait, que les ponctionnements importants sur l’économie, peu visibles pour le citoyen ordinaire, ne coûtaient rien et à personne.

A ce titre, la remarque de la présidente du Medef est fondée lorsqu’elle exprime ses réticences sur la prise en charge par les entreprises de la prime de transport promise par François Fillon début juillet : « Ou il s’agit d’un complément de salaire et il faut en discuter au niveau de l’entreprise, voire de la branche. Ou c’est une aide sociale pour tous et elle est prise en charge par l’Etat. Attention à ne pas passer de l’échec de l’Etat providence au fantasme de l’entreprise providence. Le sujet est préoccupant mais savez-vous que chaque année les entreprises françaises s’acquittent déjà d’un Versement Transport d’un montant total de 5 milliards d’euros ? »

Jean Peyrlevade considère de son côté « que le réglage de notre machine macroéconomique est mauvais », et que Nicolas Sarkozy mène une politique économique « dans l’exact prolongement des erreurs du passé » (…) « Héros des réformes périphériques, il échouera sur la seule qui soit centrale : celle qui rétablirait la compétitivité de notre appareil productif. Loin de résoudre nos difficultés, il va continuer à les aggraver. Loin de la renforcer, il va progressivement étouffer le peu de croissance potentielle qui nous reste. Loin d’augmenter le pouvoir d’achat, il nous conduit vers une stagnation de notre niveau de vie. En ce sens, son erreur est historique comme sera tristement historique son élection par un peuple floué. »

Le problème serait donc politique. L’ancien banquier qui connaît parfaitement les arcanes du pouvoir dans un esprit caractéristique du Modem renvoie dos à dos gauche et droite en évoquant  « leur inculture (qui) sert trop souvent de paravent à leurs intérêts électoraux. Une pensée unique les anime, la relance par le pouvoir d’achat et la consommation, pensée qu’ils croient favorable au renouvellement de leurs mandats mais nous condamne en fait à une forme de stagnation. »

Dans son livre, Jean Peyrlevade évoque l’anecdote d’un dîner chez Michel Rocard, en 2006, donné en l’honneur de Raymond Barre. A cette occasion l’ancien Premier ministre aurait prédit  ”Les Français se réveilleront, quand ils constateront une baisse de leur pouvoir d’achat.” Nous y voilà. Reste à voir si la « prophétie » se réalisera.

Sarkozy : l’erreur historique, de Jean Peyrelevade
coll. “Tribune libre”, Plon, 202 p., 18 €.


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