La vache d'Adrien, gaïnaako nagge

Ce 1er août 2008...

Entre les mangues de la colère et la vache d’Adrien..., Debbo a choisi.

Au quotidien…

Pour débuter ce mois d'août pendant lequel Paris et sa banlieue sont désertées par nombre de leurs habitants, et les non- vacanciers transformés en gardiens des lieux, Debbo a été réveillée, comme au village, par le beuglement d’une vache. Le beuglement sortait d'une radio, mais c'était tout comme.

Partie ainsi d'un bon pied, Debbo était décidée à rester zen et à vivre ces mots qu’une bonne âme lui avait adressé la veille : « Je te souhaite une excellente journée de bonheur, de sourire et de bien être. »

Elle prit son bus habituel, mais, contrairement à l'habitude, évita de regarder dehors, tout le long de son parcours du matin. Peut-être pour ne pas voir les pigeons nappés du gras des restes de frites tombés de sandwichs grecs qu’ils picoraient. Mais surtout, parce qu'elle ne voulait pas regarder les arbres qui, pour la plupart, jaunissaient de soif et semblaient souhaiter ce que beaucoup de ces vacanciers d’août redoutaient comme une calamité : la pluie.

Debbo tourna le dos à une Ivoirienne engagée dans un monologue passionné à propos de « tous ces Chinois qui vendaient, à sa place, ses ignames, ses piments et ses mangues», et auxquels il faudrait "régler leurs comptes". Certainement une qui n’a pas dû écouter le président français déclarer, hier, "qu’on ne peut pas boycotter un quart de la population mondiale", encore moins lui règler son compte.

Debbo ignora donc les effets de la globalisation, et préféra s’approcher d’une jeune maman à l’allure romantique, au corsage sagement fleuri. "Elle fait certainement partie de ces nouvelles "mamans bio", pensa-t-elle, "car elle donne le sein à son bébé, et le porte au dos avec « un châle de proximité » (les Africains disent : pagne.)

L'image de la "maman bio" ramèna Debbo aux premiers instants de son réveil. Le beuglement à la radio, était celui de la vache d’Adrien. Agé de 17 ans, bac scientifique en poche, et passionné par la nature et les vieux métiers, Adrien est parti, ce matin, de la ferme familiale, laissant derrière lui parents et amis. Son projet ? Réaliser un parcours initiatique de près de 1200km et, durant plusieurs mois, aller à la rencontre des artisans de France, sans téléphone portable ni radio ou balladeur numérique, avec pour seule compagne sa vache préfèrée.

Tout ça pour souhaiter à ceux qui sont partis et ceux qui restent, un excellent mois de bonheur, de sourire et de bien être ! Et dire "courage et bonne route, Adrien, heureux gaïnaako (berger) d’une seule vache !"

• gaïnaako nagge berger d'une vache (en peul).

Safi Ba